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Enquête

Des techniciens payés moins que le Smic horaire

Enquête | publié le : 13.09.2005 | Christian Robischon

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Des techniciens payés moins que le Smic horaire

Crédit photo Christian Robischon

Des soudeurs polonais sur le chantier de maintenance d'une usine chimique en Alsace, cela donne un résultat irréprochable sur le plan technique. Mais, visiblement, pour une durée de travail qui réduit à peau de chagrin le salaire horaire.

Sur le papier, il n'y a rien à redire. Trente soudeurs polonais, salariés du sous-traitant polonais d'un fabricant allemand de chaudières, Oschatz, sont intervenus, en mai et juin, sur le chantier de maintenance de l'usine chimique Pec-Rhin à Ottmarsheim (Haut-Rhin), moyennant un salaire brut de 1 400 euros par mois pour une durée de travail déclarée de 35 heures par semaine.

Papiers en règle

Les papiers sont en règle, le sous-traitant a rédigé une demande de détachement en bonne et due forme qui l'assujettit aux cotisations sociales de son pays. Les soudeurs sont logés dans un foyer que l'inspection du travail a jugé parfaitement aux normes. La formation minimale à la sécurité sur ce site sensible a été assurée. La rémunération est même généreuse, puisqu'elle correspond à celle d'un ouvrier très qualifié voire d'un technicien de la métallurgie dans le Haut-Rhin, observe la CFDT.

Dumping salarial caractérisé

Mais, il y a un mais, que ce syndicat a fini par découvrir : « Nous nous sommes rendu compte que ces Polonais travaillaient en fait 50 à 55 heures par semaine, à raison de dix heures par jour, du lundi au vendredi, et d'un supplément le samedi », rapporte Jean-Pierre Raout, délégué du personnel chez Pec-Rhin. La section CFDT a donc fait ses calculs : le salaire horaire est ramené à environ 6,20 euros, soit 20 % de moins que le Smic. Il y a dumping salarial caractérisé, selon elle, « car les Polonais effectuent à tarif réduit un travail de qualité irréprochable. Les contrôles techniques n'ont relevé aucun défaut, après vérification de chaque soudure. Et cette équipe a même remporté notre challenge sécurité ! », indique Jean-Pierre Raout.

Sur la question clé du temps de travail, l'administration cherche à en savoir un peu plus, car elle indique n'avoir reçu aucune demande de dérogation pour le dépassement des 35 heures légales.

Contrôle des entrées et sorties

A l'inspection du Travail qui mène actuellement l'enquête, Pec-Rhin a fait savoir son incapacité à relever tous les pointages des quelque 600 salariés extérieurs ayant participé à ce grand chantier de maintenance. L'argument ne la convainc pas, « on se trouve quand même sur un site Seveso II (niveau haut) qui requiert un contrôle strict des entrées et sorties (1) », relève l'inspection, qui s'interroge aussi sur les conditions de sécurité dans lesquelles les soudages ont été effectués.

Mais les intéressés sont déjà repartis chez eux. Auraient-ils été plus loquaces devant l'administration que devant les délégués du personnel ? Voire... Les élus du CHSCT ont tenté d'engager discrètement la conversation avec l'un ou l'autre, sur la durée et les conditions de son travail, sur la question de savoir s'ils sont logés à leurs frais ou à ceux de leur employeur. « Mais Oschatz nous a mis très vite un traducteur officiel dans les pattes, si bien qu'ils n'ont plus rien dit », rappelle Jean-Pierre Raout. Le quotidien L'Alsace, qui a pu rencontrer quelques Polonais, s'est retrouvé devant le même scénario. Tout juste ces travailleurs lui ont-ils indiqué « gagner ici quatre fois plus que chez nous ».

Parole contre parole

Pour le syndicaliste de Pec-Rhin, l'affaire met en exergue un déficit qui n'est pas propre à son entreprise : « Les donneurs d'ordres se contentent d'attribuer les marchés au plus économique en matière de prix, sans se préoccuper des conditions sociales que cela implique. C'est parole contre parole : l'intervenant affirme respecter la législation, son donneur d'ordres ne va pas chercher plus loin. »

Les étrangers, polonais ou autres, ont en tout cas été nombreux à se côtoyer à Ottmarsheim ce printemps. « En voyant les plaques d'immatriculation sur le parking, on aurait cru que toute l'Union européenne s'était donné rendez-vous là », observe un intervenant.

(1) Pec-Rhin compte parmi ses actionnaires la société Grande Paroisse (filiale de Total), qui était propriétaire d'AZF à Toulouse.

Auteur

  • Christian Robischon