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Enquête

De nouveaux moyens pour lutter contre l'illettrisme

Enquête | publié le : 05.07.2005 | Chantal Féminier

L'illettrisme concerne deux millions de Français. La formation continue, qui ne bénéficie qu'à 13 % des salariés non qualifiés, a sa part de responsabilité. La réforme en cours, le développement de l'écrit et les prérogatives des Opca poussent à introduire la lutte contre l'illettrisme dans les plans de formation des entreprises.

« Les actions de lutte contre l'illettrisme sont des actions de formation ; les coûts de ces actions sont imputables au titre de l'obligation de participation au financement de la formation professionnelle. » Selon une enquête, réalisée en 2001 par l'institut Démoscopie, 63 % des dirigeants (1) et 73 % des représentants des salariés avouent ne pas connaître cet article qui figure dans le Code du travail depuis 1998 (2). Pourtant, cette loi est bien le point de départ d'une prise de conscience, selon Hervé Fernandez, secrétaire général de l'Agence nationale de lutte contre l'illettrisme (ANLCI) : « L'agence a été créée en octobre 2000 dans le sillage de cette loi avec, parmi ses membres fondateurs, le FAF propreté et l'Agefaforia, Opca des industries agroalimentaires. » Certes, en 2001, les partenaires sociaux estiment encore, à une très large majorité (91 % pour les dirigeants, 86 % pour les représentants des salariés), que les actions de lutte contre l'illettrisme « sont du rôle de l'Etat ».

Négociations tous les trois ans

Mais, trois ans plus tard, un nouveau texte vient enfoncer un peu plus le clou de leur responsabilité collective : « La loi du 4 mai 2004, qui rend obligatoires tous les trois ans, au lieu de cinq, les négociations de branche sur la formation professionnelle, étend le contenu de ces négociations aux actions de lutte contre l'illettrisme au sein de l'entreprise », observe Hervé Fernandez.

D'autres contraintes pressent les entreprises : la généralisation des nouvelles technologies et l'inflation des règles de sécurité et des procédures qualité, qui se traduisent par un développement de l'écrit. Parfois même, ces évolutions de fond mettent en difficulté des salariés qui ne l'étaient pas auparavant : le travail d'équipe est pénalisé ; les consignes sont peu suivies ; les dysfonctionnements mal identifiés...

Nombreuses difficultés

Selon une enquête 2003 du Centre de ressources illettrisme (CRI) Paca, les employeurs qui constatent de telles carences considèrent qu'elles obligent à « régulièrement contrôler le travail effectué » (12,3 %) ; à « ne donner aux salariés que des tâches simples » (11 %) ; qu'elles entraînent « des difficultés à envisager une évolution de leur poste de travail » (14,6 %) ; voire « des difficultés d'adaptation aux évolutions d'activité » (10,6 %).

Certains secteurs connaissent, en outre, des obligations inhérentes à leur activité. En pleine restructuration, celui de l'aide à domicile crée de nouveaux diplômes ; l'hospitalisation privée est soumise à une obligation d'habilitation de certains métiers ; dans l'agroalimentaire, c'est la traçabilité qui impose les remises à niveau... Enfin, les premières vagues de départs à la retraite chez les papy-boomers confrontent les employeurs au délicat problème de la transmission écrite des savoirs et de la mémoire de l'entreprise.

Ainsi, forts de ces constats et des nouvelles opportunités fournies par la VAE et le contrat de professionnalisation, ceux qui trouvent le soutien nécessaire auprès de leur Opca commencent à s'engager sur la voie de l'acquisition des compétences de base.

Initiatives isolées

« Pendant une période, on a eu tendance à dramatiser l'illettrisme et, de ce fait, à paralyser l'action, analyse Hervé Fernandez. Maintenant, on ne se demande plus comment agir, on agit... » Pas assez vite, cependant, au goût de Joëlle Arnodo, directrice du CRI Paca, pour qui « les initiatives restent encore isolées et plus nombreuses dans le public - grâce aux concours -, que dans le privé, où il est plus simple de licencier un salarié que de le former ». C'est pourquoi, à partir d'une étude qualitative complétant l'enquête de 2003, le CRI Paca a conçu, pour les conseillers des Opca, « un outil de communication leur permettant d'inciter les entreprises à inclure la formation de base dans la gestion prévisionnelle des emplois et des compétences ». Car, si l'Agence reste le grand coordinateur national de la lutte contre l'illettrisme, le colloque organisé par l'ANLCI en mars dernier, à Lyon, a bien confirmé les Opca comme les principaux relais de celle-ci auprès des entreprises.

(1) Enquête réalisée en octobre 2001 par l'institut Démoscopie, à la demande du Syndicat de la presse sociale pour le Forum du 8 novembre 2001 «Entreprendre contre l'illettrisme».

(2) Article L. 900-6 du Code du travail (loi n° 98-657 du 29 juillet 1998).

(3) Forum permanent des pratiques, Lyon, 5-6-7 avril 2005.

L'essentiel

1 Deux millions de Français seraient concernés par l'illettrisme.

2 La loi du 4 mai 2004 rend obligatoires, tous les trois ans, les négociations de branche sur la formation professionnelle, et étend le contenu de ces négociations aux actions de lutte contre l'illettrisme au sein de l'entreprise.

3 Les Opca deviennent des acteurs privilégiés pour relayer, dans les entreprises, les nouveaux moyens de lutte contre l'illettrisme.

Auteur

  • Chantal Féminier