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Enquête

Un outil encadré pour l'avis d'aptitude

Enquête | publié le : 06.12.2005 | Véronique Vigne-Lepage

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Un outil encadré pour l'avis d'aptitude

Crédit photo Véronique Vigne-Lepage

Le dépistage de la consommation de cannabis est possible techniquement, mais aussi juridiquement, pour peu qu'il soit uniquement au service de la vérification de l'aptitude d'un salarié à un poste de travail à risque.

«Aujourd'hui, plus personne ne milite pour la dépénalisation de l'usage du cannabis, revendication qui polluait le débat sur le dépistage dans le monde du travail, affirme le Dr Charles Mercier-Guyon, médecin-légiste, membre de la Commission nationale des stupéfiants et secrétaire du Conseil médical de la prévention routière. Nous sommes, désormais, dans une logique de sécurité en entreprise. » C'est ainsi que les spécialistes appréhendent aujourd'hui la question du dépistage.

Obligation de sécurité

Pour répondre à son obligation de sécurité à l'égard de ses salariés (art. L. 230-2 du Codre du travail), l'employeur a, à sa disposition, le règlement intérieur (art. L. 122-34 du Code du travail), dans lequel doivent être listés les postes de travail à risque. En effet, une circulaire du ministère du Travail (n° 90/13) du 9 juillet 1990, relative au dépistage de la toxicomanie en entreprise, affirme que le dépistage systématique ne peut en aucun cas se justifier, sauf pour certains postes comportant de grandes exigences de sécurité et de maîtrise du comportement. Une préconisation déjà faite par le Comité consultatif national d'éthique dans son avis du 16 octobre 1989, auquel les médecins du travail sont invités à se référer.

« Plus aucun d'entre eux ne peut soutenir que la science ne connaît pas assez ce problème et qu'il relève de la sphère privée. Beaucoup de réticences éthiques sont dues à un manque de connaissances », affirme le Dr Charles Mercier-Guyon, qui a mis en place les dispositifs de dépistage de drogue utilisés par la police et la gendarmerie sur les routes, puis les a transposés au milieu professionnel.

« Un test sanguin peut révéler une imprégnation à un instant T, mais l'analyse exige trois ou quatre jours, explique-t-il. En revanche, le test urinaire, pratiqué par un médecin ou un biologiste, permet de repérer la consommation de cannabis sur les sept à quinze jours précédents. Il est même plus fiable que la mesure des gamma GT pour la consommation d'alcool, puisque ceux-ci peuvent avoir une autre origine ». En tout état de cause, le salarié doit être informé par le médecin du travail de la nature et de l'objet du test, c'est-à-dire la vérification de son aptitude à un poste de travail listé dans le règlement intérieur.

Outil de dialogue

Si le résultat du test est soumis au secret médical, « il doit, estime le Dr Mercier-Guyon, être un outil d'introduction à un dialogue entre le médecin du travail et le salarié. Il s'agit de demander à ce dernier s'il est dépendant. Ceux qui le sont, pour la plupart, le reconnaissent. Et lorsqu'ils sont informés qu'ils risquent l'inaptitude, la majorité préfèrent arrêter ! Quant à ceux qui nient leur dépendance, il existe des tests permettant de la confirmer et il faut absolument tenter de les aider. »

En effet, « l'article R. 241-52 du Code du travail précise bien que le médecin du travail peut prescrire des examens complémentaires, nécessaires à la détermination de l'aptitude médicale au poste de travail, et notamment au dépistage des affections comportant une contre-indication à ce poste, rappelle Philippe Arbouch, avocat, chargé de cours à l'université de Saint-Quentin-en-Yvelines. Pour atténuer ou exclure sa responsabilité, l'employeur devra être en mesure de faire la preuve qu'il a été diligent pour limiter les risques d'incident ou d'accident ».

L'aptitude d'un salarié dépisté peut lui être accordée sous réserve de la prise d'un traitement de substitution (Subutex, notamment). Selon Charles Mercier-Guyon, « il faut que les mentalités évoluent et que les médecins du travail apprennent à gérer ces traitements ».

repères

Les textes de loi à connaître : Art. L. 230-2 du Code du travail. Art. L. 122-34 du Code du travail. Art. R. 241-52 du Code du travail. Circulaire du ministère du Travail n° 90/13 du 9 juillet 1990. Comité consultatif national d'éthique, avis du 16 octobre 1989.

Auteur

  • Véronique Vigne-Lepage