logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les Pratiques

Guerre à l'embauche dans le secteur bancaire

Les Pratiques | Point fort | publié le : 22.11.2005 | Marie-Pierre Vega

Image

Guerre à l'embauche dans le secteur bancaire

Crédit photo Marie-Pierre Vega

Les banques ouvrent la chasse aux jeunes commerciaux pour se préparer au choc du papy-boom. Les départs massifs en retraite des salariés nés après la guerre, conjugués à la croissance des réseaux, ouvrent de nombreuses perspectives. En 2006, les banques devraient embaucher plus de 18 000 nouveaux collaborateurs.

Campagne de pub décalée au Crédit du Nord : « On a remarqué que les diplômes travaillaient moins bien que les personnes » ; opération marketing pour la Société générale qui organise deux journées de recrutement au Stade de France ; transformation d'une quinzaine d'agences en stands de recrutement chez BNP Paribas : les banques embauchent. Et elles rivalisent d'idées pour attirer l'attention des candidats.

Deux tendances expliquent ce besoin de sang neuf. D'une part, le réseau commercial est en forte croissance. Selon la Banque de France, 580 nouvelles agences ont été ouvertes entre 2003 et 2004. A lui seul, le groupe BNP Paribas, qui emploie 55 000 personnes en France, ouvre 50 à 100 agences par an, selon la responsable du recrutement Bénédicte Monneron : « Nous recrutons en volumes importants pour pourvoir les postes qui sont créés et pour renforcer les équipes des agences existantes, afin d'améliorer le service au client. »

30 000 à 40 000 embauches par an

Autre phénomène : la banque vieillit. Il y a quelques mois, Daniel Bouton, président de la Société générale et, alors, encore président de la FFB (Fédération française des banques), avait affirmé : « Les banques seront le premier recruteur du secteur privé dans les prochaines années, avec 30 000 à 40 000 embauches par an, compte tenu de la pyramide des âges. » Le retournement démographique que de nombreux secteurs d'activité s'apprêtent à affronter est davantage marqué dans les banques. Au Crédit du Nord, « plus de 50 % du personnel va ainsi partir d'ici à 2012 », selon Christiane Valteau, directrice du développement et de l'ingénierie des ressources humaines.

Un tiers des salariés ont plus de 50 ans

De fait, les banques ont embauché massivement dans les années 1967 à 1975. Du coup, aujourd'hui, plus d'un tiers de leurs salariés sont âgés de plus de 50 ans. Dans les services administratifs et les fonctions supports, 42 % des collaborateurs sont susceptibles de partir à la retraite d'ici à dix ans environ, selon l'Association française des banques (AFB). Les réseaux, qui salarient environ les deux tiers des effectifs du secteur en France, sont moins touchés. Néanmoins, 25 % de leurs collaborateurs devraient également partir d'ici à 2015.

Pour pallier ces départs et accompagner le développement de leur activité, les banques anticipent. Le taux d'embauche ne cesse d'augmenter, passant de 8,4 % en 2003 à 9,8 % en 2004. Cette année, en France, le Crédit du Nord aura recruté 600 CDI, le CCF 800, LCL (nouveau nom du Crédit Lyonnais) 1 200, les caisses régionales du Crédit agricole 2 500, la Société générale 3 200, BNP Paribas 3 500... Pour 2006, les chiffres sont équivalents ou à la hausse. La concurrence va être rude.

Se démarquer de la concurrence

D'où une course aux idées pour se démarquer. Fin septembre, la Société générale a déroulé le tapis rouge et ouvert les loges présidentielles du Stade de France à près de 300 candidats pour 150 embauches. Présélectionnés par téléphone sur 8 000 envois de CV par Internet, ils ont assisté à une présentation du groupe, passé des tests psychotechniques de logique et de personnalité et été reçus en entretien.

De son côté, BNP Paribas diffuse dans la presse une photo de classe de jeunes diplômés, dont l'un revêt un accoutrement qui se veut iconoclaste. En septembre, pendant une semaine, elle a aussi proposé des entretiens sans rendez-vous dans 17 agences de Paris et sa région. « Nous avons reçu 5 000 personnes dont la moitié ont poursuivi le processus de recrutement. Nous devrions, ainsi, embaucher 400 personnes », indique Bénédicte Monneron.

Une image d'austérité

Dans un cas comme dans l'autre, même objectif : donner de la banque une image plus glamour. « La banque en général souffre d'une image austère », reconnaît Gilles Sauvajol, DRH du Crédit agricole Alpes-Provence, qui « opère un recrutement toutes les 48 heures ». « Nous devons mieux faire connaître nos métiers, notamment auprès des jeunes diplômés, qui ont l'image d'une banque ancienne, une banque de guichets à la mentalité fonction publique. » Pour battre en brèche cette idée reçue, la caisse régionale s'est engagée dans une campagne de publicité. Affichage en 4x3 dans les grandes villes des Bouches-du-Rhône, du Vaucluse et des Hautes-Alpes (sa zone de couverture), parutions presse dans des supports régionaux, espace Internet dédié et bannières sur des sites spécialisés, avec la même accroche : « Jeunes talents, vous maîtrisez la situation... Rejoignez le Crédit agricole Alpes-Provence. » Résultat : un millier de candidatures en un mois, contre 100 habituellement.

Se faire connaître des jeunes diplômés

Pour se faire connaître, les banques sont également présentes sur les campus, via des partenariats avec les écoles de commerce, les universités, les sections commerciales de BTS. Elles multiplient les contrats de professionnalisation et les contrats d'apprentissage, y compris pour les bac + 4/5. BNP Paribas vient de conclure une convention avec Euromed Marseille Ecole de management. Objectif : s'offrir « une meilleure lisibilité auprès des étudiants » et leur « permettre d'effectuer stages et contrats d'apprentissage en vue d'un recrutement éventuel ». Au Crédit agricole Alpes-Provence, la moitié des recrutements annuels sont le fruit de ce travail de partenariat avec les écoles.

La guerre fait rage et, pour satisfaire tous leurs besoins, les banques jouent aussi la carte de la diversification des profils. « Nous avons une exigence de niveau de diplôme, à savoir bac + 2, mais pas de contenu, affirme Alain Kiefer, DRH du Crédit mutuel méditerranéen. Un Deug d'histoire peut nous intéresser, pourvu que la personnalité témoigne d'un sens du service à la clientèle. Nous sommes aussi attirés par des gens qui ne font pas que travailler. Un bénévole dans l'humanitaire ou une personne qui manage une équipe de sportifs retiennent notre attention. »

Profils atypiques

Lors de son opération portes ouvertes de septembre, BNP Paribas a recruté « plusieurs profils atypiques, qui ont su démontrer leur motivation et une aptitude à la relation commerciale », raconte Bénédicte Monneron. Ils ont signé un contrat de professionnalisation de neuf mois pour se former, en alternance, au métier de conseiller en patrimoine financier. Même affichage à la Société générale. « Nous n'avons pas forcément une exigence de diplôme, mais d'expérience qui témoigne d'un sens du client et d'une capacité commerciale », assure Bernard de Talancé, DRH. Le groupe a ainsi ouvert son recrutement aux «40 ans et plus». Plus de 150 personnes ont déjà été recrutées depuis mars 2004 sur des postes de commerciaux, accueil clientèle et secrétariat. « Nous enregistrons de très bons résultats. C'est une population plus mûre qui, du coup, présente un taux de démission moitié moindre que celui des jeunes diplômés. »

Le Crédit agricole Provence-Côte d'Azur donne aussi une prime à l'expérience. En 2005, il aura recruté près de 70 collaborateurs de plus de 40 ans. Profil visé : « Des personnes en reconversion professionnelle, ouvertes aux métiers de l'accueil et du contact avec la clientèle », explique Alex Benvenuto, directeur de la communication.

Tests psychotechniques

Faisant le choix de recruter autrement, les banques révisent aussi leurs procédures d'embauche. Désormais, il leur faut déceler des capacités à acquérir les compétences bancaires chez des candidats généralistes débutants ou des recrues ayant de l'expérience dans d'autres secteurs d'activité. « Nous revenons aux bons vieux tests psychotechniques. Nous multiplions également les entretiens individuels. Et, bien sûr, nous répondons beaucoup plus vite aux candidats, sous quinze jours », précise Gilles Sauvajol, du Crédit agricole Alpes-Provence.

Le Crédit du Nord, qui s'intéresse fortement aux « candidatures de personnes expérimentées venant d'autres domaines telles qu'un agent de voyage ou un responsable d'agence d'intérim », apporte un grand soin à ses entretiens d'embauche, affirme Christiane Valteau. « L'entretien entre le DRH et le candidat se déroule, notamment, sur la base d'un test de diagnostic de personnalité que le candidat va commenter pour parler de lui-même », explique-t-elle. Encore faut-il que ces profils atypiques soient ensuite bien formés. Le Crédit du Nord semble en faire une priorité, avec, pour les nouveaux arrivants, « des modules très personnalisés qui permettent de construire un parcours métier sur trois ou six mois ».

Gains de productivité

Reste à savoir si le secteur bancaire connaît une création nette d'emplois. Les groupes demeurent discrets sur ce point. « Les départs à la retraite, qui concernent surtout les centres administratifs, ne seront pas tous remplacés, car le développement de l'automatisation permet des gains de productivité », note Bénédicte Monneron.

La banque rajeunit

C'est un baby-boom qui va submerger les banques. La population des 30-50 ans, qui constituait le coeur de leur modèle démographique avec 56 % des effectifs en 2001, ne devrait plus en représenter que 34 % en 2010. Les jeunes de moins de 25 ans, qui composaient 5 % des effectifs en 2001 devraient, eux, passer à 23 %. En 2004, plus des deux tiers des recrutements ont concerné des jeunes de moins de 30 ans. Près de 40 % portent sur des moins de 25 ans.

Côté diplômes, la part des niveaux bac + 2/3 progresse depuis 2000, jusqu'à représenter, l'année dernière, les plus fortes embauches : 47,7 %, contre 31 % pour les bacs + 4/5. Les premiers continueront à être largement recherchés dans les prochaines années, particulièrement pour des fonctions commerciales. La part des recrutements au niveau bac augmente légèrement : 21,3 % des embauches en 2004 pour 20,4 % en 2002.

Selon l'AFB, ces recrutements sont à mettre en relation avec le développement des formations en alternance. Dans ce cas, les recrutements au niveau bac conduisent à des postes de niveau bac +2.

Source : enquête emploi 2004 de l'AFB (Association française des banques) menée auprès d'un échantillon des banques du périmètre AFB et Banque populaire.

L'essentiel

1 Les effets conjugués du papy-boom et du développement des activités des banques devraient amplifier les recrutements d'ici à 2010. L'AFB parle de 30 000 à 40 000 embauches par an.

2 Le gros des recrutements concerne la fonction commerciale, avec des postes de chargés d'accueil et de chargés de clientèle «particuliers» ou «entreprises».

3 Les banques revendiquent leur capacité à intégrer des profils atypiques, comme, par exemple, des quadragénaires dépourvus d'expérience dans le secteur.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega