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Les Pratiques

STMicro, Philips et Freescale ont inventé la «coopétition»

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 13.09.2005 | Guillaume Le Nagard

Les trois géants de l'électronique ont poursuivi et étendu leur partenariat dans le domaine des semi-conducteurs, à Crolles, en Isère. Sur ce site, un management partagé entre l'Alliance et chacune des parent companies, concurrentes, a vu le jour en quelques années.

L'aventure continue dans le domaine des puces électroniques, à Crolles, près de Grenoble, avec trois des plus grandes sociétés mondiales investies dans une alliance commune. Ainsi, au début de cette année, STMicroelectronics, Philips et Freescale (ex-Motorola, pour les activités de semi-conducteurs) ont étendu une collaboration déjà fructueuse autour de l'Alliance Crolles 2. Leur objectif reste de regrouper leurs efforts de recherche et de développement, dans un secteur toujours aussi concurrentiel.

Management interculturel

L'Alliance, constituée pour cinq ans et prolongée jusqu'en 2007, reste le plus large partenariat R & D dans ce secteur. Le site n'a cessé de monter en puissance et rassemblait, au début de l'été dernier, un peu plus de 1 100 personnes, dont plus de 800 pour STMicroelectronics, qui déploie aussi sur le site des activités de production.

Ce ménage à trois reste aussi une histoire de management des hommes bien particulière : au sein de chaque équipe, travaillent des collaborateurs issus de trois grandes multinationales aux cultures fortes. Ils peuvent être évalués par des hiérarchiques d'une autre société, avoir des durées du temps de travail légèrement différentes et liées à l'histoire de la négociation dans leur entreprise, des modes de rémunération spécifiques, ou encore, tout simplement, une culture du travail et de l'organisation propre à leur société mère.

A l'origine de l'Alliance, il y avait donc de quoi s'inquiéter pour tout DRH soucieux de management interculturel. Les responsables RH des parent companies étaient prêts à mettre en place des actions de communication, à travailler sur l'interculturel, imaginant que la pression des objectifs pourrait créer des tensions dans les équipes mixtes (lire Entreprise & Carrières n° 664).

«Troisième culture»

Mais plusieurs facteurs ont rapidement forgé une sorte de troisième culture à la lisière de celle des parent companies : « Dans le cadre de l'Alliance, les objectifs sont communs et assez ambitieux, indique Didier Dedeurwaerder, DRH de l'Alliance Crolles 2 pour STMicroelectronics. Pour des ingénieurs, la chose technique est prégnante. D'autre part, cette population a déjà une grande ouverture d'esprit, ce sont, pour la plupart, des gens qui ont eu l'habitude de voyager avec leur entreprise et qui ont côtoyé d'autres cultures. » De fait, les responsables RH n'ont finalement pas eu à déployer d'actions particulières sur ce thème de la culture d'entreprise.

« Pour l'instant, on reste dans un scénario très positif pour les RH, juge, de son côté, Gilles-Alexandre Barbe, pour Freescale. Le site n'a connu, jusqu'ici, qu'une croissance forte. » Situation idéale pour gérer les rémunérations et les promotions, notamment. « Il faudra aussi durer et revenir sur les questions liées à la motivation, concèdent les responsables RH. Nous nous dirigeons vers une phase de stabilité. A ce moment-là, nous devrons renforcer la gestion des RH. »

Une GRH impliquée mais discrète

De fait, jusqu'à présent, le ciment de la croissance rapide, associé aux similitudes entre ces trois géants de la puce électronique, ont permis une gestion des RH impliquée dans l'organisation, mais discrète au niveau des individus : les objectifs sont déterminés et déclinés au niveau de chaque collaborateur par l'Alliance, leur évaluation est double, et la gestion des promotions et des salaires revient dans le giron de chaque entreprise. L'Alliance a, en outre, bénéficié de la pratique, partagées par les trois entreprises, de pesée par points Hay, fournissant une échelle commune pour aligner les niveaux de postes. Stéphane Hauriat, directeur au sein de l'Alliance de la coopération pour la conception, issu de STMicroelectronics, a vu se forger une culture en quelques années, qu'il nomme aujourd'hui la «coopétition» : « Par exemple, les entretiens d'évaluation se mènent à deux, en même temps ou successivement, avec le responsable de l'Alliance et celui de la parent company. Ce management bicéphale est très bien accepté. » De même que les dernières différences de culture : « Aujourd'hui, les Latins de STMicroelectronics arrivent moins en retard aux réunions, et les Anglo-Saxons de Freescale ne prennent plus ces petits écarts pour un manque d'estime à leur endroit », sourit Didier Dedeurwaerder.

Avant la fin de l'année, l'Alliance, qui a mis en place un ensemble de procédures et de documents de référence communs, sera d'ailleurs auditée pour une certification ISO sur la relation client/fournisseur.

l'Alliance crolles 2

> STMicroelectronics : près de 50 000 salariés. Environ 800 à Crolles 2, dont 396 ingénieurs R & D.

> Philips : 165 000 salariés, dont 169 à Crolles 2.

> Freescale : ex-secteur semi-conducteurs de Motorola, 22 000 salariés, dont 126 à Crolles 2.

Auteur

  • Guillaume Le Nagard