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Enquête

Le grand Toilettage du Code du travail

Enquête | publié le : 22.11.2005 | Anne Bariet

Avec 1 845 textes législatifs et 1 927 pages, le Code du travail explose. Le ministère du Travail s'est lancé dans une vaste tâche de réécriture de textes «à droit constant». Objectif ? Rendre le Code plus clair et plus maniable. Au grand dam de certains experts qui militent pour une modernisation de ce «millefeuille».

Le Code du travail n'a pas la cote auprès des DRH. Dans un récent sondage, réalisé par l'Institut Manpower, il est une fois de plus vilipendé. Ainsi, 66 % des directeurs des ressources humaines interrogés estiment que le droit du travail est difficile à appliquer. « Il faut un traducteur à chaque loi, tempête Daniel Croquette, le délégué général de l'ANDCP. Comment jongler entre les multiples effets de seuil ? Comment avoir une bonne visibilité sur la durée du travail alors que plus de quarante pages sont consacrées à la RTT ? Les diverses interprétations des lois engendrent une insécurité juridique pesante pour notre profession. » Trop touffu, trop volumineux, peu lisible... Les griefs à l'encontre du petit livre rouge ne manquent pas. Plusieurs experts ont, d'ailleurs, tenté de proposer une refonte.

Refonte constructive

En janvier 2004, Michel de Virville, secrétaire général et DRH de Renault, proposait une «refonte constructive» du Code. Michel Camdessus, ancien directeur général du Fonds monétaire international, lui a emboîté le pas. La bataille du Code du travail est aussi un vieux débat au Medef. Depuis 1999, l'organisation patronale réclame une redéfinition des contrats de travail.

L'aménagement du Code est toujours un cheval de bataille pour les chefs d'entreprise. L'Afep (Association française des entreprises privées), un club de réflexion patronal, propose une refonte totale des principes gouvernant le droit du travail, notamment la décentralisation de la négociation au niveau de l'entreprise et la remise en cause de la hiérarchie des normes.

Inadaptation

Le Code du travail n'a pas été remanié depuis trente ans. A l'évidence, il n'est plus tout à fait adapté aux circonstances actuelles. Que faire des «livrets ouvriers» des travailleurs à domicile de tissage ou de coupe d'une pièce de velours en coton ? Pourquoi ignore-t-il, a contrario, la loi de mensualisation de 1978 ou encore la protection des salariés contre l'amiante ? Comment comprendre l'empilement d'articles sur le licenciement ?

« Le Code est en pleine explosion, indique Jean Michel, chef de la mission recodification à la Direction départementale du travail. En réalité, on a atteint les limites. Les dispositions nouvelles n'y trouvent plus leur place. » Pas question, pour autant, de simplifier les textes. Le risque de heurter les syndicats est trop grand. Le gouvernement a donc décidé, en février dernier, de « réécrire à droit constant » le Code, sans modification sur le fond. « Le nouveau Code doit réduire la part d'insécurité et d'ambiguïté qui place en situation incertaine, sur des sujets essentiels, les entreprises et leurs salariés », a précisé Gérard Larcher, le ministre délégué à l'Emploi.

Recodification

La tâche a été confiée à Jean-Denis Combrexelle, directeur des relations du travail. Avec lui, une équipe de techniciens du ministère de l'emploi. Dans un premier temps, la mission de recodification soumet ses travaux à un comité composé de cinq experts, tous spécialisés en droit du travail (Jacques Barthélémy, Philippe Waquet...). Puis, dans un second temps, la mission présente ses propositions de réécriture à un second collège composé des partenaires sociaux qui siègent au Conseil national de la négociation collective.

Un code en huit parties

La nouvelle édition sera composée de huit parties (contre neuf actuellement). La première partie sera consacrée aux relations entre l'employeur et le salarié. Elle inclura la partie sur les conseils des prud'hommes et les litiges individuels. La deuxième traitera des relations collectives en entreprise (négociations collectives et institutions représentatives du personnel, hormis le CHSCT qui sera rattaché à la santé au travail). Y figurera également l'ensemble des salariés protégés, relevant aussi du Code du commerce (représentants de salariés lors d'un redressement ou d'une liquidation judiciaire), ou les membres du conseil d'administration d'une caisse de Sécurité sociale, relevant du Code de la sécurité sociale. La troisième partie abordera la question des salaires et du temps de travail. Et la quatrième, celle de la santé et de la sécurité au travail, sera dotée d'une sous-partie sur la protection des salariés contre l'amiante. Les quatre dernières seront consacrées à l'emploi, à la formation professionnelle, aux métiers particuliers, et aux règles du droit du travail. Gérard Larcher entend achever la rédaction de ces nouveaux articles avant fin mars 2006. Un projet d'ordonnance sera alors transmis au Conseil d'Etat, avant une entrée en vigueur en juin 2006. D'ores et déjà, les deux premières parties sont achevées. La commission s'attelle à la partie IV.

Supprimer les mentions obsolètes

Mais comment clarifier un droit de plus en plus complexe ? Certes, certaines actions paraissent assez simples. Tout le monde s'accorde, en effet, pour supprimer les mentions obsolètes. Les employeurs n'auront plus à embaucher obligatoirement les pères de famille, une loi qui s'inspirait d'un dispositif mis en place durant la Première Guerre mondiale. Ils n'auront plus à veiller aux bonnes moeurs de leurs salariés de moins de 18 ans ou à interdire aux femmes de transporter des marchandises sur des «tricycles porteurs à pédales» ou sur «des diables, cabriolets, charrettes à bras»...

En revanche, il n'est pas sûr que le nouveau Code raye définitivement de ses colonnes les chambres d'allaitement dans les établissements comptant plus de cent femmes. « Il n'est pas dit que cette disposition soit complètement obsolète, assure Jean Michel. Si on la supprime, il n'y aura plus du tout de disposition sur le sujet. Or, aujourd'hui, plusieurs sociétés mettent en place des crèches d'entreprise. Pourquoi, dans ce cas, n'autoriseraient-elles pas leurs salariées à allaiter ? »

Mais ces travaux vont bien au-delà de la seule élaboration d'un nouveau plan et de la suppression d'articles anecdotiques. L'objectif est de donner une plus grande cohérence aux textes pour faciliter la lecture de l'usager.

Cohérence sur le fond

« Nous avons essayé d'introduire une meilleure cohérence sur le fond, indique Georges Tissie, de la CGPME. De scinder certaines lois en plusieurs articles, ou de regrouper plusieurs articles dans un seul chapitre comme, par exemple, les formations par alternance. » Mais plusieurs interrogations subsistent, côté syndical : les conseils des prud'hommes doivent-ils être intégrés dans la partie sur les contrats de travail ? Où place-t-on le licenciement ? Dans la partie emploi ou dans celle consacrée aux contrats de travail ? La CFTC craint un déclassement d'articles, certains textes basculant dans la partie réglementaire. La CFE-CGC a peur de quelques découpages malheureux qui permettraient une lecture différente.

Gagner en simplicité

Le Code sera-t-il allégé ? L'opération de lifting s'effectuant à droit constant, il ne devrait pas gagner en légèreté ni en simplicité. « Le droit du travail s'est construit par strates successives. C'est une juxtaposition de textes à la suite d'acquis sociaux, de conventions collectives, explique Véronique Lopez-Rivoire, de FO. On va arriver à un nombre d'articles bien supérieur. » « La recodification ne change pas le fond, soutient le Medef. Un article qui comporte quinze alinéas sera scindé en quinze articles. » Un exercice délicat en perspective. En tout état de cause, le Code du travail sera réécrit avant la fin de l'année, le gouvernement souhaite marquer, à l'aide de ce nouveau texte, le centenaire du ministère du Travail.

L'essentiel

1 Le gouvernement a décidé de «réécrire à droit constant» le Code du travail, sans modification sur le fond. La tâche a été confiée à Jean-Denis Combrexelle, directeur des relations du travail au ministère de l'Emploi.

2 La nouvelle édition, qui devrait sortir l'été prochain, sera composée de huit parties (au lieu de neuf actuellement). Plusieurs dispositions jugées obsolètes disparaîtront. En revanche, la loi de 1978 relative à la mensualisation fera son apparition, tout comme celle de 1976 relative à l'accession des salariés à la propriété et à la location de locaux d'habitation.

3 Mais plusieurs organisations patronales ou professionnelles, ANDCP en tête, auraient préféré moderniser le Code. Les DRH estiment que le droit du travail reste difficile à appliquer en entreprise.

Auteur

  • Anne Bariet