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Enquête

Comment font nos voisins européens ?

Enquête | publié le : 22.11.2005 |

Si le Code du travail n'existe pas en Italie ni en Allemagne, il a subi un toilettage en Tchéquie et en Pologne. Le sujet fait également débat en Norvège.

L'Italie préfère légiférer

L'Italie ne dispose pas d'un Code du travail à proprement parler, mais d'un ensemble de normes complexe et confus. Les grandes lignes du droit du travail - normes en matière d'embauche, de licenciement, de types de contrat... - sont fixées par des lois. La loi de 1970, dite «statut des travailleurs», a fait date en matière de droits des salariés (protection de la liberté du travailleur, droits syndicaux...). Mais les gouvernements successifs ont tous laissé leur marque dans le droit du travail.

La gauche au pouvoir a ainsi adopté les lois Treu en 1997, autorisant, notamment, le travail intérimaire, tandis que le gouvernement Berlusconi a fait passer, en 2003, la loi Biagi, visant à rendre plus flexible le marché du travail. Une place importante est, en outre, laissée aux conventions collectives de branche, qui fixent, entre autres, les horaires et les grilles de salaire. La complexité de cet ensemble pose souvent problème. « Il existe une infinité de textes, parfois contradictoires entre eux. Les partenaires sociaux souhaiteraient des normes simplifiées, cohérentes et regroupées dans un texte unique », déclare Fabio Canapa, secrétaire confédéral de la centrale syndicale UIL.

Marie-Noëlle Terrisse, à Milan

Controverses en Allemagne

A la veille de la réunification allemande, en octobre 1990, les Allemands de l'Ouest avaient promis à leurs compatriotes est-allemands de rédiger un Code du travail unique. Mais cette intention est restée lettre morte. Encore aujourd'hui, l'Allemagne ne possède pas de Code du travail, mais une multitude de lois. Il existe, par exemple, une loi sur la protection contre le licenciement, une autre sur les conventions collectives, une loi sur la cogestion, etc. Elles ont pour objectif majeur de protéger les intérêts des salariés.

Moins détaillées qu'en France, les lois allemandes les plus importantes tiennent sur moins de 800 pages, mais elles sont complétées par les conventions collectives et par une jurisprudence très importante.

Si la forme de ces lois ne fait guère débat outre-Rhin, leur contenu suscite, en revanche, de fortes controverses. Le patronat allemand juge le droit du travail trop rigide et plaide, notamment, pour un net assouplissement des conditions de licenciement pour relancer l'emploi. Autres grandes pommes de discorde : la cogestion ou encore la dérogation aux conventions collectives. Les entreprises veulent avoir le droit de sceller des accords avec leurs comités d'entreprise, déviant des accords de branche, sans avoir besoin du feu vert des syndicats. Mais ces derniers y voient la fin des accords de branche. Tous ces sujets brûlants font partie des négociations gouvernementales actuelles entre le parti conservateur d'Angela Merkel et les sociaux-démocrates.

Marion Leo, à Berlin

Espagne, un code en chantier

Le Code du travail espagnol, appelé ici «statut des travailleurs», fait moins de 130 pages et comporte 92 articles. On est donc loin du fameux millefeuille à la française. Relativement récent, datant de 1980, il a dû évoluer et s'adapter globalement aux changements du marché du travail. Même si, bien sûr, il comporte quelques rigidités, notamment aux yeux des patrons.

« Le coût du licenciement, lorsque le renvoi est jugé «injuste», reste trop élevé, 45 jours par année travaillée ; il faudrait aussi flexibiliser le processus et rendre la tâche des juges moins compliquée lorsqu'ils doivent décider », explique Roberto Suarez, responsable des relations sociales internationales au sein du département des relations de travail à la Confédération espagnole des entreprises.

Actuellement, gouvernement, syndicats et patrons sont en négociation pour tenter de modifier quelques normes importantes. « Nous voulons renforcer la négociation sectorielle, car, pour l'instant, c'est l'atomisation qui prime », avance Ignacio Hernandez Toxo, secrétaire d'action syndicale et de politique sectorielle du syndicat Commission ouvrières.

Si les secteurs textile, chimie et construction fonctionnent avec des conventions collectives, d'autres, comme la métallurgie, sont régis par les accords d'entreprise, ce qui déplaît aux syndicats. Ces derniers tentent aussi de mieux réguler le phénomène croissant de la sous-traitance, en particulier dans la construction.

Valérie Demon, à Madrid

Rudes batailles en Tchéquie

En République tchèque (10 millions d'habitants), le Code du travail est très élaboré. Né en 1965, il a connu de multiples réformes et réactualisations, et des dizaines d'amendements depuis quinze ans. Et, comme dans tous les pays d'Europe centrale - mais aussi comme en France -, ses aménagements divers ont provoqué une grande ébullition !

Pour codifier les relations de travail, rien n'a été oublié dans le code tchèque ! Mais, depuis 1990, les batailles ont été très rudes ! De cette façon, le gouvernement a souhaité attirer et rassurer les investisseurs étrangers venus de l'Ouest, et qu'il a réussi. Le patronat a voulu abaisser les coûts du travail. Et les syndicats reprochent à l'un et à l'autre d'avoir affaibli le droit social.« Le Code du travail donne trop de droits aux syndicats, dont celui de contrôle », ont tempêté les employeurs, lors de la dernière réforme. « Le nouveau Code ne créera pas d'emplois supplémentaires », ont répondu les syndicats, dénonçant, notamment, les facilités de licenciement et la réduction des indemnisations.

François Gault

Le Code subit les alternances politiques en Norvège

En Norvège comme en France, la modernisation du Code du travail est un véritable cheval de bataille. Une nouvelle loi, refondant totalement la présente législation, datant de 1977, devrait permettre, dès janvier 2006, aux entreprises de licencier plus facilement leurs salariés, d'embaucher des temps partiels avec moins de contraintes, ou de libéraliser les heures supplémentaires. Bref, la loi devrait « introduire plus de flexibilité pour que la Norvège soit compétitive face aux autres pays européens », estime Sigrun Vågeng, de NHO, la principale organisation patronale du pays. Mais « c'est un retour en arrière sur cinquante ans de législation du travail », pour Trine Lise Sundnes, de LO, le premier syndicat norvégien. Ce dernier a, pour l'instant, gagné la partie : le présent gouvernement, de gauche, vient d'annoncer que les aspects «libéraux» de la loi allaient être gommés. En effet, la législation avait été écrite par son prédécesseur, de droite. La guerre continue donc...

Gwladys Fouché, à Oslo

Les partenaires sociaux polonais veulent un code à la portée de tous

En Pologne, le Code du travail est encore jeune : il est né en 1974. Première réforme de fond : 1996, pour s'ouvrir à l'économie de marché. Deuxième : 2002. Et, en 2004, il a subi un «toilettage» pour s'adapter au droit européen.

Aujourd'hui, le Code du travail polonais donne aux chefs d'entreprise une plus grande liberté d'action pour réduire les coûts de fonctionnement et pour développer des activités nouvelles. Théoriquement, aussi, pour développer l'emploi, mais, dans ce domaine, l'objectif est loin d'avoir été atteint.

Ici comme ailleurs, les dispositions du Code du travail sont renforcées par les conventions collectives et par les lois. Les partenaires sociaux sont unanimes sur un point : il faut rendre le Code du travail plus lisible et le mettre à la portée de tous.

« Le Code du travail ne pèse pas lourd ! », constatent certains experts. C'est peut-être vrai sur le fond. C'est, en tout cas, vrai sur la forme : le Code du travail polonais comporte seulement 305 articles et 180 pages.

F. G., à Varsovie