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« Travailler jusqu'à 65 ans dans des conditions choisies »

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 13.12.2005 | Violette Queuniet

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« Travailler jusqu'à 65 ans dans des conditions choisies »

Crédit photo Violette Queuniet

Le management des quinquas est une nécessité pour les entreprises désormais interdites de préretraites. Gérard Fournier et Serge Guérin livrent leurs propositions pour gérer les fins de carrière des cadres. Le principe : plus de souplesse et de liberté dans les conditions de travail.

E & C : Pourquoi la question du management des quinquas est-elle cruciale pour les entreprises ?

Serge Guérin et Gérard Fournier : Le problème est urgent à deux niveaux. La première urgence est d'ordre pragmatique : depuis la loi Fillon, il faut avoir travaillé au moins quarante ans avant de partir en retraite. Cela signifie, pour les cadres, un départ au plus tôt à 62 ans alors qu'ils partaient avant autour de 58 ans. Il y a donc un grand vide de trois à quatre ans que les entreprises doivent désormais combler en confiant de vraies missions à ces personnes et non des «placards dorés». Second point : le marché de l'entreprise vieillit, puisque la société, dans son ensemble, vieillit. Il serait donc illogique que tout vieillisse sauf les salariés...

E & C : Quelles sont vos propositions pour améliorer le management des quinquas ?

S. G. et G. F. : Nous sommes pour le droit au libre choix : on doit pouvoir travailler jusqu'à 65 ans et plus, mais dans des conditions choisies. Un cadre n'est pas obligé de continuer la course au sommet, il doit pouvoir, à un certain moment, choisir une fonction moins exposée, quitte à changer de salaire. Il faut donc favoriser la mobilité interne en sortant de la logique de progression verticale obligatoire et des avantages acquis, afin que le senior soit contributeur en fonction de ses expertises et de ses envies. Il faut aussi introduire plus de souplesse : pourquoi ne pas travailler pendant quatre mois à plein temps, suivis de deux mois de congés ? Ou bien diminuer progressivement son temps de travail ?

Nous soutenons aussi l'idée de contrats de mission ou de contrats spécifiques pour les plus âgés. Autre piste : détecter les seniors à haut potentiel. Habitués à être sur la touche dès 50 ans, certains ont développé des compétences à l'extérieur de l'entreprise. Prenons l'exemple, dans un établissement bancaire, d'un salarié senior qui est, par ailleurs, président d'une association comptant des centaines de bénévoles. Il serait à sa place comme responsable des relations avec le monde associatif. Voilà une forme de haut potentiel.

En revanche, nous avons voulu sortir de la logique habituelle qui consiste à vouloir transformer les seniors en formateurs et tuteurs. Ils ne sont pas nécessairement tous des pédagogues dans l'âme et un certain nombre d'entre eux ont peu à transmettre. A quoi sert d'être la «mémoire de l'entreprise» quand l'entreprise d'aujourd'hui est le produit de deux ou trois fusions-acquisitions ?

Nous suggérons aussi une plus grande ouverture du service public aux seniors - on peut d'ailleurs se féliciter de la fin des limites d'âge pour entrer dans la fonction publique d'Etat. Autre piste : mettre en place des passerelles entre les grands groupes et les PME, car il y a là un enjeu majeur.

Les grands groupes arrivent encore à financer des départs à 58 ans. Ils ne sont pas les plus inquiétés par les prochains départs massifs en retraite qui concernent beaucoup de postes de middle management, maintenus par souci de cohésion sociale mais pas toujours par nécessité économique.

Le cas des PME/PMI est très différent. Pour pouvoir «jouer» au niveau international, une PME doit compter au moins 200 salariés. En France, il existe seulement 7 200 entreprises de plus de 200 personnes ! Les grands départs en retraite poseront donc des problèmes aux PME pour garder leur taille critique et leur savoir-faire interne, et jouer un rôle au niveau mondial. C'est là que les seniors ayant acquis des compétences techniques ou managériales au sein des grandes entreprises pourraient vraiment apporter un soutien aux PME, par exemple, dans les relations commerciales à l'international.

E & C : Que pensez-vous de la proposition du Medef d'instaurer un CDD de 18 mois maximum, renouvelable une fois, pour les plus de 57 ans au chômage ?

S. G. et G. F. : Cela va dans la bonne direction. Nous avions d'ailleurs proposé un contrat de trois ans pour les seniors au chômage à partir de 55 ans. Se retrouver avec un contrat ferme de trois ans dans une entreprise donne pas mal de souplesse, et surtout de confiance, à des personnes qui ont beaucoup de difficultés à rebondir.

E & C : La même proposition d'accord entre le Medef et les syndicats se situe dans une perspective de faire passer le taux d'emploi des 55-64 ans de 36,8 % aujourd'hui à 50 % à l'horizon de 2010. Pensez-vous que cet objectif pourra être atteint dans les délais ?

S. G. et G. F. : Par nécessité, les salariés devront faire leurs quarante annuités pour partir en retraite. La pression est donc grande. Cela suppose surtout qu'en seulement quatre ans, les mentalités changent. Or, en France, le progrès social rime avec retraite précoce, comme en témoigne la décision emblématique prise en 1981 de faire passer la retraite de 65 à 60 ans.

Dans toute l'Europe, sauf en France, le progrès, c'est de permettre au plus grand nombre de pouvoir continuer à travailler, même au-delà de 65 ans. C'est donc d'abord les mentalités qui doivent changer, celles des employeurs, des salariés, mais surtout celles des politiques et des syndicats.

Si la gauche savait, Michel Rocard, Robert Laffont, 2005.

Economiquement incorrect, Eric Le Boucher, Grasset, 2005.

La fin de l'autorité, Alain Renaut, Flammarion, 2005.

parcours

Serge Guérin, professeur en sciences de la communication à l'ESG-Paris et au Cnam, est l'auteur d'une douzaine d'ouvrages, dont Le Grand retour des seniors.

Cofondateur de la revue Médias, il intervient comme conseil en communication et en ressources humaines.

Gérard Fournier est directeur général de Boyden Interim Executive. Il a créé et lancé, en 1997, le management de transition en France avec, depuis 2002, un bureau à Lyon pour le grand Sud-Est.

Ils sont les auteurs de Manager les quinquas (éd. d'Organisation, 2005), qui vient de recevoir le prix «Mutations et Travail» 2005, organisé par le groupe Nuages Blancs.

Auteur

  • Violette Queuniet