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Enquête

Rien ne va plus pour la famille des croupiers

Enquête | publié le : 12.07.2005 | Marie-Pierre Vega

Avec la multiplication des machines à sous, les croupiers ne sont plus les rois des casinos. Ils restent pourtant les représentants d'une tribu professionnelle jalouse de son statut.

Le casino, c'était eux. Avant l'apparition des machines à sous, en 1988, les croupiers constituaient la totalité du personnel des salles de jeux. Chemise blanche, pantalon noir, gilet de même couleur aux poches cousues : la tenue n'a pas changé. Les règles du métier, si. « Une nouvelle ère commence. C'est la fin d'une espèce d'aristocratie fermée qui gagnait très bien sa vie », estime David Rousset, responsable du syndicat FO des personnels de casinos.

Belle voiture et maison neuve

Longtemps, le croupier a été rémunéré exclusivement au pourboire. « C'était un élément identitaire de la profession. Les croupiers roulaient en belle voiture et s'achetaient une maison au terme d'une seule saison estivale. Le métier attirait des candidats », raconte Enrique Cuevas, secrétaire fédéral de la branche casinos et jeux de la CFDT des services.

Le recrutement était original : exclusivement par cooptation. Aujourd'hui, les casinos embauchent peu et les renseignements généraux délivrent de moins en moins de cartes d'agrément, le sésame indispensable pour exercer cette profession. « Dans nos casinos, beaucoup de nos croupiers âgés d'une quarantaine d'années ont un père qui faisait le même métier, explique Benjamin Castaldo, DRH du groupe Partouche. Il y a encore un peu de cooptation familiale ou amicale, mais ça se perd. Aujourd'hui, nous recrutons par petites annonces sur Internet et à l'ANPE. » Y compris des femmes, même si cela ne se fait pas sans mal.

Intrusion des bandits manchots

Depuis l'apparition des bandits manchots, qui génèrent 93 % du chiffre d'affaires des casinos, l'effectif de la profession a diminué d'un quart. Ils ne sont plus que 3 000, contre 4 000 en 1988, sur un total de 17 000 salariés. Leur moyenne d'âge s'établit autour de 45 ans, leur ancienneté dans l'entreprise est élevée. « A cet égard, c'est toujours un monde à part de ceux des employés des machines à sous et de l'hôtellerie-restauration. Ceux-ci ont 25 ans de moyenne d'âge, leur taux de rotation est de 30 à 50 %. Ce sont souvent des contrats à temps partiel, des boulots précaires qu'occupent des étudiants en fin de semaine », rappelle Enrique Cuevas.

Le succès des machines à sous a aussi modifié l'organisation du travail. Les salles de jeux traditionnelles, désormais fermées l'après-midi, accueillent les joueurs en soirée jusqu'à 3 ou 4 heures du matin. David Rousset y voit « une forme de pénibilité du travail, proche de celle subie par le personnel des machines à sous, qui travaille en 3x8. Du coup, ces deux catégories de salariés se retrouvent sur des revendications communes », comme sur les salaires, lors du conflit du 30 décembre 2004.

Baisse de volume de la clientèle

De fait, avec les machines à sous, le volume de clientèle des jeux traditionnels s'est effondré, le pourboire avec. « Au casino de Berck Plage, dans le Pas-de-Calais, un croupier débutant gagne 950 euros net, dont 150 euros maximum en pourboire », explique David Rousset. Tous les casinos ont institué une garantie de salaire qui permet de compléter le pourboire jusqu'à hauteur du Smic au minimum, sauf accord d'entreprise plus favorable.

Les croupiers bénéficient aussi de quelques avantages spécifiques maintenus dans la nouvelle convention collective qui couvre désormais la totalité des salariés des casinos. « Cette convention collective a d'ailleurs eu pour premier effet de casser l'esprit corporatiste », estime Benjamin Castaldo. Les croupiers disposent de 11 jours de repos supplémentaires, d'une indemnité additionnelle de congés payés équivalente à 1/10e du salaire et du maintien de salaire dès le premier jour d'arrêt maladie.

Chez Partouche, qui a supprimé la pratique du pourboire, le paiement des heures de nuit est majoré de 10 % dans la limite de 750 heures par an, contre une limite de 450 heures pour les autres salariés du casino.

Disparition d'un métier

Et demain ? Les syndicats craignent la disparition du métier historique des casinos. Depuis 2003, une circulaire du ministère de l'Intérieur les autorise à fermer leurs salles de jeux traditionnelles de manière temporaire. Les syndicats proposent de les rendre plus visibles en disposant roulettes et black jack dans le même espace géographique que celui des machines à sous. Quitte à dissoudre la caste des croupiers dans la masse du personnel.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega