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Des entreprises bretonnes veulent attirer les femmes

Les Pratiques | Point fort | publié le : 08.11.2005 | Violette Queuniet

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Des entreprises bretonnes veulent attirer les femmes

Crédit photo Violette Queuniet

Dans le Finistère, cinq entreprises de l'agroalimentaire ont expérimenté des pratiques en faveur de l'égalité professionnelle. Une démarche destinée à améliorer leur attractivité auprès des femmes.

Fortement implantée dans le Finistère, l'industrie agroalimentaire (découpe et préparation de poissons, découpe de volailles, désossage de viande) est confrontée régulièrement à des problèmes de recrutement. En cause, la pénibilité du travail, qui rend le secteur peu attractif. Et les tensions sur l'emploi risquent encore de s'aggraver avec la baisse notable de la population active dès 2006, liée aux nombreux départs en retraite.

Développer des conditions favorables

C'est dans ce contexte que le programme européen Equal a rencontré un écho favorable auprès de cinq entreprises du département : Monique Ranou, SBS-Jean Caby, Coopagri-Bretagne, Pan Fish et Primel Gastronomie. Depuis trois ans, ces entreprises se sont lancées, accompagnées par des chargés de mission Equal, dans une démarche destinée à développer des conditions favorables à l'activité des femmes dans le Finistère. « Il s'agit d'une opportunité pour résoudre plusieurs problèmes liés à la gestion des ressources humaines, susceptible de favoriser la compétitivité économique des firmes », souligne Marie-Noëlle Chalaye, responsable du Master en GRH de l'IAE de Bretagne occidentale, conseillère scientifique sur le programme Equal.

Deux grandes thématiques ont été développées pour rendre l'entreprise plus attractive pour les femmes : la réduction des inégalités et la conciliation des temps de vie.

Des métiers suivant les traditions

Concernant la réduction des inégalités, deux entreprises ont travaillé sur l'embauche de femmes sur des postes traditionnellement masculins. Pan Fish, une PME de 240 salariés (en moyenne, l'activité étant saisonnière) spécialisée dans les salaisons maritimes, a organisé un roulement entre l'atelier filetage, totalement masculin, et l'atelier reconstitution, largement féminisé. Seule la tradition maintenait cette séparation, car les postes au filetage ne nécessitent pas de force physique.

L'entreprise SBS Jean Caby (546 salariés), qui fabrique des produits de charcuterie, a commencé par sensibiliser l'encadrement de proximité à la démarche d'égalité professionnelle avec un objectif précis : donner aussi bien sa chance à une femme qu'à un homme pour occuper un poste au désossage. Les candidates peuvent faire leur choix après une visite de l'usine et une présentation des postes. Résultat : en 2004, le service désossage a embauché 14 femmes sur des postes de parage et de dénervage, postes jamais tenus au préalable par des femmes. Elles sont 23 aujourd'hui dans ce service, contre 9 avant 2004.

Accès aux emplois qualifiés

La motivation est souvent l'accès à une qualification supérieure car les emplois traditionnellement occupés par les hommes sont des postes qualifiés, donc mieux rémunérés. « Le rapport de situation comparée, qui existait déjà, mais qui, grâce à la démarche Equal, est devenu un outil de pilotage, a révélé cette situation, observe Sandrine Aimery, responsable des ressources humaines de SBS-Jean Caby. Depuis, nous sommes dans une démarche de développement continu de réduction des inégalités. Nous invitons les femmes à des salons techniques, nous en avons formé au permis de cariste, et elles sont associées aux chantiers qualité. La démarche est soutenue par la direction, qui estime que l'égalité professionnelle doit être partie intégrante des projets comme des conditions de travail. »

Vers des postes à responsabilités

Coopagri Bretagne (agrofournitures, alimentaire, distribution spécialisée) s'est lancée dans la démarche Equal parallèlement à un projet RH centré sur la conduite d'entretiens professionnels avec formation à la clé et mise en place de référentiels de compétences. Ce projet ayant pour but de faire évoluer le personnel, la démarche Equal a été présentée comme un moyen supplémentaire de donner sa chance à chacun. Un objectif très concret a été fixé : faire évoluer les femmes sur des postes à responsabilités. Une attention plus grande a été portée aux candidatures de femmes, contribuant à leur augmentation dans l'effectif cadre. Chez Monique Ranou (fabrication de charcuterie, 600 salariés), la démarche Equal s'est traduite par des actes forts, tels que le recrutement, à un poste de chargé de mission sécurité, d'une femme enceinte de cinq mois.

Conciliation des temps de vie

Mais c'est surtout sur la deuxième thématique - la conciliation des temps de vie - que l'entreprise s'est illustrée. En association avec le Pays de Fouesnant et la CAF locale, elle a monté un projet de crèche qui va voir le jour en août 2006. Elle comptera 30 places et accueillera 38 enfants dans la semaine, avec une amplitude horaire de 5 h 30 à 22 h 30. Monique Ranou a réservé 8 places pour ses salariés ; les autres places sont réservées par 10 autres entreprises et organismes aux horaires atypiques. « Cela répond à un souci social et économique : quand les femmes ne peuvent pas faire garder leurs enfants, cela crée des problèmes d'absentéisme et réduit la productivité de l'entreprise », note Christine Serres, responsable des ressources humaines. Coût pour l'entreprise : 1 500 euros par enfant et par année. « En termes de marketing social, je ne connais pas de meilleur rapport qualité/prix », observe François Ollivier, le directeur de Monique Ranou.

Cette initiative a également permis à l'entreprise de s'ouvrir vers l'extérieur en travaillant avec les collectivités locales. Elle n'est pas la seule : c'est, en effet, l'originalité du programme Equal dans le Finistère que de préconiser l'ouverture de l'entreprise sur son territoire.

Travail avec les collectivités locales

L'expérience Monique Ranou a servi de déclencheur dans d'autres bassins d'emploi. Ainsi, un cercle de concertation local - préconisé par la démarche Equal - a été monté dans le pays de Morlaix, associant élus, entreprises, salariés, personnel de la CAF. « Une dizaine d'entreprises du Pays de Morlaix ayant des horaires atypiques sont partantes pour monter une crèche et trois d'entre elles se sont déjà engagées à acheter deux places chacune à l'année », explique Jean-Yves Chalm, président du conseil de développement du Pays de Morlaix. On peut regretter que les enfants aient à subir, eux aussi, les horaires contraignants des parents. Reste que, sans crèche, il arrivait à certains salariés de faire dormir leurs enfants dans la voiture, sur le parking de l'entreprise, de 4 heures à 8 heures, faute de mode de garde adapté...

Transfert des pratiques

La suite d'Equal est le transfert des pratiques vers d'autres entreprises. Beaucoup se montrent d'ores et déjà intéressées : les responsables RH sont venus en nombre, fin septembre, à Quimper, assister à la présentation des expériences. Quant à l'impact sur le territoire, il est déjà palpable. Selon la CAF, sept projets de crèche mixte sont en cours dans le Nord-Finistère, alors qu'il n'y avait rien voilà seulement deux ans.

L'essentiel

1 Les entreprises de l'agroalimentaire implantées dans le Finistère font face à des problèmes récurrents de recrutement.

2 En adhérant au programme européen Equal, cinq d'entre elles se font accompagner dans leur développement de conditions favorables à l'emploi de femmes.

3 Autour des thématiques de réduction des inégalités et de conciliation des temps de vie, ces entreprises sont en passe de gagner leur pari et d'entraîner d'autres bassins d'emploi dans leur élan.

Auteur

  • Violette Queuniet