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Les DRH doivent anticiper l'introduction des NTIC

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 18.10.2005 | Jean-François Rio

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Les DRH doivent anticiper l'introduction des NTIC

Crédit photo Jean-François Rio

Pointant les dangers du tout outsourcing, Bernard Just estime que l'introduction des NTIC dans les directions des ressources humaines est insuffisamment anticipée. Résultat : la reconversion professionnelle des gestionnaires RH se révèle bien délicate.

E & C : Comment les solutions informatiques se sont-elles imposées dans les DRH ?

Bernard Just : Avant de parler d'outils, parlons tout d'abord de la fonction. Deux grandes mutations sont apparues : en premier lieu, celle qui a vu s'ériger la DRH en fonction stratégique dans les entreprises. Cette évolution va se poursuivre, notamment sous le poids des nouveaux enjeux liés au phénomène démographique. Au sein des DRH, les priorités portent sur la mobilité, le développement des compétences. Second tournant : le salarié est devenu un client de la DRH, que celle-ci doit apprendre à fidéliser. Dès lors, on comprend mieux l'utilité des NTIC qui ont accompagné ces changements. Je pense en particulier aux portails RH et aux self-services qui fournissent quantité d'informations et d'applications aux collaborateurs.

Pour que la greffe prenne, il a fallu que les entreprises changent de mode de fonctionnement. Auparavant, l'organisation était bicéphale ; d'un côté, la DSI, de l'autre, la DRH. Mais ces deux mondes ne se comprenaient pas. Les DRH avaient un déficit de compétences en matière informatique et, côté DSI, on avait du mal à cerner les problématiques RH. Un exemple : lorsqu'une modification réglementaire venait impacter le bulletin de paie, la DRH formulait une demande aux équipes informatiques qui, croulant sous le travail, ne pouvaient pas assurer le développement avant un certain délai. Imaginez la tête des responsables RH pour qui un retard dans le versement des salaires est inconcevable. Dès lors, le conflit était inéluctable. Ce schéma a perduré, grosso modo, jusqu'en 2000, une année charnière pour l'informatique RH du fait de l'avancée des NTIC.

E & C : Que s'est-il passé ensuite ?

B. J. : Une des solutions a consisté à intégrer, au sein des DRH, des équipes informatiques. Du coup, les protagonistes se sont mis à tirer dans le même sens. La DSI était ravie de voir la DRH gérer ses développements informatiques avec ses propres collaborateurs. Cela a conduit les DRH à s'étoffer, accueillant de nouveaux métiers. C'est cette organisation que les AGF ont retenue, fin 1999. Un modèle maintes fois copié depuis, même si de nombreuses entreprises fonctionnent encore sur le schéma traditionnel.

E & C : On a beaucoup glosé sur l'immaturité des DRH en matière informatique. Qu'en est-il aujourd'hui ?

B. J. : C'est vrai, pour les DRH, l'introduction des NTIC a été un vrai choc culturel, auquel ils n'étaient absolument pas préparés. Idem pour les salariés. Globalement, hors secteur high-tech, l'appropriation a été très délicate pour une bonne partie des effectifs. Les DRH sont en passe de combler leur retard. Plus globalement, l'informatique est un domaine qui, à mon sens, n'est pas considéré à sa juste valeur par les DRH.

E & C : L'externalisation RH est-elle une tendance lourde ?

B. J. : Oui, et j'ai bien peur que les DRH s'engouffrent pleinement dans l'outsourcing du SIRH. L'intérêt est, bien entendu, financier avec, à la clé, des réductions importantes d'effectifs. «Outsourcer» le SIRH reviendrait à retomber dans le schéma traditionnel décrit ci-dessus, sans compter les risques liés à la perte de maîtrise que suscite ce modèle. Bien évidemment, il est possible d'externaliser une partie d'une fonction. Aux AGF, nous avons, par exemple, déployé une solution hébergée de gestion des candidatures qui apporte une réelle valeur ajoutée pour nos recruteurs.

E & C : Avec l'introduction des NTIC, la casse sociale est-elle inéluctable dans les services RH ?

B. J. : Disons-le sans ambages : il y a tromperie sur la marchandise. Le discours qui consiste à signifier à des gestionnaires RH qu'ils vont être, grâce à la mise en place de solutions informatiques, délestés de tâches fastidieuses pour être réorientés vers des missions plus valorisantes ne correspond pas à la réalité. Pour une simple raison : la reconversion professionnelle n'est absolument pas anticipée. Un gestionnaire de paie qui exerce son travail depuis vingt ans ne peut pas s'improviser responsable de formation ou de recrutement. Il y a certes des expériences réussies, mais elles ne sont pas légion. Le chantier de l'accompagnement des collaborateurs est pourtant une nécessité.

E & C : Le principe de transfert de tâches vers les managers n'a-t-il pas atteint ses limites ?

B. J. : Ceux-ci prennent en effet une casquette RH de plus en plus lourde à porter. Il n'est pas rare que, dans des services importants, un manager passe 80 % de son temps à régler des problématiques relevant des RH. La DRH n'intervient plus qu'en cas de conflit. Les managers en ont donc assez de cette charge supplémentaire. Certains d'entre eux, plus dociles, jouent le jeu, quand d'autres freinent des quatre fers, allant même jusqu'à rechigner à valider les congés de leurs collaborateurs. Il faudrait probablement réfléchir à des modes de compensation pour les managers.

E & C : Quelles seront les applications RH du futur ?

B. J. : Même si certaines entreprises sont déjà équipées, les applications qui connaîtront un engouement dans les années qui viennent sont les outils de formation à la carte, de gestion des compétences, avec mise en place de processus d'autoévaluation périodiques assortis de workflows, ainsi que les solutions de calcul des droits à la retraite. En tant que tel, le SIRH n'évoluera plus beaucoup.

Le marketing des ressources humaines, Philippe Liger, Dunod.

Jeunes managers, nos talents pour l'avenir, Joëlle Imbert, Insep Consulting éditions.

Petits suicides entre amis, Arto Paasilinna, Folio.

parcours

Informaticien de formation, Bernard Just entre en 1991 chez AGF Informatique, filiale du groupe d'assurances (environ 10 000 collaborateurs). En 2000, il prend en charge le département SIRH et nouvelles technologies d'AGF, fonction qu'il occupe aujourd'hui.

De 2001 à 2004, il a présidé le club des utilisateurs du progiciel HR Access, qui réunit 170 entreprises.

Conférencier, il a aussi publié Le chemin des fermes (2001) et Les années Megève (2004) aux éditions Cabédita. Bernard Just prépare actuellement son troisième ouvrage intitulé Du DRH au self-service ou les nouvelles technologies au service des salariés.

Auteur

  • Jean-François Rio