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Enquête

«Drug free», un label pour les entreprises américaines

Enquête | publié le : 06.12.2005 | Caroline Talbot, à New-York

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«Drug free», un label pour les entreprises américaines

Crédit photo Caroline Talbot, à New-York

Les entreprises américaines testent de plus en plus souvent leurs salariés pour contrôler leur consommation de cannabis et autres drogues. Objectif : obtenir le label «drug free» pour travailler avec les agences gouvernementales. Et maintenir la productivité de l'entreprise.

La société new-yorkaise Global Detection and Reporting (GDR) dispose d'un nouveau test pour détecter la présence de cinq drogues en entreprise : cocaïne, marijuana, héroïne, amphétamines et methamphétamines. Ce test, sous la forme d'un bâtonnet, mis au point par une entreprise allemande, Securetec, est muni de biosenseurs qu'on frotte sur les équipements de la société - chaise, bureau, clavier d'ordinateur, téléphone... Le bâtonnet aspire les micro résidus qui s'échappent de la peau, des cheveux ou de la sueur. On le plonge ensuite dans l'eau et, si le détecteur a été en contact avec de la drogue, sa couleur change.

Plus de 100 clients

Mieux encore, précise Roger Dietch, le président de Global Detection and Reporting, « si un dealer a pénétré dans l'entreprise, le bâtonnet devient tellement rouge que vous n'avez aucun doute sur ce qui s'est passé. Et, le plus souvent, poursuit-il, la drogue préférée des salariés est la cocaïne. »

La PME Global Detection and Reporting revendique déjà plus de 100 clients aux Etats-Unis : chaînes de magasins, entreprises de transport routier, usines, groupes pétroliers, compagnies aériennes..., qui ont fait appel à ses services après avoir constaté une hausse suspecte des accidents, une montée de la violence et des vols, ou une perte inexplicable de productivité. Les techniciens de GDR font tout d'abord un bilan. Ils vérifient l'ensemble des équipements de la société, puis proposent un contrôle régulier tous les trois mois.

Les activités de GDR ont été rendues possibles par la loi de 1988, baptisée Anti Drug Abuse Act. Cette législation exige que les entreprises du secteur privé voulant obtenir une subvention ou travailler pour une agence gouvernementale soient «drug free», ou encore «libres de drogues». Du coup, de nombreuses sociétés ont pris l'habitude de réaliser des contrôles sur leur lieu de travail. Et, au besoin, elles proposent à leurs salaries épinglés une cure de désintoxication et un suivi médical.

9 millions de salariés testés

Les tests les plus courants sont des analyses d'urine ou de cheveux des salariés. « Les entreprises travaillant pour la défense, l'énergie ou le ministère du transport testent régulièrement leurs pilotes, conducteurs, livreurs... soit 9 millions de salariés », explique Mark de Bernardo, responsable de l'Institute for a Drug Free Workplace.

La pratique s'est vite généralisée du fait de la mauvaise réputation des drogues sur le lieu de travail. « Roger Smith, l'ancien Pdg du groupe automobile General Motors, estimait le coût de la drogue à 1 milliard de dollars par an dans ses usines, relate Mark de Bernardo. Un calcul tenant compte des pertes de productivité, de l'absentéisme, du turn-over, des visites médicales, de la hausse des accidents... »

Mauvaise réputation

« 40 % des accidents du travail sont dus à la drogue ou à l'alcool », renchérit Roger Dietch. L'argument fait mouche. De grandes entreprises, comme Eastman Kodak ou la chaîne de magasins de bricolage Home Depot, demandent systématiquement un échantillon d'urine à tous les candidats à l'embauche. D'autres sociétés, telles que Chevron Texaco ou Exxon Mobil, pratiquent des tests réguliers dans l'entreprise.

Mais certains employeurs, suivant l'exemple du groupe pharmaceutique Merck ou d'IBM, ne réclament un test qu'en cas de soupçon. Au final, assure Mark de Bernardo, 98 % des «Fortune 200», les 200 plus grosses entreprises américaines, utilisent, sous une forme ou une autre, les tests de dépistage. « Dans les grands groupes, c'est la norme, précise-t-il. Dans les plus petites entreprises, cela arrive moins souvent. »

Malgré tout, assure-t-on à l'American Management Association, la pratique du contrôle a augmenté de 1 200 % depuis 1987. Et les sondages de l'association montrent que 81 % des entreprises américaines utilisent ces tests. Chaque année, plus de 50 millions de contrôles sont réalisés aux Etats-Unis.

Produits «trompeurs»

« Des contrôles plus ou moins fiables », reprend Roger Dietch. Car le développement des analyses d'urine va de pair avec celui des produits censés «tromper» l'adversaire. Environ quatre cent antidotes seraient actuellement sur le marché, comme le Whizzinator, disponible sur Internet pour 155 dollars. C'est une prothèse en forme de pénis cousue à un sous-vêtement doté d'un réservoir qui fournit des échantillons d'urine claire déshydratée pour passer sans dommage l'épreuve du test. Le bâtonnet de Global Detection and Reporting, lui, ne peut être trompé, affirme Roger Dietch. En plus, il teste des équipements, des ordinateurs, des téléphones... mais pas le salarié. Ce qui permet d'éviter les éventuelles poursuites judiciaires pour intrusion dans la vie privée.

Auteur

  • Caroline Talbot, à New-York