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Enquête

Tolérance zéro pour les marins

Enquête | publié le : 06.12.2005 | J.-F. R.

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Tolérance zéro pour les marins

Crédit photo J.-F. R.

Après une campagne de prévention nationale contre les effets du cannabis et une étude épidémiologique portant sur 1 600 personnes, la marine envisage, désormais, de lancer un dépistage pour ses marins.

Avec ses 45 000 militaires et ses 10 000 salariés civils, la marine nationale est une sorte de miroir de la société française. Et de sa jeunesse ! La moyenne d'âge flirte, en effet, avec les 30 ans et, chaque année, ce sont entre 3 000 et 3 500 nouvelles recrues qui incorporent ses rangs. Parmi elles, des consommateurs réguliers ou occasionnels de cannabis.

Pour cerner de plus près le comportement de ses troupes face aux substances addictives, le service de santé de la marine nationale a lancé récemment une vaste enquête épidémiologique sur les addictions à l'alcool, au tabac et au cannabis. Un questionnaire anonyme a été adressé à 1 600 personnes, complété par des tests d'urine pour le dépistage du cannabis.

Consommation courante

Actuellement en phase d'analyse, l'étude a déjà livré ses premiers résultats. Bilan : plus d'une personne sur deux reconnaît avoir déjà fumé un joint, et plus de 10 % de la population étudiée fume régulièrement du cannabis. Des chiffres globalement conformes, bien que légèrement inférieurs, à la moyenne nationale.

Après une grande campagne de prévention contre le cannabis en avril dernier (Entreprise & Carrières n° 761), cette enquête épidémiologique est une étape supplémentaire devant conduire à l'objectif que s'est fixé l'état-major : tolérance zéro pour le cannabis ! « C'est une substance illégale qui est incompatible avec nos activités et notre éthique, martèle l'amiral Pierre Devaux, directeur du personnel. Nous avons donc décidé de bâtir une politique s'articulant autour de la prévention, la responsabilisation et la répression. »

Volet répressif pour les militaires

Le volet répressif, réservé aux militaires, se matérialise par la procédure dite «Fiat» (Fiche individuelle d'appétence au toxique), mise en place depuis 2003. Concrètement, lorsqu'un marin est pris en flagrant délit de consommation de cannabis ou en état d'ivresse cannabique, cela active une «Fiat» avec, pour conséquence, une impossibilité, pendant au moins deux ans, de décrocher une décoration ou un avancement.

Le suivi d'un stage, organisé en liaison avec la Mildt (Mission interministérielle de lutte contre la drogue et les toxicomanie), sur les effets de la drogue peut toutefois déboucher sur une réduction de la sanction. Ce stage est pris en charge presque intégralement par la personne, un petit complément financier étant accordé par la Mutuelle nationale militaire. L'an dernier, 157 «Fiat» cannabis ont été activées.

Contrôles réguliers

« Nous pratiquons régulièrement des contrôles sur les bateaux avec des chiens qui flairent les paquetages des militaires. Nos marins savent qu'ils ont toujours une épée de Damoclès au dessus d'eux », souligne l'amiral Devaux. En amont, lorsqu'un jeune se présente dans un bureau de recrutement, celui-ci s'engage à se débarrasser, s'il est consommateur, du cannabis. Il est aussi prévenu qu'il sera examiné lors de la visite médicale d'incorporation. En cas de test positif, il n'intégrera pas la marine.

Toujours dans son objectif d'éradiquer le cannabis, la marine réfléchit, actuellement, à un dépistage systématique pour ses personnels occupant des métiers à risque. Inutile de préciser qu'elle en compte un certain nombre.

Problème du coût de l'expertise

« L'objectif est de mettre en place une visite annuelle de sécurité avec un test de dépistage cannabis. Si celui-ci s'avère positif, nous envisageons un retrait immédiat de la fonction », souligne le directeur du personnel. Lequel a dû infléchir ses ambitions : « Initialement, nous voulions, pour arriver à cette tolérance zéro, étendre le test à l'ensemble des marins, mais il y a un problème de coût. Car si le test d'urine est peu cher - environ 4 euros -, généralement, une surexpertise est demandée, car le taux d'erreur est d'environ 30 %. Cette analyse complémentaire coûte, elle, 300 euros. Nous avons donc décidé de limiter cette visite annuelle aux postes de sécurité. Le test concernera aussi, à terme, les salariés civils. »

S'inspirant de ce que pratique la Royal Navy, en avance sur la gestion de la consommation de cannabis, la marine nationale fait montre, en tout cas, d'une totale transparence sur un sujet tabou dans de nombreuses entreprises privées. « Nous sommes, depuis toujours, sensibilisés sur ce sujet, nos navires mouillent dans des ports internationaux où la drogue est en vente libre, presque visible sur les quais. » L'attitude de la marine est aussi en train de faire des émules. Le service de santé interarmées vient de réunir un groupe de travail pour étendre la démarche aux autres armes.

marine nationale

> Effectifs : 45 000 militaires, 10 000 salariés civils.

> Procédures disciplinaires : 157 pour consommation de cannabis.

Auteur

  • J.-F. R.