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Les Pratiques

Le débat autour de la santé au travail fait rage

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 12.07.2005 | M.-P. V.

Finalisée il y a un an, la réforme de la médecine du travail veut renforcer l'activité des médecins sur le terrain et introduit de la pluridisciplinarité. Spécialistes et partenaires sociaux continuent à s'opposer sur l'intérêt de ce plan.

Ne dites plus médecine du travail, mais santé au travail. Entendez par là : le médecin du travail doit recentrer son action sur le milieu de travail. C'est le sens de la réforme amorcée en 1998, traduite au plan législatif dans la loi de modernisation sociale, en 2002, et précisée dans un décret en 2004 (lire l'encadré).

De l'avis général, il est encore trop tôt pour identifier les effets de ces textes. Mais chacun préjuge de leurs conséquences. « Cette réforme, je l'appelais de mes voeux depuis quinze ans », se réjouit Gabriel Paillereau, délégué général du Cisme, qui regroupe 350 services interentreprises de santé au travail. « Elle réduit l'importance excessive donnée aux examens cliniques annuels, obligatoires même pour des salariés jeunes, en bonne santé, qui ne sont exposés à aucun risque particulier, et elle augmente le temps consacré à la présence dans l'entreprise. » « En fait, ce n'est pas une nouveauté », nuance Philippe Huguier, secrétaire général de l'AIMT13, la plus importante association interprofessionnelle des Bouches-du-Rhône, avec 70 médecins. « L'action en milieu de travail est inscrite au premier rang des préoccupations dans les textes de 1979 ; 80 % des médecins du travail sérieux le font déjà depuis longtemps. »

Surveillance renforcée

La réforme met en place une surveillance médicale renforcée pour certaines catégories de salariés. Les branches et l'employeur peuvent étendre les situations relevant d'une telle surveillance. Une dizaine de branches, dont la métallurgie, le commerce de détail ou la chimie, ont déjà négocié. « L'appréciation des entreprises dans ce domaine ne rejoint pas forcément celle du médecin de travail », fait remarquer Christine Kaltwasser, médecin inspecteur régional à la DRTEFP Paca. Bernard Salengro, médecin du travail et membre de la CFE-CGC, ne cache pas ses inquiétudes : « Le dernier mot revient à l'employeur. Il va se retrancher derrière la liste des populations à risque du décret de 1977, qui n'est plus adapté à la réalité. Les travaux répétitifs, la charge mentale ou le harcèlement ne sont pas pris en compte. »

Autre inquiétude : les plafonds qui déterminent, par médecin, le nombre maximal d'examens médicaux, d'entreprises et de salariés. « La charge de travail va augmenter, estime Lionel Doré, membre du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels. On passe d'une moyenne de 2 600 salariés par médecin à un plafond de 3 300, voire davantage car les salariés précaires sont désormais comptabilisés au prorata de leur temps de travail. »

Or, les moyens financiers des services stagnent, dénoncent les détracteurs de la réforme. « Du coup, de nombreux services ne cherchent plus à embaucher, affirme Bernard Salengro. Dans la région de Grenoble, les opérations de recrutement en cours ont été suspendues. On peut même craindre une diminution de l'effectif global avec le non-remplacement des départs naturels. Près de la moitié des médecins sont âgés de plus de 50 ans. »

La création des IPRP (intervenants en prévention des risques professionnels) fait aussi beaucoup parler d'elle. Il s'agit d'introduire de la pluridisciplinarité pour améliorer la prévention. Les IPRP sont soit des consultants externes habilités par les services de santé soit des salariés de ces services. L'AIMT13 en compte six. « Ils interviennent à la demande du médecin du travail, qui conserve l'exclusivité du rôle de conseiller de l'employeur », explique Philippe Huguier. « Les IPRP sont une bonne chose. Pourquoi faudrait-il envoyer un médecin pour faire une analyse de bruit dans un atelier ? Ce n'est pas son métier. »

Indépendance des IPRP

Mais certains dénoncent des textes qui ne garantissent pas l'indépendance statutaire des IPRP. « A mon sens, les employeurs vont les utiliser pour faire leur évaluation des risques, établir leur document unique, bref, faire de la gestion du risque, ce qui est une conception restrictive de la santé au travail », estime Dominique Huez, vice-président de l'ASMT (Association santé et médecine du travail). « Pourquoi seraient-ils moins indépendants que les médecins du travail ? », répond Gabriel Paillereau, du Cisme. « Un manquement de leur part serait sanctionné par le retrait de l'habilitation. En outre, en raison des sanctions encourues au pénal et de l'obligation de sécurité de résultat, l'employeur n'a aucune raison de faire pression sur un IPRP, pas plus que de soustraire un salarié à une surveillance médicale renforcée. »

Les principaux points du décret du 28 juillet 2004

La base de calcul servant à déterminer le temps que les médecins doivent consacrer au suivi des entreprises et de leurs salariés est modifiée. Un médecin à temps plein est en charge, au plus, de 450 établissements et 3 300 salariés. Il effectue un maximum de 3 200 examens médicaux par an et doit consacrer 150 demi-journées à l'action en milieu de travail.

La périodicité des examens médicaux est portée de un an à vingt-quatre mois, sauf pour les salariés faisant l'objet d'une surveillance médicale renforcée : salariés effectuant certaines tâches, travailleurs handicapés, femmes enceintes, jeunes de moins de 18 ans...

La fiche d'entreprise établie par le médecin du travail est généralisée à toutes les entreprises, y compris à celles de moins de 11 salariés, dès 2006.

Auteur

  • M.-P. V.