logo Info-Social RH
Se connecter
Newsletter

Les Pratiques

Les suppressions d'emploi vont continuer

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 28.06.2005 | Fanny Guinochet

Alors que la direction d'Alcan se veut rassurante, les restructurations du groupe inquiètent les salariés français. Malgré les campagnes de communication interne, le climat reste tendu avec les syndicats.

Le 16 décembre 2003, le producteur d'aluminium canadien Alcan, rachète le géant industriel français Pechiney. « Il était évident qu'un tel rapprochement ne serait pas facile, qu'il occasionnerait des inquiétudes », explique Daniel Gagnier, vice-président principal d'Alcan. Pour autant, ce Québécois n'avait sûrement pas imaginé à quel point ce mariage se révélerait tumultueux. Et ce ne sont pas les sondages internes, effectués par le cabinet Mac Kinsey, que le membre du comité exécutif du groupe évoque, qui semblent calmer les syndicats : « Dans l'ensemble, les salariés nous disent que l'intégration s'est bien passée. » Certes, pendant l'année qui a suivi le rachat, aucun licenciement sec n'a été effectué : Alcan s'y était engagé auprès du gouvernement français. Tout comme de maintenir à Paris le siège des activités d'emballage et celui des produits usinés. Il n'empêche.

Vague de restructurations

Très rapidement après le rachat, la situation s'est détériorée. Rien qu'à l'ancien siège parisien de Pechiney, près de l'Etoile, à Paris, 259 personnes sur 500 se sont vues remerciées dans le cadre d'un plan social. Au total, depuis un an, Alcan a supprimé près de 500 emplois sur les 15 000 que compte la France. Et le groupe ne cache pas son intention de procéder à une nouvelle vague de restructurations en Europe. Le 14 juin dernier, il annonçait la suppression de 410 emplois, suite à la réorganisation des sites de Singen, en Allemagne, et de Sierre, en Suisse. Il n'y a aucune raison que la France soit épargnée. Le plan social des 94 salariés de l'usine de Cruseilles, en Haute-Savoie, dont la fermeture avait été annoncée en novembre dernier, est en cours. L'établissement de Lannemezan, dans les Hautes-Pyrénées, qui emploie 300 personnes, serait également sur la sellette. « Dans un environnement où les prix des matières premières augmentent, où l'économie se complexifie, ces décisions sont inévitables. Notre devoir est de rester compétitif », argue Daniel Gagnier.

Un dialogue de sourds

Du côté des salariés de l'Hexagone, cette course à la rentabilité reste mal comprise. En témoigne la manifestation qui s'est tenue à Dunkerque, le 19 mai dernier. Une centaine de salariés de l'usine nordiste et des délégations d'une douzaine d'autres sites français ont protesté : « Nous sommes inquiets, déclarait Dominique Wailly, secrétaire CGT de l'usine nordiste. Dunkerque est la moins menacée, c'est le navire amiral de la flotte en Europe, mais cette flotte, ce sont des usines coulées ou bradées. » Les manifestants dénonçaient « les restructurations, les reventes de sociétés et les suppressions d'emploi faites uniquement pour augmenter le dividende des actionnaires ». « Chez ceux qui sont passés au travers des mailles du filet, la motivation s'est tarie, relève François Hommeril, représentant CFE-CGC. Et les deux cultures ont bien du mal à coexister. » Un signe ? Alors que les Canadiens sont francophones, dans la plupart des services, l'anglais s'est imposé comme la langue de référence. « Une provocation pour les Français », souffle un cadre.

Réduire les blocages

Gaston Ouellet, le DRH groupe d'Alcan, entend bien « réduire les blocages, et, par une meilleure communication, favoriser encore l'intégration ». Au programme : des séminaires communs ; un code de conduite mondial des salariés ; des valeurs de confiance et de transparence réaffirmées. Pour l'heure, la direction se targue que des évolutions de carrière aient même été accélérées du fait de la fusion. « Nous avons favorisé la mixité. Les échanges entre les pays », reprend Daniel Gagnier. Et de citer l'exemple de la vingtaine de Français conviés à rejoindre des postes à responsabilité au siège d'Alcan, à Montréal. A l'instar du chef des relations internationales, ou encore de celui des achats. « L'inverse ne s'est pas forcément réalisé ! Du coup, les Canadiens ont eux-mêmes été déçus. Certains ont vu les emplois qu'ils convoitaient pris par des Français. » Mais, là encore, il s'agit d'un dialogue de sourds. Les syndicats regrettent que ces mutations concernent surtout les jeunes.

Côté canadien, ce rachat reste également très controversé. Outre-Atlantique, les fermetures d'usines sont également d'actualité, trois des six sites québécois du groupe sont menacés, car jugés trop vétustes. Ainsi, l'usine de Vaudreil pourrait bien mettre la clé sous la porte dès 2007. Les Canadiens comprennent mal les investissements faits simplement pour tempérer les mécontentements sociaux français. Le montant de la facture relative au rachat de Pechiney est estimé à la coquette somme de 4 milliards d'euros.

Nouvelles installations

« En revanche, de nouvelles usines sont prévues ou en construction dans quinze pays », se félicite Cynthia Carroll, présidente d'Alcan Métal primaire, la division la plus active du Québec. Appelés «green fields» dans le jargon, de nouvelles installations voient le jour en Afrique du Sud, en Chine, à Oman, dans la péninsule arabique. Alcan a annoncé, le 13 juin, son intention d'établir une usine de capsules de bouchage pour le vin en Australie, à Adelaïde. L'usine devrait lancer la production dès le quatrième trimestre 2005.

Alcan

> Activité : n° 2 de l'aluminium derrière l'américain Alcoa ; n° 7 mondial de l'emballage.

> Effectifs : 75 000 salariés.

> Implantations : dans environ 60 pays.

> Chiffre d'affaires en 2004 : 19 milliards d'euros.

Auteur

  • Fanny Guinochet