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Enquête

Droit individuel a la formation, An1

Enquête | publié le : 13.12.2005 | Laurent Gérard

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Droit individuel a la formation, An1

Crédit photo Laurent Gérard

2005 est la première année d'application du nouveau Droit individuel à la formation (DIF). Une année de mise au point durant laquelle, selon une étude CSA, moins d'un quart des entreprises ont conclu un accord. Le bilan est mitigé, mais l'avenir n'est pas écrit.

La première année d'existence du Droit individuel à la formation, dispositif emblématique de la réforme de la formation professionnelle, s'achève. Et son bilan est... comment dire ? DIF... ficile à faire. Les accords de branche, qui ont suivi le vote de la loi du 4 mai 2004, font le plus souvent débuter la possibilité de consommation du DIF au 1er janvier 2005.

D'un point de vue macroéconomique, la consommation du DIF est aujourd'hui ridicule : très peu de salariés s'en sont réellement emparé. Ce qui donne raison à l'étude CSA (lire p. 14), qui estime que le DIF vit aujourd'hui « une sorte de langueur ». En effet, 54 % des DRH et responsables formation (DRH-RF) répondent que « rien n'est prévu » ou que « la négociation prévue n'a pas commencé ». A l'inverse, seuls 21 % d'entre eux déclarent qu'un accord d'entreprise sur le DIF est entré en vigueur. Selon ces mêmes DRH et responsables formation, la fin de l'année devrait être particulièrement chargée en matière de négociation interne dans les entreprises sur cette question. A voir.

Les PME-TPE traînent des pieds

Parallèlement, les niveaux d'information des TPE (lire p.18) et des salariés (lire p.14) restent sous-développés. Pire, les patrons de PME-TPE ne sont pas vraiment pressés de voir leurs salariés prendre conscience de ce droit. En effet, selon l'Observatoire de la petite entreprise de la Fédération des centres de gestion agréés, si 26 % des chefs de TPE disent connaître le DIF, seul 1 sur 5 souhaite que ses salariés soient informés sur ce thème ! Ce qui n'est pas de bonne augure.

Mais juger l'an 1 du DIF sous ces deux angles serait un peu court et, finalement, assez désespérant. Nombre d'entreprises ont déjà pris le taureau par les cornes. Des grandes comme des petites et dans tous les secteurs d'activité. Elles n'ont pas forcément les mêmes solutions vis-à-vis de problématiques aussi spécifiques que la formation hors et pendant le temps de travail, l'absorption du DIF dans le plan (ou l'inverse), la construction d'une offre interne (catalogue ou pas)... mais elles élaborent «leurs» solutions.

Le DIF sans douleur

On trouve, finalement, à ces entreprises plusieurs points communs. Fondamentalement, elles ont pris conscience du risque financier à six ans. Ensuite, elles ont fait beaucoup de communication interne. Avant la réforme, elles n'étaient déjà pas «manchotes» en matière de formation, leur niveau d'investissement tournait autour de la moyenne nationale (3,2 % de la masse salariale) ou au-delà. Elles ont très souvent réintégré le DIF dans le temps de travail. A leurs salariés, elles ont présenté une solution (catalogue spécifique DIF ou ouverture au DIF des actions du plan) en réponse au problème.

Opca très sollicités

Enfin, ces entreprises se sont nettement rapprochées de leur Opca pour en tirer le maximum d'utilité : recherche systématique de cofinancement et utilisation forcenée des capacités de conseil et d'accompagnement (quand elles existent).

Bilan : le couple «entreprise volontariste + Opca réactif» a permis d'avaler le DIF sans trop de problème. Tout du moins, tant que les financements mutualisés de DIF prioritaires, pris sur le 0,5 % professionnalisation, seront sous-utilisés.

Pour finir, reste une question qui promet quelques turbulences : la gestion des conflits sur le DIF et le transfert entre Droit individuel à la formation et Congé individuel à la formation (CIF).

D'après la loi, tout salarié obtenant deux refus (« désaccord », insistent les juristes) de DIF de la part de son employeur sur deux exercices consécutifs peut demander à voir son projet de DIF transformé en CIF. Mais quand exactement peut-il faire sa demande de CIF à son Fongecif régional ou Agecif d'entreprise ?

Recours en CIF en 2007 ?

Pour le Medef, l'affaire est entendue : pas de premiers cas de recours «CIF/DIF» avant le 1er janvier 2007 - 2005 et 2006 étant les deux premiers exercices consécutifs considérés. On peut donc en déduire que les salariés motivés ayant demandé un premier DIF en janvier 2005, essuyé un refus, puis redemandé leur DIF en janvier 2006 et essuyé un second refus, devront attendre janvier 2007 pour transformer leur demande de DIF en voeux de CIF. Un an d'attente supplémentaire : ils ne manqueront pas de trouver cela un peu long.

Timing de la demande de formation

Si c'est bien le timing retenu, les salariés vont vite comprendre qu'ils ont tout intérêt à déposer leur demande de DIF en novembre de l'année N. Première demande en novembre N, premier refus en décembre N, deuxième demande en novembre N + 1, deuxième refus en décembre N + 1, possibilité de recourir à une demande de CIF en janvier N + 2. En gérant sa demande selon ce calendrier, le salarié gagne presqu'une année, comparativement à des demandes déposées en janvier.

L'esprit de la loi

Mais, si le timing était différent, et que celui-ci soit beaucoup plus court ? La Direction générale de l'emploi et de la formation professionnelle, à l'occasion d'un séminaire juridique organisé par le cabinet Circé, fin novembre, avait été interrogée sur la situation suivante : un salarié fait sa première demande de DIF en novembre de l'année N (suivie d'un refus) ; une deuxième demande de DIF en janvier de l'année N + 1 (suivie d'un refus) ; un dépôt d'une demande de CIF 24 heures après le deuxième refus de DIF.

Ce dépôt serait-il illégal ? La DGEFP a reconnu qu'une telle stratégie de demande serait « contraire à l'esprit de la loi, qui privilégie le dialogue employeur-salarié », mais elle ne voyait pas en quoi cette demande de CIF serait « illégale »... Certains Fongecif voient déjà venir le coup, une clarification juridique s'avère en tout cas nécessaire.

L'essentiel

1 Le nouveau Droit individuel à la formation (DIF), né pour tous de la loi du 4 mai 2004, est encore une rareté dans les petites entreprises. Mais les sociétés les plus importantes se sont emparées de la question, ne serait-ce que pour éviter une bombe financière dans six ans.

2 Les réserves financières sur l'obligation «0,5 % professionnalisation», collectées par les Opca, facilitent, pour l'heure, la mise en place du DIF.

3 La question de la «transmutation» du DIF en Congé individuel de formation (CIF), suite à deux refus de DIF de l'employeur, laisse en suspens d'épineuses questions juridiques.

Auteur

  • Laurent Gérard