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Une Ferrari pour aller à la fontaine

Demain | Chronique | publié le : 18.10.2005 | De meryem Le Saget

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Une Ferrari pour aller à la fontaine

Crédit photo De meryem Le Saget

En entreprise, notre esprit se laisse vite prendre au jeu de la complication. Au lieu d'adopter des solutions simples et pragmatiques, on bâtit souvent de vraies tours de Babel. Nos collègues étrangers nous le disent, les Français aiment bien les solutions intellectuelles, longuement pensées et techniquement sophistiquées. On se retrouve ainsi les champions des produits hautement élaborés, des fonctionnements complexes, d'épais volumes de procédures, de campagnes marketing recherchées, et d'une communication publicitaire souvent au second ou troisième degré. Mais notre culture ne justifie pas tout. Dans beaucoup d'organisations, la tendance à la complication vient d'ailleurs.

Première raison : on néglige le point de vue de l'utilisateur. On monte des projets en tenant compte des contraintes des uns et des autres, on élabore un cahier des charges techniquement solide, on évalue les coûts, les risques, les délais... Bref, on pense à tout sauf au vécu de l'utilisateur : son confort, la convivialité de l'outil ou du service qu'on lui propose, la simplicité d'utilisation, la compréhension facile... A lire certains documents explicatifs de procédures, certains catalogues de produits ou de nouvelles offres tarifaires, ou même encore les systèmes internes de classification des salariés, on se dit souvent qu'il faut être sorti de Harvard pour comprendre ! Parfois, des équipes de spécialistes sont passées par là. Car le côté savant rassure. Mais à force de travailler sur des dossiers pointus, ces experts finissent par se passionner pour les modèles qu'ils bâtissent, comme un ingénieur serait fasciné par le mécanisme complexe qu'il vient de construire. Et l'utilisateur dans tout ça ?... On l'a visiblement oublié.

Deuxième piège favorisant la complication : on n'ose pas remettre en cause l'existant. Par exemple, au lieu d'inventer une meilleure organisation ou des fonctionnements plus efficaces, on ajoute de la nouveauté aux méthodes déjà présentes. Plusieurs systèmes se juxtaposent ainsi et cohabitent avec plus ou moins de bonheur. Résultat : au lieu de l'amélioration attendue, on constate plutôt une accumulation de pratiques qui s'ajoutent les unes aux autres comme le limon se dépose au fond du fleuve, par strates. Certains intranets d'entreprise ou portefeuilles de produits ressemblent à cela. Leur seule justification est leur histoire.

Troisième tendance : au lieu de se confronter à certaines personnes difficiles, on préfère adapter la solution pour ne pas les contrarier. Combien de réorganisations d'entreprises, d'installations de nouveaux systèmes d'informations, d'agencements de bureaux, de mises en place de nouvelles techniques obéissent à cette logique ! Gentiment, les personnes vous disent « dommage que l'on ne soit pas allés jusqu'au bout » ou bien « il fallait s'adapter à Untel, donc on a modifié le projet ».

Enfin, on croit que plus, c'est mieux. On recrute des bac + 5 pour faire un travail tout simple, on choisit des systèmes de gestion dignes d'une multinationale pour gérer une PME, on multiplie les contrôles et les reportings pour savoir s'il fait beau dehors, on rajoute des procédures quand quelque chose nous échappe... A-t-on réellement besoin d'une Ferrari pour aller à la fontaine ?

Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris <mlsconseil@wanadoo.fr>

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  • De meryem Le Saget