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Les entreprises publiques reclassent avec difficulté

Les Pratiques | Point fort | publié le : 21.06.2005 | Marie-Pierre Vega

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Les entreprises publiques reclassent avec difficulté

Crédit photo Marie-Pierre Vega

Près de deux ans après la signature d'un accord de mobilité, seulement un millier d'agents ont quitté France Télécom pour un reclassement dans la fonction publique. DCN y parvient, au terme d'une opération similaire, avec davantage de succès. Giat peine à atteindre ses objectifs.

France Télécom cherche une porte de sortie pour ses agents dont les métiers et le statut de fonctionnaire ne s'inscrivent pas dans sa nouvelle stratégie. DCN poursuit une logique à peu près identique. Giat a engagé son sixième plan de restructuration depuis 1998. Ces trois sociétés, qui emploient des fonctionnaires et/ou des ouvriers d'Etat, cherchent toutes à réduire leurs effectifs depuis deux ou trois ans.

Accord-cadre et décrets

Ainsi, environ un millier d'agents de France Télécom sont en cours de mobilité, dont 60 % vers l'Etat, plus d'un tiers vers la fonction publique territoriale et 5 % vers la fonction publique hospitalière. « 3 % des personnes ont abandonné en cours de route pour revenir chez France Télécom, comme le permettent l'accord-cadre sur le développement des compétences et de la mobilité, signé en juin 2003, et les décrets », précise Brigitte Dumont, directrice du recrutement, de la mobilité et des carrières.

Un protocole, qui prévoit le recrutement de 500 agents sur 2003-2005, a été signé avec le ministère de l'Equipement. Près de 350 postes ayant débouché sur 266 départs chez France Télécom ont déjà été proposés. Une opération est en cours pour les inspecteurs de permis de conduire. En 2004, plus de 150 personnes, dont 90 enseignants, ont été recrutées en vertu d'un partenariat avec le ministère de l'Education nationale ; 130 à 150 nouveaux postes sont proposés en 2005. Enfin, en 2004, 420 salariés ont suivi une formation de prérecrutement organisée par les délégations régionales du CNFPT (Centre national de la fonction publique territoriale), avec lequel France Télécom a conclu une convention.

Création de 30 espaces mobilité

Pour mener à bien ce projet, France Télécom a créé 30 espaces mobilité, un dans chaque direction régionale. Ils sont animés par un ou plusieurs conseillers mobilité référents, formés aux techniques d'élaboration du projet professionnel, et par un responsable des offres d'emploi en contact avec les recruteurs pour analyser leurs demandes. Au total, 200 personnes travaillent dans les espaces mobilité. En moyenne, six mois sont nécessaires pour faire aboutir un dossier.

La procédure se déroule alors en trois phases : mise à disposition de l'administration d'accueil pendant quatre mois avec salaire intégralement payé par France Télécom, puis détachement sur huit mois et, enfin, intégration. Durant les deux premières phases, l'agent peut à tout instant décider de retourner chez France Télécom.

Accompagnement des candidats

L'opérateur dit ne poursuivre aucun objectif chiffré. « On peut envisager près de 2 000 départs sur 2005 ; 12 000 agents se sont inscrits sur l'intranet qui recense, depuis le début de l'année, 3 000 offres d'emploi dans l'une des trois fonctions publiques. » Mais « France Télécom est loin d'atteindre ses objectifs, qui étaient de 1 500 départs sur la seule année 2004, conteste Christian Matorel, délégué syndical central CGT. Pourtant, la direction met les moyens et fait preuve d'insistance auprès des candidats potentiels. » Sur les départements du Var et des Alpes-Maritimes, qui relèvent de la direction régionale de Provence-Côte d'Azur, 33 agents s'apprêtent à partir ou sont partis entre mi-2003 et le 31 mai 2005. « Or, l'objectif fixé était de 33 en 2004, et il est de 32 cette année, indique Danielle Ghigo, responsable de l'espace mobilité à Nice. Mais les profils recherchés par la fonction publique territoriale ne correspondent pas forcément à ceux de nos agents. Ainsi, les collectivités veulent des techniciens, mais pour des métiers de la voirie ou du bâtiment. Par ailleurs, la conjoncture n'est pas porteuse. Certaines collectivités vont devoir absorber du personnel dans le cadre de la décentralisation et l'heure est plutôt à la réduction des dépenses publiques », analyse-t-elle.

L'accompagnement des candidats, notamment en termes de formation, a fait l'objet de critiques. « Il a pu arriver que le besoin de formation d'un agent n'ait pas été satisfait à temps, répond Brigitte Dumont. Parfois, les formations se déroulent après le recrutement, pour plusieurs raisons : une embauche qui se fait très vite ; pas de place dans la session de formation envisagée ; ou, tout simplement, impossibilité d'évaluer le besoin en formation tant que le candidat n'est pas en poste. »

Impliquer les managers

France Télécom reconnaît aussi la nécessité d'intégrer davantage le manager du salarié concerné par la mobilité. « Alors que la filière RH s'est beaucoup impliquée, le manager s'est retrouvé un peu à l'écart. Or, il est celui qui connaît le mieux l'agent du point de vue de ses compétences, de ses points forts ou faibles et de ses réalisations. Pour que tout se passe bien, il doit jouer un rôle. » France Télécom a donc accentué sa communication en direction des managers. L'opérateur envisage aussi de les faire témoigner sur des cas de mobilité réussie, sur l'intranet, dans la revue interne ou au cours de réunions ou de tables rondes.

Succès pour DCN

Chez DCN, le plan d'évolution des effectifs a remporté un succès plus large qu'escompté. Depuis la transformation de l'entreprise publique en société anonyme, le 1er juin 2003, 800 collaborateurs ont rejoint le ministère de la Défense ; 1 800 autres ont profité de trois dispositifs de cessation d'activité : départ à la retraite, dispositif amiante et indemnité de départ volontaire pour les ouvriers d'Etat de plus de 53 ans exerçant un métier de support non stratégique. Enfin, une centaine de personnes ont quitté l'entreprise pour des motifs autres. Résultat : DCN recrute davantage que prévu, soit 2 000 personnes au lieu de 1 500.

« Plus de la moitié sont des cadres, explique Philippe Caillard, directeur du projet à la DRH. Nous les recrutons sur des métiers où nous étions mal équipés : le commercial, la finance, le juridique, les ressources humaines, les achats, les systèmes d'information et certains métiers de l'ingénierie. Nous embauchons aussi sur des métiers techniques et d'ouvriers qui connaissent des départs. » Des orientations qui inquiètent Yannick Perronet, délégué syndical central CFDT : « En accroissant la part des ingénieurs et des cadres, DCN est de moins en moins une entreprise de production et de plus en plus une société de maîtrise d'oeuvre qui recourt à la sous-traitance pour la réalisation. »

Contrat de détachement

A fin 2005, environ 500 des 2 400 fonctionnaires et militaires, salariés de DCN lors de la transformation en SA, auront décidé de poursuivre leur activité au sein de l'Etat. Les autres optent presque tous pour un contrat de détachement, restant ainsi liés à la fonction publique ; 300 ouvriers d'Etat, la catégorie la plus nombreuse avec un effectif de 10 000 personnes, ont déjà demandé à rejoindre l'Etat, en particulier sur les sites de Toulon, Brest et Cherbourg. « La plupart restent au sein de la marine », précise Philippe Caillard. Enfin, sur une centaine de contractuels de droit public ayant initialement refusé le contrat de travail sous convention collective de la métallurgie, moins de la moitié vont accepter une offre de poste de l'Etat. « 90 % des postes d'accueil ont été proposés par le ministère de la Défense. DCN n'a pas cherché à exploiter les opportunités existant dans les autres ministères et les autres fonctions publiques », regrette Yannick Peronnet.

Giat Industries sollicite la Défense

La Défense est aussi sollicitée par Giat Industries, qui, d'ici à 2006, supprime 3 300 emplois sur 6 000. Selon un rapport de la commission Défense de l'Assemblée nationale, « le ministère de la Défense consent des efforts remarquables ». Mais « il n'en est pas de même des autres administrations et des collectivités locales qui n'ont, jusqu'à présent, recruté que 25 salariés du groupe ».

Selon la direction, sur les 800 personnes qui ont trouvé une solution, 45 % disposent d'un poste au sein du ministère de la Défense, contre 25 % dans la fonction publique hors défense. Des opérations dites spéciales offrant un potentiel de 250 emplois ont aussi été engagées. Par exemple, le Commissariat de l'armée de terre va s'implanter sur le site de Giat à Roanne ; 136 emplois seront pourvus dans ce cadre.

Pour la plupart des agents reclassés dans la fonction publique, la mobilité ne se fait pas à qualification égale. Les postes proposés ne sont pas non plus en adéquation avec ceux précédemment occupés. Aujourd'hui, le ministère de la Défense semble avoir fait le plein. Des opportunités subsistent encore, mais elles supposent une forte mobilité géographique. Alors que la seconde tranche du plan social va s'ouvrir en octobre 2005, fonctionnaires et ouvriers sous décret tournent désormais leurs regards vers le privé.

L'essentiel

1 Depuis quelques années, France Télécom, DCN et Giat cherchent à réduire leurs effectifs, majoritairement fonctionnaires et ouvriers d'Etat.

2 Les entreprises publiques mettent à contribution les administrations et les collectivités territoriales pour accueillir les agents dont les postes sont supprimés.

3 Leur reclassement dans la fonction publique a rencontré un succès inégal. Si France Télécom et Giat n'ont pas encore atteint leurs objectifs, DCN, lui, les a dépassés.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega