logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Demain

Evaluer le capital humain, nouvel enjeu de la due diligence

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 06.09.2005 | guillaume le nagard

La due diligence, analyse comptable, financière et juridique en amont des fusions-acquisitions, devient plus «stratégique», avec une approche prospective des risques et des opportunités. Les enjeux liés au capital humain y apparaissent désormais plus fréquemment.

E & C : De nombreuses fusions d'entreprises n'ont pas créé la valeur qu'on attendait d'elles. Les sociétés, leur activité, leurs marchés et leur synergie avaient-ils été mal évalués ?

Josse Roussel et Alexandre Guillard : Les explications ne mettent généralement pas en avant les questions stratégiques et de marché. On commet peu d'erreurs dans ce domaine. L'échec des fusions tient plus souvent à des facteurs organisationnels et humains. Cette dimension est encore négligée dans la préparation des fusions. C'est une lacune d'autant plus dommageable qu'à l'ère de l'économie de la connaissance, les actifs immatériels, et notamment le capital humain, sont au coeur des processus de création de valeur des firmes. Beaucoup de directions en sont conscientes, mais sans en tenir compte, par défaut d'outils dans ce domaine et en raison d'une vision encore trop «financière».

E & C : La dimension RH fait-elle défaut dans la pratique des évaluations des entreprises cibles ?

J. R. et A. G. : Au-delà de la simple évaluation comptable et financière, s'est déjà développée une due diligence stratégique, qui cherche à intégrer les questions de stratégie, de développement, de marketing, de qualité. Une deuxième vague arrive, avec des marchés de plus en plus désireux, notamment, de savoir comment l'entreprise rachetée va réaliser un business plan. Un bon exemple en a été donné lors de l'acquisition par CNP Assurances de l'italien Fineco Vita. Un des points majeurs du dossier concernait la capacité des deux entreprises à réaliser les transferts de compétences nécessaires en matière d'assurance vie. Nous sommes à un moment charnière dans l'évaluation des entreprises, la dimension RH et immatérielle occupant une place croissante, en particulier pour les activités de services. Les fonds d'investissement vont être les vecteurs de cet élargissement des pratiques de l'audit d'acquisition. Mais des groupes, comme Danone ou Lafarge, dont l'évolution s'est appuyée sur la croissance externe, ont développé un savoir-faire dans ce domaine. L'approche dépend certes de la sensibilité des dirigeants, et du fonctionnement efficace d'un binôme DG/DRH.

E & C : Il semble justement que cette évaluation du capital humain, quand elle a lieu, se réduise en général au top management de l'entreprise...

J. R. et A. G. : Sur une période de temps limité, il est intéressant de se focaliser sur l'équipe dirigeante, qui est représentative de l'ensemble de l'organisation. Dans une perspective de plus long terme, il demeure utile d'aller au-delà. Les risques se logent aussi dans la hiérarchie intermédiaire. Après la phase de signature, un audit post-acquisition permet d'approfondir l'approche, de dégager des pistes pour optimiser la phase aval.

E & C : Vous parliez du manque d'outils dans ce domaine. De fait, le capital humain d'une entreprise doit être moins aisé à évaluer que ses finances ou son bilan comptable...

J. R. et A. G. : En effet, il n'y a pas aujourd'hui de consensus sur un outil d'évaluation. La fonction RH devrait jouer un rôle d'expert-conseil, mais n'est pas systématiquement associée à ces dossiers. L'enjeu de l'outillage est déterminant : il faut être capable de quantifier pour convaincre des financiers. La prochaine étape consistera donc à élaborer des outils efficaces et opérationnels, pas trop compliqués étant donné les délais de mise en oeuvre. Il faudrait, par exemple, mesurer les risques liés au départ de collaborateurs clés pour le management des compétences de l'entreprise. Des sociétés comme General Electric ont mis au point des approches spécifiques : dans les dossiers d'acquisition, l'entreprise vérifie qu'elle sera capable d'implanter sa culture particulière d'entrepreneuriat, très formalisée.

E & C : La pratique de la due diligence RH va-t-elle se développer ?

J. R. et A. G. : Les fonds d'investissement s'y intéressent car il sera de plus en plus nécessaire de trouver les meilleurs leviers de synergie entre une entreprise et sa cible pour obtenir la même création de valeur et le même rendement qu'il y a quelques années. Sur des marchés matures, et concentrés, il existe de moins en moins de «pépites» et d'entreprises intéressantes. La sélection des cibles est plus pointue, et la dimension du capital humain devient indispensable pour affiner les dossiers. Quelques chasseurs de têtes ont commencé à accompagner des fonds d'investissement sur des acquisitions. D'autres acteurs se positionnent, depuis l'année dernière. Certains cabinets de conseil en stratégie cherchent à étendre leurs interventions aux domaines RH. En France, BPI, Bernard Julhiet ou encore Altedia commencent à développer une activité de due diligence sociale et RH. Des entreprises, comme CNP Assurances, renforcent leurs compétences en la matière. Tout cela devrait favoriser la diffusion et l'installation des pratiques de due diligence RH.

leurs lectures

Due Diligence, the critical stage in mergers and acquisitions, Peter Howson, 2003, Gower.

The human value of the enterprise : valuing people as assets, Andrew Mayo, 2001, Nicholas Brealey publishing.

The ROI of human capital : measuring the economic value of employee performance, Fitz-Enz J., 2000, N.Y.

Audit social, J.-M.Peretti, J.-L. Vachette, 1987, éd. d'Organisation (Coll. Audit).

parcours

Josse Roussel, économiste, docteur en stratégie à l'université de Paris-Dauphine et diplômé de Ucla, est maître de conférences des universités et conseil d'entreprise. Il enseigne à Paris-Dauphine et à Paris-8. Il est l'auteur de Vers l'entreprise numérique (Gualino éditeur, 2005).

Alexandre Guillard, docteur en sciences sociales de Paris-4 Sorbonne, est responsable organisation-directeur de projet au sein de la direction de l'organisation de CNP Assurances. Il était, précédemment, ingénieur principal au sein du secteur banque et services financiers du cabinet de stratégie et management Solving International.

Auteur

  • guillaume le nagard