Il y a des jours où l'actualité, la presse, les rencontres, tout s'enchaîne dans un maelström dont on ne voit pas l'issue, et qui nous apparaît peu productif : qu'est-ce que c'est que cette agitation stérile qui nous empêche de penser ? Qui broie tout et même nos points de vue les plus personnels, jusqu'à les rendre incompréhensibles à nos propres yeux ?
Comment repérer à quoi on croit vraiment au milieu de toute cette agitation ?
Et finalement, le déclic. C'est d'abord la rencontre avec une charmante jeune diplômée, le genre fille d'amis qu'on a vu la dernière fois pour sa première communion, et qu'on retrouve tout à coup sortant d'une bonne école, déjà intégrée dans son premier travail, brassant des affaires dans trois pays et, chaque fois, avec une bonne maîtrise de la langue locale. Pas mal. Contente ?
« Ça dépend. Contente de ce métier, ça oui. Moins contente de ces gens. Enfin, c'est variable. Sur le terrain, c'est vraiment ce que j'attendais : travail en équipe, fous rires garantis, résultats presque toujours au top, et pas de problèmes en cas de surchauffe ou d'échec : tout le monde répond présent. Et, en premier lieu, mes deux patrons, toujours au feu à nos côtés. En revanche, les relations avec le siège, c'est pas ça du tout : on me complique la vie à chaque occasion pour des histoires de statuts, de grades, d'indices, d'obligations de tous poils qui m'empêchent d'agir aussi vite qu'il faudrait. Le sommet, c'est le système d'intéressement. Mon patron propose un truc qui me va très bien. Mais le siège nous impose une usine à gaz qui n'a aucun rapport avec la réalité, qui ne plaît à personne, et qui me donne envie de retourner ronronner sous ma couette. Pour moi, c'est incompréhensible ! »
Bah, c'est pas grave. Elle finira par s'habituer, comme tout le monde.
Deuxième épisode : un article dans une revue un peu soporifique, mais en général très pertinente sur les questions de RH. J'y lis qu'un jeune responsable RH d'une grande compagnie retourne sa veste, exige d'aller sur le terrain, et affirme à qui veut bien l'entendre que, « finalement, il n'arrive pas à se faire à l'idée que les gens soient des ressources ». Là dessus, je suis bien d'accord.
Troisième épisode : une enquête menée par une très sérieuse société d'observations sociales montre que les managers de tous rangs se sentent de plus en plus entravés par les dispositifs de RH qu'on leur demande d'appliquer et dont ils ne voient pas le bénéfice sur le terrain, ni dans l'instant, ni à long terme.
Cette fois, j'y suis. Je viens de comprendre ce que je pense. Je pense que les jeunes, en position de force à cause (ou grâce) au papy-boom, auront enfin la peau des systèmes lourds de gestion RH, avec la complicité de leurs managers sur le terrain.
Alors, on verra peut-être se développer de nouvelles logiques qui mettent au centre de tout les fonctions les plus opérationnelles, qui valorisent davantage les managers de terrain, et qui remettent en route l'ascenseur républicain bloqué par toutes sortes de procédures. Bref, qui donne la primauté au management sur la gestion des ressources humaines.
Belle perspective !
Pierre-Loïc Chantereau <
