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Enquête

Un arrêté d'aptitude controversé

Enquête | publié le : 06.12.2005 |

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Un arrêté d'aptitude controversé

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La SNCF impose à ses agents effectuant des métiers à risque une visite annuelle de sécurité comportant un dépistage de substances psychoactives. Une procédure qui découle d'un arrêté ministériel datant d'août 2003.

«Les agents de la SNCF occupant une fonction de sécurité ont une attitude très responsable. Ils ont une grande vigilance au travail et une haute opinion de la sécurité dans l'entreprise. Ceux qui touchent de manière occasionnelle au cannabis dans leur environnement privé savent très bien gérer leur consommation », affirme Marie-Claude Bruder, présidente du syndicat des médecins de la SNCF. Et d'ajouter : « Ce n'est pas parce que vous buvez deux ou trois verres le dimanche en famille que vous êtes alcoolique la semaine. Pour le cannabis, c'est pareil. »

Test de dépistage

Pourtant, l'entreprise publique a institué une visite annuelle de sécurité comportant un dépistage de substances psychoactives pour les agents occupant des métiers sensibles. Ce test a été instauré par un arrêté du ministère des Transports, publié au Journal officiel en août 2003, relatif « aux conditions d'aptitude physique et professionnelle et à la formation du personnel habilité à l'exercice de fonctions de sécurité sur le réseau ferré national ». Il liste dix-neuf fonctions de sécurité, du conducteur d'engin à l'agent de formation chargé de la composition des trains, en passant par le « mainteneur de l'infrastructure ».

Cet arrêté a « officialisé le dépistage de masse », remarque le Docteur Vinh Ngo, médecin du travail à la SNCF. « Personne n'est dupe, ajoute Marie-Claude Bruder, la direction a fait pression sur les pouvoirs publics pour obtenir cette réglementation. C'est une manière habile de se débarrasser du problème ».

Plus grave : selon elle, certains auraient été tentés, sans résultat à ce jour, de mettre la médecine du travail sous surveillance. « Des professeurs de santé publique qui ont l'oreille de la SNCF ont essayé d'imposer leurs vues. Fort heureusement, le médecin du travail est encore libre de déclarer l'aptitude ou l'inaptitude. »

Secret médical

Le texte a, en tout cas, fait bondir le Syndicat national des professionnels de la santé au travail (SNPST), qui y voit un mélange des genres contraire à l'éthique de la profession. « Les médecins du travail sont là pour veiller à la santé des salariés et non pour pratiquer des sélections », s'indigne Gilles Arnaud, secrétaire général adjoint du SNPST. Cette organisation syndicale a porté l'affaire devant le tribunal administratif de Melun (77).

Le texte fixe certaines conditions au dépistage. Les examens sont soumis au secret médical et doivent présenter toutes les garanties de confidentialité et de non-discrimination. En aucun cas, ils ne peuvent être réalisés à l'insu de l'agent, qui doit être informé de la nature des tests et de leurs résultats. La SNCF utilise des tests d'urine promettant un taux d'erreur inférieur à 5 %.

Selon le Dr Vinh Ngo, cette visite de sécurité permet d'instaurer un dialogue entre le salarié et le médecin qui peut proposer des prises en charge thérapeutiques. « A la SNCF, un consommateur régulier de cannabis n'a rien à faire sur un métier sensible. Pour le fumeur occasionnel, il faut simplement recadrer les comportements. Au-delà de l'aspect contrôle, il est primordial d'inculquer une culture de la santé. » Un chantier immense. « Si des efforts importants ont été accomplis en direction de la lutte contre l'alcoolisme, la prévention des consommations de substances psychoactives est au point mort à la SNCF », souffle un autre praticien.

J.-F. R.