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Enquête

L'esprit de corps fait école

Enquête | publié le : 12.07.2005 | Fanny Guinochet

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L'esprit de corps fait école

Crédit photo Fanny Guinochet

Influents, les réseaux d'anciens élèves trouvent de plus en plus place au coeur même des entreprises. Celles-ci favorisent largement leur implantation.

Les réseaux d'anciens dans l'entreprise ? Le ton baisse d'un cran. « Bien sûr, ils existent. Dans certaines sociétés privées, les X sont bien représentés, mais je ne peux vous en dire plus », répond Nicolas Zarpas, directeur du bureau carrières de l'amicale des anciens de Polytechnique. Confidentiel, le lobbying intra-entreprise fait pourtant partie des méthodes auxquelles ont recours la majorité des grandes écoles.

Phénomène franchouillard

« C'est un phénomène très franchouillard. D'un côté, on cultive le dogmatisme républicain, on s'érige contre les CV avec photo, on prône une prétendue égalité et, de l'autre, le phénomène corporatiste fonctionne à plein », s'exclame Thierry Chavel, coach, cofondateur d'Alter & Coach-BTC Partners... Et de constater que « les principales institutions d'enseignement supérieur ont «infiltré» les grandes entreprises ». Pour certaines, cette présence historique relève de la tradition. A l'instar de PSA, où les «gadzarts», ou encore les centraliens ont toujours été fortement représentés.

Dans la grande distribution, comme chez Procter & Gamble, se concentrent plutôt les profils Essec ou ESCP. Même chose chez L'Oréal. Chez PriceWaterhouseCoopers, ce sont surtout les HEC qui ont la cote. Dans les entreprises de tradition publique, comme Air France ou EDF, les Sciences po sont légion...

Connivences

« Ces connivences participent à créer et à nourrir la culture de l'entreprise. Ce sont des langages, des codes, des méthodes de travail communs qui cimentent une société », analyse Bettina Soulez, consultante-formatrice, auteure d'un ouvrage sur les réseaux (Cultivez votre réseau, éditions d'Organisation, 2005).

Selon cette spécialiste, « ces liens d'appartenance sont d'autant plus forts qu'ils se sont créés jeunes. Ils constituent une base de l'ordre de la fratrie. Et même si les gens ne se sont pas réellement côtoyés, savoir qu'ils appartiennent à «une» communauté, celle de leurs 20 ans, a un impact considérable. » Ainsi en est-il de ces polytechniciens qui, malgré leur trente ans d'écart, se tutoient dès le premier rendez-vous. « Pour certains managers, le sentiment d'appartenance est tel que c'est un devoir, lorsqu'un poste se libère, de le proposer à un de leurs pairs », remarque Bettina Soulez.

« La richesse du vivier des anciens revient souvent moins cher que de passer par un cabinet de recrutement », confirme Guillaume Vital, consultant senior du cabinet de chasse de têtes François Sanchez Consultants. Et de noter : « Si le Pdg a fait Sciences po et qu'on lui présente un candidat avec le même diplôme en poche, ça le rassure ! » A l'instar, par exemple, de François-Henri Pinault, ex-HEC, connu pour s'entourer d'anciens camarades de promotion... au point de susciter quelques critiques. « Car cette uniformisation n'est pas forcément facile à gérer en interne », conclut Guillaume Vital.

Progression de carrière facilitée

Mis en cause ou accepté, assumé ou pas, l'esprit de corps présente néanmoins des avantages. D'abord pour les salariés dont cette appartenance facilite la progression de carrière. En témoigne l'organisation informelle mise en place par les anciens d'HEC. Lorsqu'un poste se libère dans leur entreprise, et avant même que l'annonce soit officielle, ils ont pour réflexe de le signaler de manière souterraine à l'association d'élèves, qui se charge alors d'en informer les anciens. Cette veille permet aux candidats en recherche d'emploi d'envoyer le CV à la bonne personne, au bon moment. Rodée, la méthode fonctionne aussi pour les recutements internes. Les HEC d'une même entreprise ont pour habitude de s'informer des mouvements dont ils ont connaissance.

Les communautés, outils de repérage

Pour l'entreprise, ces connivences ne sont pas non plus sans intérêt. De nombreuses sociétés entretiennent avec ferveur les réseaux d'anciens élèves. Accenture les a, par exemple, officialisés. L'objectif ? « Ces communautés fonctionnent comme un outil pour mieux repérer nos nouvelles recrues », explique Isaure de Sorbay, responsable des relations-écoles chez Accenture.

Depuis une dizaine d'années des «university teams» ont été mises en place : Accenture invite ses consultants à se regrouper en fonction de leur diplôme initial. Le cabinet de conseil les sollicite, ensuite, pour intervenir sur leur ancien campus, dispenser des cours, participer à des journées portes ouvertes... « Un ancien qui parle aux jeunes de son métier, du plaisir qu'il a de travailler chez nous plutôt que chez un concurrent, des perspectives de carrière offertes vaut mieux que n'importe quelle publicité ! » poursuit Isaure de Sorbay.

Parmi la vingtaine de cursus sélectionnés par le cabinet d'audit, arrivent en tête l'EM Lyon, les ESC, HEC ou encore l'Essec. Pour ces actions dites «pédagogiques», les emplois du temps des membres des «university teams» sont adaptés. Mieux, un budget - resté confidentiel - leur est même alloué !

Correspondants d'entreprise

Lorsque l'initiative n'est pas portée par la société, elle l'est par les écoles elles-mêmes. L'Essec a, par exemple, créé, en 2001, les correspondants d'entreprise. Le principe ? « Au sein d'une même société, les correspondants ont pour mission de repérer les anciens Essec puis d'animer le réseau », précise Sandrine Boucher, de la Maison des Essec.

S'ensuivent des repas, et diverses activités autour desquels les membres de cette mini-association intra-entreprise, échangent. Là encore, même si le but affiché est avant tout convivial, ces liens se révèlent souvent utiles pour obtenir des informations auxquelles le collaborateur n'a pas accès, voire l'aider à accélérer une promotion interne...

Auteur

  • Fanny Guinochet