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Enquête

« Le jargon professionnel cimente la tribu »

Enquête | ENTRETIEN AVEC | publié le : 12.07.2005 | G. L. N.

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« Le jargon professionnel cimente la tribu »

Crédit photo G. L. N.

E & C : Faut-il voir un phénomène de tribu dans le parler propre à une entreprise ?

D. M. D. V. : Oui, il y a bien un aspect tribal et identitaire. Le parler d'entreprise et son appropriation permettent d'intégrer l'entreprise et nourrissent ce sentiment d'appartenance. C'est une affaire de connaissance. Une entreprise et ses salariés disent leur savoir à travers leurs propres mots. Si on les enlève à une entreprise, on lui enlève sa connaissance. Si le salarié n'apprend pas ces mots-là, il ne peut pas travailler. D'où le développement des stages d'accueil et autres parcours d'intégration. Les délais d'apprentissage sont ainsi réduits et le salarié est plus rapidement opérationnel.

E & C : Les salariés ont-ils conscience de leur parler d'entreprise ?

D. M. D. V. : Les salariés possédant une bonne conscience linguistique sont rares. Souvent, ils ont tellement intégré le parler de leur entreprise qu'ils n'en ont plus conscience. Des enquêtes ont même débouché sur des résultats étonnants. Dans l'une d'elles, les réponses à la question : « Comprenez-vous toujours les termes inclus dans la documentation interne ? » atteignent un score de 65 % de réponses négatives. Mais, les mêmes sont cependant capables de reconnaître le service d'origine d'un salarié à sa manière de parler. La conscience linguistique des salariés est plus nette dans deux situations : quand ils entrent dans l'entreprise et lorsqu'ils changent de hiérarchie ou de poste. Ce sont deux moments où il s'agit de comprendre un nouveau fonctionnement et de se créer de nouveaux repères. Il semble qu'avec l'ancienneté, on s'installe dans un univers linguistique d'autant plus difficile à mettre en relief qu'il est profondément imprimé en soi.

E & C : Y a-t-il des limites au parler d'entreprise ?

D. M. D. V. : Il crée parfois des frontières au sein même de l'entreprise, quand il est utilisé pour ne pas être compris ou pour exclure des membres de la communauté. Il arrive aussi que les mots ne soient pas adaptés, ou qu'ils soient changés ou abandonnés au profit de nouveaux sans qu'on ait pensé à en informer les acteurs concernés. D'une manière générale, les expressions utilisées doivent être choisies avec pertinence. Un programme de formation interne standard baptisé d'un nom sophistiqué n'est pas crédible. Une maladresse d'expression peut coûter cher.

(1) Il est enseignant à l'université Paris-7, Grenoble Ecole de management et Euromed Marseille Ecole de management.

Il est l'auteur de Vous avez dit jargon..., éditions Eyrolles, 2002.

Auteur

  • G. L. N.