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Les syndicats preparent La releve

Enquête | publié le : 04.10.2005 | Céline Lacourcelle

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Les syndicats preparent La releve

Crédit photo Céline Lacourcelle

Entre un quart et un tiers des forces syndicales vont partir à la retraite dans les dix prochaines années. Pour parer au papy-boom et au vieillissement de leurs troupes, les organisations syndicales réagissent. Au programme : cure de rajeunissement, approches du jeune public, détection de potentiels et réflexions sur la gestion de carrière des militants.

Les entreprises n'ont pas le monopole du papy-boom. Egalement touchées, les organisations syndicales qui vont voir partir à la retraite entre un quart et un tiers de leurs militants, dans les dix prochaines années. Préoccupant, surtout lorsque l'on sait que les moins de 30 ans comptent seulement pour 10 % dans leurs effectifs. Cette réalité, les organisations syndicales la connaissent. Elles s'en sont emparées, et diverses actions sont engagées ici et là, démontrant leur démarche volontariste en la matière.

Principale approche : le rajeunissement des troupes. Pas facile. D'autant que les habitudes ont la vie dure, comme l'observe Hubert Landier, directeur de La lettre du management social : « Il y a un véritable problème au sein des syndicats qui ont laissé certains enchaîner les mandats. Devenus de véritables barons, ces élus sont indélogeables. »

Egoïsmes catégoriels

« Certains militants vieillissent effectivement sur des mandats et deviennent indéboulonnables. Quelles que soient leurs qualités, ce n'est pas bon pour l'organisation », convient Joseph Thouvenel, secrétaire général adjoint à la CFTC. Joël Simon, directeur administratif à la CGT, partage cet avis : « Il est des équipes difficiles à faire bouger. Certains syndicats sont ainsi verrouillés par des anciens, contraignant des jeunes motivés à aller voir ailleurs. »

Le risque est bien là : « Les jeunes générations, mécontentes du fonctionnement des grandes confédérations, se tournent vers d'autres formes d'engagement plus éphémères. Cela produit, à terme, un éparpillement syndical et, par ricochet, l'épanouissement des égoïsmes catégoriels et l'absence de régulation d'ensemble », analyse Bernard Vivier, directeur de l'Institut supérieur du travail.

Davantage d'élus sans étiquette

Déjà, le nombre d'élus sans étiquette grandit. Ainsi, les élections aux comités d'entreprise de 2003 ont vu la progression des listes non syndiquées qui ont conforté leur audience dans différents secteurs (commerce +2,6 % ; énergie +2,3 %).

Certaines organisations ont déjà réagi, à l'instar de la CFTC qui, depuis 1993, limite à trois le nombre de mandats électifs de ses militants. « C'est la règle du 3/6/9, dont les premiers effets sont enregistrés depuis 2002, explique Joseph Thouvenel. Ce principe a automatiquement rajeuni la structure et oblige chacun à penser à sa succession. » A la CFE-CGC, aucune interdiction formalisée n'a cours, mais il existe des consignes strictes. « On tend à une limite d'âge dans la prise de mandats, remarque Bernard Valette, secrétaire national. Nous enregistrons les premiers résultats. Ainsi, par exemple, avant 1999, plus de 50 % de nos unions régionales étaient dirigées par des retraités ; aujourd'hui, il en reste 15 %. »

Créer les conditions du renouvellement

A la CGT, le renouvellement massif de tous les dirigeants est en marche. « Nous avons la volonté d'une rotation organisée. Pour autant, nous ne souhaitons pas figer les choses et imposer des règles, signale Luc Dareau, chargé de la politique des cadres confédéraux de la CGT. Il s'agit davantage de créer les conditions du renouvellement. Dernièrement, nous avons dégagé des moyens financiers pour que les premiers des unions départementales puissent prendre leur retraite. »

A la recherche de candidats

Encore faut-il qu'il y ait des candidats à la relève. Là aussi, les organisations commencent à se mobiliser. La fédération Protection sociale travail, emploi de la CFDT, par exemple, travaille aujourd'hui à formaliser les passages de relais « sous la forme de binômes intergénérationnels, présente Martial Blanchard, secrétaire fédéral chargé du dossier jeunes. L'idée : permettre aux jeunes de «briefer» leurs aînés sur les nouvelles technologies, et aux plus âgés de leur transmettre leur savoir-faire syndical. Dans cet esprit, nous réfléchissons à des modules de formation sur la mise en responsabilité et sur la délégation ».

Chez FO, l'habitude qu'un ancien prévoie son remplacement, environ six mois avant son départ, existe depuis un moment. « En général, les prétendants occupent déjà un petit mandat ou sont suppléants, précise Bernard Devy, secrétaire confédéral FO. En revanche, on a davantage de problèmes quand les dossiers sont très techniques et que l'on a tendance à privilégier l'expérience, à tort. Il faut redoubler d'efforts pour donner des responsabilités aux jeunes. Ces derniers ont bénéficié de formations supérieures, à l'inverse de leurs aînés, et ils peuvent apprendre très vite. »

Initiatives diverses

Pour repérer ces futurs responsables syndicaux, différentes initiatives naissent dans les organisations. Parmi elles, celles qui consistent à mieux connaître ces jeunes et à les impliquer dans la vie syndicale. La CFDT approche, ainsi, les jeunes en formation à l'UIFM, dans les écoles d'infirmiers ou dans les CFA.

Un important travail est également réalisé à l'égard des jeunes saisonniers. « Nous organisons des rencontres afin de leur démontrer l'intérêt du syndicalisme et pour faire progresser les conceptions de la CFDT dans ces milieux étudiants, et pour les accompagner vers la vie professionnelle. C'est la pratique du contact durable, une pratique continue à la CFDT, qui considère le jeune salarié comme un salarié comme les autres qu'il faut accueillir », explique Alexis Guenego, secrétaire national. Aujourd'hui, la confédération compte 100 000 adhérents de moins de 35 ans sur un total de 820 000, dont 50 000 nouveaux depuis 2003.

Des équipes rajeunies

A la fédération métallurgie de FO, les actions visant à donner davantage de responsabilités aux jeunes ont lieu tant au niveau fédéral que syndical. « A la fédération, l'équipe a été totalement rajeunie depuis le congrès de juin 2004. Sa moyenne d'âge est de 40 ans, note Frédéric Homez, son secrétaire général. Cette transition a été préparée à l'aide de groupes de travail dont le but était de faire remonter les revendications des jeunes. Dans ces groupes, les responsables invitaient ces derniers à participer. »

Egalement efficaces, les groupes jeunes jouant un rôle de pépinières dans lesquelles les syndicats identifient leurs futurs responsables (voir article ci-contre). Et puis, existent aussi les parcours de formation. La CFTC a ainsi créé, cette année, l'Ecole du syndicalisme. « Les militants intéressés pour creuser leur engagement remplissent un dossier accompagné d'une lettre de motivation et d'un projet pour l'organisation », détaille Joseph Thouvenel. Soutenus par des parrains, les stagiaires vont, durant un an, accroître leurs compétences syndicales et asseoir leur identité de militants CFTC.

Formation

Même logique chez FO, qui possède une «formation supérieure de la militance». « Ils sont une trentaine, informe Bernard Devy. Parmi eux, une bonne partie sont capables de prendre la relève. » Et capables d'assurer une continuité syndicale et de lutte. Car, là est aussi l'enjeu des syndicats vis-à-vis de jeunes beaucoup moins politisés et moins positionnés idéologiquement que leurs aînés.

L'essentiel

1 Les organisations syndicales vont voir partir à la retraite entre un quart et un tiers de leurs militants au cours de la prochaine décennie.

2 Parce que les jeunes militants sont les mieux placés pour parler aux jeunes, des collectifs s'animent à tous les niveaux pour accueillir les nouveaux embauchés des entreprises et leur faire découvrir syndicalisme et militantisme.

3 Pour répondre aux aspirations des jeunes syndicalistes, désireux de s'engager sur du court terme, les organisations réfléchissent à une gestion de carrière du militant permettant un retour à la vie professionnelle.

Auteur

  • Céline Lacourcelle