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C'est la ouate qu'on préfère, c'est la ouate

Demain | Chronique | publié le : 13.09.2005 | De P.-L. chantereau

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C'est la ouate qu'on préfère, c'est la ouate

Crédit photo De P.-L. chantereau

Et c'est reparti ! Les wagonnets de la mine du consulting n'attendent pas. Encore du sable entre les doigts de pied, le bout du nez qui pèle, et déjà, les chantiers qui recommencent, les clients qui s'agitent, les équipes qui sollicitent, les banquiers qui traquent et le responsable de dossier, chez le Grand Client, qui exige un « meeting de coordination pour checker les critical issues du chantier en cours » (sic).

«Checker les critical issues du chantier en cours», ça ne me dit rien qui vaille, mais bon, le client c'est le client, et qu'est-ce que vous voulez qu'on y fasse ? Surtout quand c'est le Grand Client, une sorte de Maesmaker qui aurait finalement signé son contrat. Là, attention, plus question de vacances, on ne rigole plus.

Et nous voilà bien appliqués autour du projet, tout propres sur nous, le concept dans une main et le mulot dans l'autre, prêts à enrichir le projet jusqu'à scintillance, à rendre utile le superflu, à fédérer les dissidences, à réduire les antagonismes, et, si ça veut rire, à produire de vrais résultats. C'est dire le niveau de la motivation.

Que veut son excellence, le jeune apparatchik du Grand Client ? Sa Grandeur veut une sorte de charte du management, un truc d'enfer pour mobiliser toutes les équipes autour du même projet, quelque chose entre le vade-mecum du parfait conquistador de la valeur et le catéchisme du bien-pensant de l'entreprise. Mais attention, hein ? Pas un de ces trucs qui sentent à plein nez la bondieuserie. Non, le Grand Précieux n'aime pas les trucs préfabriqués. De l'authentique, du vécu, du solide, voilà ce qu'il nous faut. « Quelque chose qui parle à toutes nos équipes, et même sur le terrain. »

Voilà une bonne nouvelle. Même les obscurs, les sans-grades et les culs-terreux des agences sont concernés par le projet. On nage en plein bonheur. L'humanisme fait rage !

Bref, on corrige la cinquième version du même projet.

Corriger, c'est ajouter, jamais retrancher. On en est donc à un « panier de valeurs fondatrices » (re-sic) de seize items clés. Le Grand Précieux veut en ajouter quatre. Ajoutons. Dans la Samaritaine du management, autant garnir les rayons.

Il finit par me demander ce que j'en pense. Il faut bien répondre.

« J'en pense que l'incapacité à choisir des valeurs de management est la marque de l'absence totale de courage. J'en pense que nous sommes en train de fabriquer un brouet sans saveur et qui ne tiendra pas au ventre de quiconque. J'en pense qu'en termes de management, plus on pense dense plus on est efficace et fédérateur. J'en pense que choisir, c'est renoncer. J'en pense qu'en réalité, vous cherchez à étouffer tout le monde dans l'édredon des bonnes intentions. J'en pense que vous préférez la ouate à la dure réalité. Et j'en pense que c'est un tort. »

Il y a des jours, comme ça, on s'énerve...

Pierre-Loïc Chantereau <www.groupe-equation.com>

Auteur

  • De P.-L. chantereau