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le temps des choix

Dossier | publié le : 11.10.2005 | Guillaume Le Nagard

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le temps des choix

Crédit photo Guillaume Le Nagard

Dans un environnement légal stabilisé, les grandes entreprises commencent à répondre aux demandes des salariés en matière de retraite, ou envisagent de le faire à court terme. Perco, article 83, Pere... : les outils, nombreux et répondant à des philosophies différentes d'aide à l'épargne, permettent de paramétrer finement les propositions en fonction de la composition des effectifs... et de l'effort consenti par l'employeur.

Le 3 octobre dernier, à midi, les 40 000 salariés du groupe BNP Paribas ont pu examiner, sur l'intranet de leur entreprise, les conditions de souscription à leur tout nouveau Perco maison, issu d'un accord avec les partenaires sociaux, signé en février dernier. « La négociation sociale prend du temps, nous l'avions ouverte il y a un an, indique Bernard Viallatoux, responsable de la gestion collective à la DRH du groupe. Ce nouveau produit s'intègre logiquement dans la politique d'épargne entreprise, à côté du PEE déjà détenu par nos salariés. Pour la mise en oeuvre et la communication, nous nous sommes aussi laissé du temps. Dans notre entreprise, nous estimons entre 10 000 et 20 000 le nombre de personnes qui entreront dans le Perco. » Le gestionnaire de ce dispositif sera... BNP-Paribas Asset Management. A l'évidence, un grand groupe bancaire, qui propose des Perco aux entreprises, était spécialement bien placé pour lancer cette épargne retraite en interne, alors qu'il dispose déjà d'un régime à cotisations définies, notamment. Mais les banques sont loin d'être les seules intéressées.

Transformation du PPESV

Dès 2003, L'Oréal, Unilever, Total avaient leur Perco, issu de la transformation d'un dispositif plus ancien de PPESV, où l'épargne n'était bloquée que dix ans. Mais Sanofi-Aventis créait déjà le sien, ex-nihilo, après une longue négociation. Depuis, le jeune Perco a, semble-t-il, justifié son statut de haut potentiel au sein des grandes entreprises du CAC 40.

Solides atouts fiscaux et sociaux

Les équipes de François Fillon, pour en faire l'un des éléments clés de la réforme du financement des retraites en 2003, l'avaient doté de solides atouts fiscaux et sociaux, pour les salariés comme pour leurs employeurs (voir tableau p. 18), et d'une certaine universalité (cinq cas de déblocage conservés du PPESV, sortie soit en rente soit en capital).

Dominique Coudert, directrice du développement de Natexis Interépargne, le principal gestionnaire d'épargne salariale en France, confirme que de nombreux dispositifs sont en cours de négociation et devraient voir le jour à court terme. Pour elle, du côté des plus grands employeurs, les outils de préparation à la retraite des salariés commencent à faire partie du «package» standard de rémunération. « Dans certains secteurs, comme la pharmacie, où l'on trouve le plus de Perco, l'ouverture de ces plans est à coup sûr un effet du benchmark permanent sur l'attractivité », assure-t-elle.

En revanche, le Perco a plus de mal à s'imposer auprès des entreprises de taille moyenne, marché plus atomisé, où les compétences en interne sur le sujet et la capacité des partenaires à négocier sont moins présentes. En outre, il faut pouvoir y consacrer un peu de «grain à moudre», sous forme d'abondement, sans quoi les salariés s'en tiendront au PEE.

Les entreprises moyennes en retrait

Quant aux Percoi, version interentreprises de ces dispositifs, ceux qui se sont ouverts restent généralement très faiblement alimentés. Ainsi, à la fin de l'année 2004, l'Association française de gestion (AFG-Asffi) identifiait-elle, au total, moins de 9 000 entreprises disposant d'un Perco, d'un PPESV, ou adhérentes et ayant des avoirs dans un PPESVI ou un Percoi. En septembre dernier, l'Observatoire Novacy de l'épargne des salariés indiquait, de son côté, que, pour l'heure, seuls 2 % des salariés détiennent un Perco (5 % dans les entreprises de plus de 500 salariés).

Les régimes obligatoires mieux connus

Mais le Perco n'est pas le seul outil utilisable pour préparer la retraite. Et, malgré le coup d'accélérateur donné à l'épargne salariale par la réforme Fillon et par de fortes campagnes d'information des banques, les régimes collectifs obligatoires continuent de bien fonctionner.

Une récente enquête du cabinet de courtage Verspieren souligne que les dirigeants ou les DRH restent, aujourd'hui, mieux informés sur l'article 83 (65 %) que sur le Perco (56 %).

Les régimes à cotisations définies sont souvent choisis pour des populations de cadres, mais aussi pour l'ensemble des salariés. Souvent, ils préexistaient et ont été complétés par un Perco. C'est le cas chez Coca-Cola depuis le début de cette année, par exemple (lire p. 19).

L'entreprise responsable

Cet article 83 permet à l'employeur d'afficher une philosophie différente de celle de l'épargne salariale, fut-elle abondée. Il s'agit, en effet, d'un régime obligatoire, dans lequel l'entreprise et le salarié cotisent chaque mois l'équivalent de quelques points de salaires, sur un contrat d'assurance. A ce titre, il procède de l'idée que l'entreprise a la responsabilité d'aider et, en un sens, de contraindre ses salariés à cotiser, après accord avec les partenaires sociaux, bien entendu.

Au contraire, l'épargne salariale est un dispositif facultatif. Les plus défavorisés au regard du taux de remplacement de leur retraite régime général, mais aussi les plus susceptibles de supporter cette cotisation étant les cadres, les régimes à cotisations définies leur sont parfois circonscrits. « Non seulement les articles 83 continuent d'exister dans les entreprises qui en avaient mis en oeuvre, mais nous en bâtissons aussi régulièrement dans celles qui s'équipent, souligne Benoît Meyer, responsable du pôle retraite d'Adding. On nous demande souvent, par exemple, d'emboîter un article 39 et un article 83. »

Les régimes à prestations définies, dits articles 39 (du Code des impôts), restent très discrets et réservés au top management de certaines grandes entreprises, mais continuent de fidéliser des cadres dirigeants proches de la retraite. Charité bien ordonnée commençant par soi-même, la mise en place d'un dispositif complet commence souvent par une demande d'article 39, qui se décline plus largement vers les cadres avec un article 83, et vers l'ensemble des salariés avec un Perco. Enfin, les différents dispositifs créés ou reconduits par la réforme Fillon se complètent de façon assez souple pour architecturer une offre d'épargne retraite correspondant précisément au profil de l'entreprise et de ses salariés, qu'il s'agisse de réfléchir autour des tranches d'âge du personnel, comme l'a fait L'Oréal (lire p. 22), ou des niveaux de revenus, comme chez Coca-Cola.

Autre outil d'épargne

Sans compter qu'entre le Perco, collectif et facultatif, les régimes collectifs obligatoires, et le Perp, individuel et facultatif - proposé par les banques aux particuliers -, les auteurs de la réforme des retraites ont trouvé la place d'introduire encore un outil d'épargne, le Pere, qui se présente comme un article 83 auquel l'entreprise adjoint un volet de versement facultatif et individuel de type Perp. « Mal positionné », estiment certains spécialistes. Pourtant utile, à l'heure actuelle, à des PME qui élargissent ainsi l'usage de leur article 83 sans devoir recourir à la négociation sociale ni mettre la main au portefeuille, mais aussi à des grandes entreprises très équipées, qui offrent, ainsi, un réceptacle complémentaire pour saturer l'enveloppe de défiscalisation de l'épargne proposée par le gouvernement (au total 10 % des revenus annuels, dont 8 % pour l'épargne professionnelle et 2 % pour l'épargne personnelle, dont la partie individuelle du Pere).

Rachat de trimestres

Quant aux dispositions plus «marginales» de la loi Fillon, et, notamment, le rachat des trimestres de cotisation pour les années d'études, elles commencent à être analysées par quelques grandes entreprises, qui peuvent les mettre en oeuvre dans des négociations de gré à gré, essentiellement avec leurs cadres, sous forme de primes au rachat. C'est, par exemple, le cas de Total.

Avec la possible monétisation du compte épargne temps (CET), intervenue, après la loi de réforme des retraites, les consultants et experts des plus grands groupes commencent aussi a évaluer les conditions nécessaires à la création de passerelles entre CET et Perco, notamment.

Les effets de la réforme paraissent donc loin d'être épuisés, que ce soit pour les PME, encore peu équipées en épargne retraite, ou pour les plus grands groupes, susceptibles de continuer à réorganiser à la marge leur dispositif global.

L'essentiel

1 Les derniers décrets relatifs aux dispositifs de retraite proposés ou modifiés par la loi Fillon étant parus en 2004, les entreprises ont le recul nécessaire pour travailler sur les retraites de leurs salariés.

2 L'année 2005 a vu de nouvelles signatures de «gros» Perco dans des entreprises du CAC 40, même si, pour l'heure, seuls 2 % des salariés sont couverts par ces plans d'épargne salariale de retraite : les PME restent à convaincre.

3 La plupart des grandes entreprises utilisent une variété de véhicules d'épargne - régime collectif, épargne salariale, facultatif, obligatoire ou les deux (Pere) - pour paramétrer finement leur dispositif et donner du choix aux salariés.

La saison des Perco

Résultat, après deux ans d'existence, le Perco, plan d'épargne salariale de retraite, séduit aujourd'hui quelque 60 % des entreprises du CAC 40, 43 % de celles du SBF 120 et encore 41 % des grands groupes internationaux présents en France. Ce pointage, réalisé par Altedia Investment Consulting au 2e trimestre 2005, cumule les mises en place effectuées, celles en cours, ou projetées à moins d'un an. Le potentiel de progression immédiate de cet outil d'épargne collectif pour la retraite apparaît encore important selon cette enquête : 20 % des entreprises du CAC 40 interrogées alors disposaient déjà d'un Perco, mais 12 % étaient en train d'en déployer un et 28 % avaient l'intention de s'équiper avant un an. Pour le reste du SBF 120, les taux passent respectivement à 5 %, 13 % et 25 %, et pour les grands groupes internationaux, à 9 %, 9 % et 23 %.

De nouveaux Perco devraient donc voir le jour dans les mois à venir, d'autant plus que, selon Christel Bapt, responsable du conseil en épargne salariale chez Altedia, la négociation dans ce domaine a un caractère saisonnier : « L'intéressement et la participation sont des sources privilégiées d'alimentation du Perco, indique-t-il. Pour assurer un bon démarrage de leur dispositif, les entreprises choisissent souvent de se caler sur la période de versement de ces primes, généralement au printemps. Le temps d'élaborer une proposition, d'y travailler avec les partenaires sociaux et de négocier, un rétroplanning les amène à nous solliciter en fin d'année. Depuis le début de l'été, nous voyons ressortir des dossiers de Perco, avec le printemps prochain pour horizon. »

Auteur

  • Guillaume Le Nagard