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Enquête

Sensibiliser sur le besoin réel

Enquête | publié le : 05.07.2005 | Florence Roux

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Sensibiliser sur le besoin réel

Crédit photo Florence Roux

L'aide financière, même très incitative, ne suffit pas à engager une entreprise dans un dispositif de lutte contre l'illettrisme. Cette démarche, contraignante en termes d'horaires, peut - et doit - correspondre à un réel besoin en interne.

« Le prix moyen d'une formation par salarié illettré est de 12 euros l'heure, estime Daniel Lustin, de Récif, société d'ingénierie de la formation qui coordonne un dispositif de lutte contre l'illettrisme pour le FAF propreté. Ce n'est pas très cher. D'autant que les entreprises peuvent s'appuyer sur des outils comme les fonds mutualisés de leur Opca, le DIF ou la période de professionnalisation, et bénéficier de fonds publics européens ou français. » Mais l'apprentissage des savoirs de base (français, maths, culture générale ou «apprendre à apprendre») requiert, en revanche, du temps : 100 ou 250 heures, selon les formules choisies.

Soutien des Opca

Le soutien des Opca peut se révéler judicieux, en termes de «dépistage» des besoins, puis d'accompagnement de l'entreprise. D'où l'intérêt de sensibiliser à l'illettrisme les conseillers en formation qui connaissent bien les entreprises.

Impliquer l'encadrement

Opca des fabricants de matériaux pour la construction et l'industrie, Forcemat l'a bien compris, qui a lancé, cette année, avec l'ANLCI, une formation à leur intention : « Il faut travailler avec toutes les structures en contact avec l'entreprise, explique François Grovaugel, responsable du développement et de la recherche. Et approcher l'encadrement pour mettre en place un système de repérage des salariés en difficulté. L'illettrisme a toujours été un sujet contourné dans le secteur. Avec le développement de l'écrit, de l'autonomie et de la polyvalence des salariés, l'acquisition de savoirs de base est un enjeu économique pour que l'entreprise fonctionne mieux. »

Facteur de compétitivité

Même discours de la part de Philippe Fagot (Agefos Rhône-Alpes), qui soutient « qu'il faut une certaine maturité dans l'organisation des ressources humaines pour comprendre combien la lutte contre l'illettrisme est un facteur de compétitivité. La maîtrise de l'écrit est capitale partout où les salariés sont en relation directe avec le client, mais aussi là où sont mises en place des procédures spécifiques... On s'aperçoit souvent que les démarches ISO favorisent les formations aux savoirs de base... »

Manque de main-d'oeuvre

Certaines entreprises choisissent d'intensifier la sélection à l'embauche. C'est l'option de Renault, depuis 1993, avec une politique de recrutement plus exigeante qui l'a amené à abandonner, depuis cinq ans, des programmes pourtant anciens d'alphabétisation et de lutte contre l'illettrisme.

Mais, dans des secteurs comme le médico-social, le travail à domicile, la propreté ou le bâtiment, le manque de main-d'oeuvre ne permet pas une telle exigence dès l'entrée dans les postes. La solution, alors, est de miser sur la formation. La maîtrise des savoirs de base devient, ainsi, le premier échelon d'une stratégie plus globale. « L'approche économique ramène la lutte contre l'illettrisme dans le plan de formation », résume Philippe Fagot.

Agefos-PME : expérimentations

Suite à la signature, en février 2002, d'une convention nationale avec l'ANLCI, huit délégations régionales de l'Agefos-PME ont développé des dispositifs expérimentaux. Ainsi, dans la région Centre, les PME ont, dès 2001, obtenu le financement de 100 % (FSE, région, Agefos) du coût pédagogique d'une formation aux savoirs de base. En Rhône-Alpes, en 2004, elles n'ont eu à leur charge que 30 % à 50 % des frais globaux de la formation (coûts pédagogiques et salaires), grâce à des subventions FSE (objectif 3), Etat (EDDF) et Agefos. En Paca, depuis 2002, ces mêmes frais globaux ont été pris en charge à 100 %. L'Agefos régionale a associé ses propres fonds à des aides du FSE, de l'Etat (EDDF, dispositif Iril, insertion, réinsertion, illettrisme) et, pour les entreprises de moins de 10 salariés, de la région. « C'est un soutien appuyé, auquel nous nous tenons depuis trois ans, précise Lisette Fraccero, chargée du dossier à Agefos-PME Paca. Dès notre premier diagnostic, nous avons constaté la difficulté pour une PME de grever, avec ces parcours d'apprentissage très longs, un plan de formation déjà très mobilisé pour des formations techniques. »

Nathalie Intidam, directrice générale de la société de gardiennage SFIP (250 salariés à Lyon), qui s'est inscrite dans le dispositif d'Agefos Rhône-Alpes, estime « qu'il faut faire une formation parce qu'elle correspond à un besoin de l'entreprise, pas uniquement parce qu'elle est prise en charge. La maîtrise de l'écrit est capitale, notamment pour rédiger la main courante. Cette fiche de liaison est essentielle pour la relève et pour le client. Et elle peut même servir de pièce à conviction pour la police ».

Propreté : un réseau labellisé

Après la loi de 1971 sur la formation continue, les entreprises de la propreté s'étaient lancées avec ferveur dans la lutte contre l'illettrisme... pour interrompre tout programme après deux ou trois ans. Motif : inadaptation de l'offre de formation. Programmes de 1 500 heures, contenus éloignés de l'entreprise, formateurs plus versés dans l'action sociale que dans la professionnalisation, fossé culturel...

« Aujourd'hui, entre 300 et 400 organismes sont conventionnés dans le cadre du programme Iril, constate Nadir Bensmail, chargé de mission à la DGEFP. Seuls 10 % environ mènent des actions spécifiques en direction de l'entreprise. » C'est le cas de l'Alpes, à Lyon (1), qui a mis en place, depuis dix ans, un atelier interentreprises «Lire-écrire-comprendre»... A Lille, le Cueep (2) propose des outils informatiques spécifiques pour les entreprises, adaptables à différentes conditions de travail et à différents niveaux de savoirs et évolutifs. « Comme la demande émerge, l'offre de formation s'adapte, insiste Hervé Fernandez, secrétaire général de l'ANLCI (3)... Encore faut-il que la demande soit bien structurée. »

Ainsi, dès 1998, le FAF Propreté et la société d'ingénierie de la formation Récif ont mis en place une formation aux écrits professionnels et constitué un réseau d'une trentaine d'organismes labellisés. « Nous leur proposons de travailler à partir des supports professionnels, mais aussi de mutualiser leurs méthodes et leurs connaissances, explique Daniel Lustin, coordonnateur du réseau. Nous avons, ainsi, un référentiel de branche. C'est très fort parce que ça crée une compétence collective et évolutive... »

(1) Association lyonnaise de promotion et d'éducation sociale.

(2) Centre université-économie d'éducation permanente

03 20 58 11 11. <www.cueep161.univ-lille1.fr>

(3) L'ANLCI a créé un site dédié aux entreprises <www.formationdebase.net>

Auteur

  • Florence Roux