logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Enquête

Le français, compétence professionnelle

Enquête | publié le : 05.07.2005 | Martine Doriac

L'amalgame illettrisme et apprentissage du français conduit les entreprises à ignorer des compétences professionnelles qui pourraient leur être utiles, analyse une étude de la Direction de la population et des migrations.

Le Comité de liaison pour la promotion des migrants et publics en difficulté (CLP) travaille actuellement, pour la Direction de la population et des migrations (DPM), à une étude* intitulée Développer la formation linguistique au titre de la formation professionnelle continue en entreprise, réalisée à partir d'entretiens avec des entreprises, des Opca, des syndicats et des organismes de formation, et qui sera publiée en septembre. Son premier constat fait ressortir que l'illettrisme est, à tort, amalgamé à l'apprentissage du français. Or, de nombreux étrangers ne maîtrisent pas bien le français, mais sont tout à fait lettrés dans leur langue d'origine et peuvent même être très diplômés.

Dimension linguistique

« La formation professionnelle intègre très peu la dimension linguistique, alors que les compétences communicatives en français sont au coeur de l'intégration de tout salarié dans son entreprise, note un prérapport de l'étude. Ce qui freine l'évolution de salariés pourtant intégrés professionnellement. Assimilés à un public «en difficulté», considérés comme peu motivés ou ayant un handicap, ils sont classés, selon leur niveau, «alpha», pour alphabétisation, ou «FLE», pour français langue étrangère - une pédagogie pas toujours opérante en situation professionnelle -, et hésitent à faire remonter leurs besoins. »

Pourquoi cet amalgame ? Parce que les entreprises, TPE et PME en particulier, considèrent l'apprentissage de la langue comme une responsabilité personnelle dont elles n'ont pas à s'occuper, qu'elles sont peu informées des possibilités de financement de ces actions, et qu'elles ne trouvent pas de formations adaptées.

La branche propreté est la seule à mentionner des besoins de communication en français, dans son accord du 25 octobre 2004. Les autres accords, dont celui de la branche restauration rapide, du 22 décembre 2004, mettent l'accent sur des savoirs de base ou fondamentaux. L'accès à des formations techniques est cependant facilité, dans les secteurs en tension, par le GFC-BTP, pour des salariés peu qualifiés du BTP, ou par le Fafih pour l'industrie hôtelière. Chez Ibis (groupe Accor), le dispositif «Acteur» fait entrer progressivement des salariés étrangers dans la pratique du français : la personne qui parle peu va s'occuper du petit-déjeuner, puis évolue au fur et à mesure de sa progression linguistique. Mais ces initiatives sont rares.

Postes sous-qualifiés

Conséquences : une perte de compétences et des freins aux évolutions des migrants, diplômés dans leur pays d'origine (bac + 2 ou 3), mais employés à des postes sous-qualifiés quand ils ne maîtrisent pas la langue française. L'étude conclut qu'entreprises et administration du travail devraient servir de tiers entre Opca et organismes de formation. Autre piste : le projet Odysseus, qui réunit 14 pays au sein du Conseil de l'Europe autour de la notion de «langue seconde» ou de «deuxième langue sur le lieu de travail». Mais la France, à ce jour, n'en fait pas partie.

* Menée par Mariela de Ferrari, conseillère technique et pédagogique au CLP, avec la participation de Florence Mourlhon-Dallies, maître de conférence en sciences du langage à Paris-3, et Michel Lebelle, chercheur à Paris-10.

Apprendre le français en situation professionnelle

Le «FOS» ou «français sur objectifs spécifiques» est, à l'origine, une ingénierie sur mesure assez coûteuse, réservée à une élite étrangère en contact avec les entreprises françaises. « On part d'une analyse des besoins de communication à l'oral et à l'écrit. On utilise la documentation propre au métier et l'on fabrique du matériel par spécialités. C'est un travail sur objectif, très ciblé, avec une approche par compétences. On travaille l'interculturel, la négociation et l'argumentation en l'adaptant aux professions formées. Cela permet de s'intégrer assez rapidement », explique Florence Mourlhon-Dallies, enseignante-chercheuse à Paris-3 et spécialiste de cette pédagogie, qui constate que le «FOS» revient en force en France avec l'augmentation du nombre d'étudiants étrangers en classes préparatoires et écoles d'ingénieurs ou de techniciens. « On sait mettre en place une ingénierie rapide, à partir de 60 heures, dès lors qu'ils ont au moins 120 heures d'immersion par ailleurs en français. » Mais les formateurs compétents en FLE (français langue étrangère) et dans une spécialité professionnelle sont trop peu nombreux.

Pour en savoir plus : <www.univ-paris3.fr, http ://crfos. univ-fcomte. fr/> ;

<www.edufle.net, www.ciep.fr, www.fle.fr>

Auteur

  • Martine Doriac