La motivation des salariés n'est pas un process que l'on peut mettre sous contrôle au moyen d'un système bien calibré de rémunération et de récompenses. Car elle évolue aussi vite que la relation des personnes à l'entreprise. Et dans ce registre, que de changements ! Après la passion pour la gestion, les histoires d'entreprises, la Bourse et les start-up, les esprits se sont calmés. Le chômage et les turbulences de l'économie y sont sans doute pour beaucoup. La qualité de la vie privée a repris de l'importance, les jeunes générations n'acceptent plus n'importe quels horaires qui perturberaient leur rythme familial. S'investir oui, surtout si le travail et l'ambiance sont enthousiasmants, mais pas au point de perdre d'un côté ce que l'on gagnerait de l'autre. Le mot d'ordre semble l'équilibre.
Mais ce premier changement est loin d'être le seul. Après avoir cru à fond au progrès technologique, les salariés subissent maintenant les contraintes des processus. Alors qu'ils aspirent à plus d'autonomie et de responsabilisation, les systèmes en place leur imposent de respecter des procédures internes, un déroulement et un timing précis. Chaque sollicitation exige une réponse. Ignorer ? Sauter son tour ? Impossible, car l'informatique garde tout en mémoire : les réponses comme les non-réponses. L'individu voulait gagner des espaces de liberté, il se retrouve dans un monde hautement codifié où ses faits et gestes sont savamment «tracés».
L'inconfort ne va pas jusqu'à les faire partir, mais adieu l'engagement total et la fidélité à l'employeur. Comme le soulignent avec pertinence les travaux du groupe Sociovision sur la motivation* : « La relation que les salariés entretiennent à l'entreprise est aujourd'hui un peu la même que celle qui caractérise un couple désuni : on reste ensemble car les conséquences économiques d'un divorce seraient insupportables ; on reste parce qu'il y a des collègues qu'on apprécie ; on reste car on a trouvé son petit jardin à soi, son travail, finalement pas si mal, pour la plupart ; on reste par habitude, mais le coeur n'y est pas. »
Plus grave peut-être pour la motivation, ce que les salariés pressentaient se confirme : le modèle de société adopté par les pays capitalistes avancés ne leur semble plus compatible avec l'avenir des hommes et de la planète. Ils attendent une transformation radicale des institutions. Ils veulent que l'entreprise prenne sa part dans des actions de progrès social et de développement durable au lieu de caracoler en tête avec la seule préoccupation du profit.
Etre motivé aujourd'hui, c'est donc non seulement avoir un travail passionnant qui permette de développer son métier, mais encore appartenir à une entreprise dont on partage les valeurs humanistes et les prises de position responsables. Beaux défis pour les chefs d'entreprise, les DRH et les managers !
Meryem Le Saget est conseil en entreprise à Paris <
* La lettre de Sociovision Cofremca n° 58.
