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Enquête

« En entreprise, il n'y a pas de prévention »

Enquête | ENTRETIEN AVEC | publié le : 06.12.2005 | J.-F. R.

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« En entreprise, il n'y a pas de prévention »

Crédit photo J.-F. R.

E & C : Les entreprises parlent de plus en plus de consommation de cannabis. Est-ce la fin d'un tabou ?

A. F. : L'usage de psychotropes illicites au travail n'est pas nouveau. Mais, on assiste à un début de prise de conscience. Pendant des années, les pouvoirs publics ont volontairement proscrit toute communication sur les drogues illicites. En 1998, l'arrivée de Nicole Maestracci à la tête de la Mildt (remerciée en 2002 par le gouvernement Raffarin, NDLR) a fait évoluer les mentalités. Cette prise de conscience récente peut aussi s'expliquer par un double phénomène : d'une part, une modification des habitudes de consommation, marquée par une érosion de la consommation d'alcool et une montée en charge de la prescription des médicaments psychotropes et d'une plus grande variété des substances illicites disponibles sur le marché ; d'autre part, les entreprises ont considérablement durci leur niveau d'exigence en matière de sécurité et de productivité. Cela dit, les drogues illicites ne concernent qu'un peu plus de 1 % de la population.

E & C : Les entreprises et les services de santé au travail semblent démunis face à ce sujet...

A. F. : Dans les entreprises, il n'y a pas de prévention, car le cannabis est illégal. La question est rarement abordée sereinement, à savoir par des programmes de sensibilisation et des formations. Souvent, l'idée est de stigmatiser l'usager. Quant aux médecins du travail, ils ne sont pas suffisamment formés. Ils doivent, en outre, endosser une énorme responsabilité. Certains employeurs n'hésitent pas à faire pression sur eux pour obtenir un corps social complètement clean. Plus grave : la mission des médecins du travail n'est pas encadrée. Ils sont libres de prononcer ou non une inaptitude.

E & C : Croyez-vous à une généralisation du dépistage en France ?

A. F. : C'est une inquiétude forte. S'il est logique que des entreprises ayant des activités à risque pratiquent des tests pour leurs personnels occupant une fonction de sécurité, le dépistage de masse, selon un schéma en vogue aux Etats-Unis, est inadmissible car contraire au respect des libertés individuelles. De plus, cela aboutit rapidement à des conduites discriminatoires. Soulignons ici le lobbying exercé par l'industrie pharmaceutique en charge de la commercialisation de ces tests. Le marché nord-américain, déjà saturé, ces laboratoires explorent désormais de nouveaux territoires d'expansion en Europe et en France.

(1) En février 2006, elle publiera Double vie. Les drogues et le travail (éd. Les empêcheurs de penser en rond).

Auteur

  • J.-F. R.