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Un agenda social bien rempli

L'actualité | L'événement | publié le : 03.01.2006 | A. Bariet, E. Franck, L. Gérard, C. Lacourcelle, J.-F. Rio

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Un agenda social bien rempli

Crédit photo A. Bariet, E. Franck, L. Gérard, C. Lacourcelle, J.-F. Rio

Soutien à la création d'emploi, maintien dans l'emploi des seniors, lutte contre les discriminations, réforme de la branche AT-MP..., sans oublier les suites de la réforme de la formation professionnelle. Les sujets sociaux ne manqueront pas cette année.

«La bataille de l'emploi » restera « le grand objectif pour 2006 », qui doit « être une année utile », a déclaré le Premier ministre, le 19 décembre, à l'issue d'un séminaire gouvernemental. Pour l'heure, les prévisions lui sont favorables : le taux de chômage, caracolant à 10 % en janvier 2005, pourrait être ramené à 9,2 % à la fin juin (9,6 % au 1er décembre dernier) et 136 000 emplois sont attendus dans le secteur marchand pour 2006, selon l'Insee. Mais, pour « maintenir ce cap », la feuille de route doit être extrêmement remplie.

Tout d'abord, le Contrat de transition professionnelle (CTP) sera expérimenté, dès janvier, sur six sites pilotes : Saint-Dié, Vitré, Morlaix, Valenciennes, Toulon et Charleville-Mézières. Un premier bilan sera dressé à la fin de l'année. Destiné aux licenciés des entreprises de moins de 300 salariés, il vise à favoriser leur retour à l'emploi, en proposant des formations ou la possibilité d'exercer une activité auprès d'entreprises privées ou d'organismes publics. Toutefois, ce dispositif reste flou. Quel sera le statut du salarié licencié ? Sa rémunération ? Et quelle sera la structure avec laquelle il signera son contrat ? (voir Entreprise & Carrières n° 790/91). Le gouvernement reprend, en fait, à travers l'idée du CTP, le concept de « sécurisation des parcours professionnels », si cher à la CGT. Ce concept avait déjà été suggéré par Jean Boissonnat, en 1995, dans son rapport Le travail dans vingt ans, dans lequel il préconisait de substituer au contrat de travail un «contrat d'activité» qui lierait le salarié à une entreprise, un groupe d'entreprises ou une institution consulaire, pour des périodes alternant activité productrice et formation. L'objectif étant de garantir l'employabilité des salariés. Mais, pour la CGT, l'idée du gouvernement est détournée de la proposition initiale. Le CTP relève « d'une simple démarche de transition entre emploi et chômage. Il n'y a pas de pérennisation du contrat de travail ».

Par ailleurs, le gouvernement prévoit de présenter, en ce début d'année, la deuxième étape du «plan pour l'emploi», après les ordonnances d'août 2005, afin « de créer davantage d'emplois dans notre pays ». Une attention particulière sera portée aux jeunes, avec le lancement, avant le 1er juin, d'un «plan d'action concerté» pour mieux les orienter vers les métiers d'avenir et ceux en tension. Enfin, il promet aussi «un service public de l'orientation» opérationnel pour le 1er septembre.

Plusieurs pistes sont, actuellement, à l'étude, en vue de porter le taux d'emploi des seniors (55-64 ans) à 50 % en 2010, contre 36,8 % aujourd'hui : suppression progressive de la contribution Delalande ; suppression de la dispense de recherche d'emploi pour les salariés âgés ; assouplissement du cumul emploi-retraite ; contrat à durée déterminée allongé pour les chômeurs âgés de 57 ans et plus ; réservation pour les seniors de 20 000 des 50 000 contrats initiative emploi (CIE) prévus en 2006 ; campagne de sensibilisation sur le potentiel des plus de 50 ans.

Ces différentes mesures doivent s'inscrire dans un «plan national d'action concerté 2006-2010 pour l'emploi des seniors», qui sera lancé, par le gouvernement, à la mi-février, après une conférence nationale pour l'emploi des seniors. Elles compléteront l'accord interprofessionnel négocié, le 12 octobre, par les partenaires sociaux.

Le projet de loi sur «l'égalité des chances», présenté le 1er décembre, pourrait être adopté dès ce mois de janvier. Emploi, éducation, lutte contre les discriminations, et, surtout, réforme de l'apprentissage constituent les principaux points forts de ce programme. La Haute autorité de lutte contre les discriminations (Halde) sera, ainsi, renforcée : elle pourra notamment infliger des sanctions pécuniaires (de 5 000 à 25 000 euros) ou des suspensions d'agrément ou d'autorisation à l'égard de l'entreprise ou de la personne fautive. Le testing, pratique développée par SOS Racisme afin de lutter contre les discriminations, est aussi en passe d'être légalisé.

Une Agence de la cohésion sociale, destinée à regrouper l'ensemble des financements des politiques de la ville et de l'intégration, devra également voir le jour. A noter : le Contrat jeune en entreprise (CJE), créé par François Fillon en août 2002, devra être étendu à l'ensemble des jeunes des zones urbaines sensibles (ZUS), et ce, quel que soit leur niveau de formation. Sans oublier les prochaines négociations interprofessionnelles sur la diversité voulues par le Medef.

En août 2004, la loi Douste-Blazy, réformant l'assurance maladie, avait fixé un délai d'une année aux partenaires sociaux pour qu'ils fassent connaître leurs propositions sur la réforme de la branche AT-MP (accidents du travail et maladies professionnelles) et sur le mode de calcul des cotisations des employeurs. C'est finalement le 20 décembre qu'une première séance de discussion a eu lieu. Le changement de présidence au Medef n'étant pas étranger à l'ouverture de cette négociation. L'enjeu est important. Il s'agit de dépoussiérer un système qui fonctionne selon les mêmes schémas depuis 1945.

Déficitaire, de l'ordre de 500 millions d'euros en 2005, la branche AT-MP, financée par les entreprises, paraît grippée. Le système des cotisations, qui est au coeur des négociations, ne joue plus son rôle de levier pour inciter les entreprises à se lancer dans des démarches de prévention. Car, si les accidents du travail sont en baisse - la France se situe toutefois en haut de l'échelle de l'Union européenne -, les maladies professionnelles ont littéralement explosé ces dernières années. D'où l'idée d'instaurer un système de bonus- malus qui pénaliserait financièrement les mauvais élèves et, inversement, récompenserait les entreprises vertueuses. Avant d'en arriver là, tout le système est à revoir.

Cette négociation, qui s'annonce très ardue, devrait courir sur l'année 2006. D'autant que les partenaires sociaux doivent aussi aborder la question de la gouvernance de la branche et celle de la réparation intégrale pour les victimes du travail. Une dernière revendication à laquelle les syndicats sont très attachés. Elle permettrait, en outre, d'éviter une banalisation de la faute inexcusable de l'employeur. Reste à savoir si les entreprises pourront assumer seules l'ensemble de la réparation. Lors de la réunion du 20 décembre, le Medef a déjà proposé que les salariés cotisent à la branche, ce qui a suscité une véritable bronca syndicale. En clair, l'Etat devra sans doute mettre la main à la poche, en augmentant, par exemple, sa dotation au Fiva (fonds amiante).

En attendant, les partenaires sociaux devront aussi finaliser la discussion sur la pénibilité au travail, qui découle de la réforme des retraites. Lors du dernier round de négociation, le 6 décembre, les participants attendaient les propositions du groupe de travail paritaire qui planche sur les modalités de réparation (les départs anticipés) pour les salariés ayant occupé des postes pénibles.

L'année 2006 sera encore celle des tâtonnements dans l'application de la réforme de la formation professionnelle. Les grandes entreprises commencent à prendre la mesure du DIF et de la catégorisation des plans de formation, mais les PME en sont encore loin. Les contrats de professionnalisation n'avaient pas, fin 2005, rattrapé leur retard par rapport à leur niveau de 2004 ; et la colère de certains représentants des organismes de formation réalisant, avant la réforme, de nombreux contrats d'alternance, monte de plus en plus.

Les périodes de professionnalisation, après une période d'absence totale de consommation, semblent désormais fort appréciées par les entreprises les mieux alertées par leur Opca et celles ayant les meilleures stratégies financières : elles y voient une bonne formule d'abondement de leur plan de formation. 2006 sera donc encore une année de rodage, mais attention : la plupart des accords de branche ont acté les 20 premières heures de DIF au 1er janvier 2005. Depuis le 1er janvier 2006, nombre de compteurs DIF viennent de prendre 20 heures de plus...

2006 sera également l'année de deux débats : celui sur l'«apprentissage junior» dès 14-15 ans, et celui sur le «droit universel à la formation». Sur l'apprentissage junior, la grande majorité des acteurs ont déjà pris position. Une chose est sûre : la réussite de ceux-là même qui ne sont encore que des enfants nécessitera des trésors d'engagement pédagogique, de conseil, de valorisation, de mise en perspective. Et la création de véritables passerelles de retour vers la voie classique. La question du financement de cette formule est donc cruciale. Car, comme l'avoue l'Assemblée permanente des chambres de métiers et de l'artisanat (APCM), pourtant très favorable à l'apprentissage junior, « seuls les jeunes motivés et travailleurs réussiront par l'apprentissage, quel que soit leur âge, et s'ils en ont pris eux-mêmes la décision ».

L'idée d'un «droit universel à la formation» serait justement une de ces fameuses passerelles. Le 12 décembre, Dominique de Villepin a souhaité la création de ce nouveau droit, ouvert à « tous ceux qui n'auraient pas poursuivi leurs études au-delà de 16 ans et qui auraient déjà eu une expérience professionnelle d'au moins deux ans ».

Deux rapports sont attendus pour le mois de mars prochain. Le premier, réalisé par Dominique Chertier, ancien conseiller social de Jean-Pierre Raffarin, devrait réunir une série de propositions pour améliorer les modalités d'information et de concertation avec les partenaires sociaux, en amont de la décision publique. Le second portera, quant à lui, sur la représentativité et le financement des syndicats. Il a été confié à Raphaël Hadas-Lebel, président de la section sociale du Conseil d'Etat.

Auteur

  • A. Bariet, E. Franck, L. Gérard, C. Lacourcelle, J.-F. Rio