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Les Pratiques

Des entreprises s'engagent dans les quartiers sensibles

Les Pratiques | Point fort | publié le : 28.06.2005 | Céline lacourcelle

De nombreuses entreprises, investies dans le champ du «socialement responsable», aident les publics des banlieues difficiles. Leur credo : l'emploi, avec, en amont, des parcours socialisants et qualifiants pour leur garantir une meilleure employabilité.

Certaines entreprises ont compris, depuis longtemps, que leur développement économique et leur crédibilité sociale allaient de pair avec leur engagement dans la Cité. D'où la mise en place de vastes politiques d'insertion, s'intéressant, entre autres, aux habitants des banlieues défavorisées. Cette motivation a trouvé un écho dans les récentes orientations gouvernementales. Ainsi, Jean-Louis Borloo, ministre de l'Emploi, de la Cohésion sociale et du Logement, annonçait, en décembre 2004, qu'il entendait diviser par trois, d'ici à 2008, le taux de chômage des jeunes dans les quartiers difficiles. Pour l'heure, ce taux est de 22 % au niveau national, contre « 50 % à 60 % chez les 16-24 ans dans les quartiers en difficulté », précisait-il. En son temps, Jean-Pierre Raffarin, alors Premier ministre, avait, pour sa part, enjoint les entreprises de recruter des diplômés issus des zones urbaines sensibles (lire page 31) afin de pourvoir des postes à responsabilité dans l'entreprise.

Initiatives plus globales

Certes, les initiatives à l'égard des populations en difficulté ne sont pas nouvelles, mais elles se veulent, aujourd'hui, plus diversifiées. L'emploi, s'il est une fin en soi, s'appréhende plus globalement. L'accompagnement de ces publics s'effectue, désormais, via des parcours socialisants et qualifiants.

L'Oréal est, ainsi, le partenaire de Sciences po Paris et de sa filière CEP (conventions éducation prioritaire), depuis 2001, année de son lancement. « Cette filière permet à des jeunes issus de lycées de banlieues difficiles de se présenter à un concours d'entrée spécifique de Sciences po Paris, pour, ensuite, intégrer le cursus classique de l'école », explique Jean-Claude Legrand, responsable du recrutement de L'Oréal.

La contribution du leader de la cosmétique est diverse : « Nous participons au jury de sélection et nous contribuons financièrement à l'achat de fournitures scolaires de ces élèves, qui sont boursiers pour les trois quarts. » Par ailleurs, L'Oréal a accueilli en stage, dans un de ses sites espagnols, l'un de ces élèves. Un autre est également suivi en tutorat par le DRH de la division grand public. Après quatre ans d'existence, la filière CEP compte 23 lycées partenaires pour un total de 132 étudiants recrutés en trois ans, dont 45 en 2004. A noter qu'une fois intégrés, ces «banlieusards» enregistrent des résultats comparables à ceux des étudiants entrés par d'autres procédures d'admission ; 9 sur 10 passent directement dans l'année supérieure. « Nous réfléchissons, aujourd'hui, à mettre en place un projet similaire avec HEC », ajoute Jean-Claude Legrand.

Un programme de formation sur mesure

Autre engagement : celui de VediorBis. Ici, le partenariat lie l'entreprise avec la Direction départementale du travail de Seine-Saint-Denis. « Ce département, dans lequel nous avons notre siège social, affiche un taux de chômage deux fois et demie plus élevé que la moyenne nationale. Nous avons décidé, l'année dernière, de faire bénéficier une trentaine de personnes particulièrement éloignées du marché du travail d'un programme de formation sur mesure », présente Yves Desjacques, directeur général délégué en charge des ressources humaines. A l'issue de ce dernier, VediorBis leur a proposé une mission d'intérim qui s'est transformée en CDI dans les deux tiers des cas. « Le succès de cette opération nous a conduits à la renouveler cette année et à l'étendre prochainement dans certains quartiers parisiens des XIXe, XXe et XVIIIe arrondissements », ajoute-t-il avec satisfaction.

Mettre le pied à l'étrier est également la motivation de Schneider Electric. Son dispositif «100 chances pour 100 emplois» a pour but de préparer un parcours vers l'emploi pour une centaine de jeunes du quartier, dit «difficile», des Près-Saint-Jean, à Chalon-sur-Saône, dont le taux de chômage avoisine les 35 %. Pour cela, de nombreux acteurs, institutionnels et entreprises, sont partenaires.

Démarré à l'été 2004, le réseau, animé par Schneider, compte, aujourd'hui, vingt deux entreprises, l'ANPE, les missions locales et la direction départementale du travail, auxquelles ont été associés les travailleurs sociaux investis dans le quartier. Pour l'heure, 35 jeunes sont entrés dans le dispositif, qui comprend un bilan de compétences ; un stage en entreprise pour valider les choix d'orientation, préalable à un parcours de formation ; et, enfin, un accès vers l'emploi facilité par les entreprises partenaires.

Découverte des métiers

Dans le même esprit, VediorBis, avec le ministère de l'Intérieur et l'ANPE, a lancé, en mars dernier, pour 500 jeunes de 18 à 25 ans, la Semaine de découverte des métiers liés à la sécurité (gendarmerie nationale, douane, police municipale, transport de fonds...). « Autant de professions qui leur étaient étrangères ou, à l'inverse, qu'ils ne connaissaient que trop bien », avance Yves Desjacques.

Au total, 1 100 jeunes se sont fait connaître ; 500 ont été retenus et hébergés dans huit écoles de police réparties dans toute la France. « Début juin, 300 avaient déjà un projet bien précis en tête et une soixantaine étaient en mission d'intérim dans l'un de ces secteurs. » Yves Desjacques a été surpris du changement qui s'est opéré chez ces jeunes : « Normal, on s'est occupé d'eux sous un angle autre que celui de l'assistanat social. » Le bénéfice ? Permettre à ces populations de se réconcilier avec le monde de l'entreprise.

Entraînements à l'entretien

L'usine de Coca Cola Entreprise des Pennes-Mirabeaux, en périphérie de Marseille, a signé, mi-2003, une convention de partenariat avec la préfecture des Bouches-du-Rhône. Au sommaire : l'accueil, sur cinq ans, de 700 jeunes en stage tutoré d'une semaine, ciblé sur la découverte d'une industrie automatisée, et des entraînements à l'entretien de recrutement.

Baptisé «Passeport vers l'emploi», ce programme expérimental en deux volets est destiné aux 16-18 ans des collèges des quartiers défavorisés. L'appel aux volontaires, la sélection des candidats, l'organisation des groupes et l'acheminement quotidien des jeunes vers l'usine se sont faits via le Comité départemental olympique et sportif. Parmi les interlocuteurs privilégiés : l'Ecole de la deuxième chance, les associations et les clubs sportifs et les établissements de l'Education nationale.

Au total, douze collèges participent à l'opération. Les jeunes sont sélectionnés sur la base de leur motivation, évaluée en entretien individuel, et sur l'appréciation des professionnels qui les encadrent habituellement. A la fin juin 2004, 75 stagiaires ont découvert l'entreprise et 23 ont suivi les simulations de recrutement. L'opération a été reconduite pour l'année scolaire 2004-2005.

D'autres entreprises entrent dans le vif du sujet en proposant directement un poste à cette population cible (lire La Poste p. 31). Elles peuvent alors croiser la route, depuis le 12 avril 2005, d'APC Recrutement, association dédiée à la chasse de talents dans les cités. « L'idée est née du constat fait par les professionnels des ressources humaines. En effet, lors d'une enquête que nous avons réalisée avec l'Ifop, trois DRH sur quatre affirmaient rencontrer des difficultés pour recruter des candidats issus des quartiers difficiles, et ce, malgré leur engagement en faveur de la diversité, explique Karim Zeribi, président d'APC Recrutement. Dès lors, nous nous sommes interrogés : que peut-on faire sans tomber dans des approches ethniques ou de quotas ? »

Découvrir les talents dans les cités

La création d'un cabinet spécialisé dans le recrutement de candidats issus des 751 zones urbaines sensibles a semblé être la meilleure réponse à cette problématique. « Nous ne sommes pas dans la compassion. Nous proposons la candidature de personnes qualifiées, motivées et compétentes, de niveau minimum technicien, approchées par téléphone, rencontrées en entretien, puis présélectionnées pour l'entreprise intéressée. En somme, nous proposons exactement la même prestation qu'un cabinet de recrutement, à ceci près que nous sommes une association fonctionnant avec 22 consultants bénévoles », explique son président.

D'ores et déjà, APC dispose, dans sa base de données, de 700 CV aux profils très variés, spécialisés dans la finance, le tourisme ou encore la communication. L'association a reçu 300 candidats et a signé ses premières conventions avec quelques entreprises, principalement franciliennes, comme Ikea ou Eurocom. « Nous facturons sur la base de 10 % du salaire annuel du candidat recruté que nous suivons jusqu'à l'issue de sa période d'essai. » A terme, APC envisage d'ouvrir des bureaux dans différentes métropoles. Marseille est la prochaine sur la liste.

Auteur

  • Céline lacourcelle