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Anticiper le contenu du plan social

Enquête | publié le : 21.06.2005 | Marie-Pierre Vega

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Anticiper le contenu du plan social

Crédit photo Marie-Pierre Vega

La loi de programmation pour la cohésion sociale pérennise les accords de méthode expérimentés dans le cadre de la loi Fillon du 3 janvier 2003, en élargissant considérablement leur champ.

Les accords de méthode vont-ils définitivement trouver leur place dans les entreprises qui licencient ? Inscrits à titre expérimental dans la loi Fillon du 3 janvier 2003, ils sont, désormais, pérennisés par la loi Borloo du 18 janvier 2005, qui les enrichit de quelques nouveautés.

Innovations

D'abord, l'appellation dite «de méthode» disparaît. Ensuite, un tel accord peut être conclu au niveau du groupe, « sans être nécessairement rediscuté au niveau de chaque société, comme c'était le cas pour les accords de groupe antérieurement, note Frédéric Bruggeman, responsable de la cellule restructurations et licenciements de Syndex. A ma connaissance, il n'y a pas encore d'accord de méthode de groupe version loi Borloo. Il n'y a pas davantage de précipitation au niveau des branches, autre innovation. J'ai vu quelques tentatives, peu nombreuses. Elles n'ont pas abouti, car ni les partenaires sociaux, ni l'Etat, d'ailleurs, n'ont de méthode pour traiter les restructurations à ce niveau ».

Troisième «innovation», sans doute la plus importante : les accords de méthode peuvent anticiper le contenu d'un futur plan de sauvegarde de l'emploi. Cette extension du champ découle de l'utilisation qui a été faite, dans certaines entreprises, des accords de méthode expérimentaux. Le groupe Areva a, ainsi, accompagné certaines opérations de restructuration de sa filiale FCI, revendiquant, à ce titre, des taux de reclassement allant jusqu'à 97 %.

« Cette disposition pose un problème redoutable, estime Frédéric Bruggeman, car la discussion intervient à un moment où l'asymétrie de l'information est maximale. L'employeur sait où il va, ce qui n'est pas le cas des représentants du personnel, qui n'ont pas encore été informés. Il leur est demandé d'anticiper le contenu du plan social sans qu'ils sachent quelles tranches d'âge, quels métiers ni quels bassins d'emploi sont concernés. »

Mobilité interne

« Il y a quand même des constantes dans le contenu d'un PSE, comme, par exemple, proposer des offres de mobilité interne », réplique Max Matta, DRH France de Rhodia, qui a signé un accord de méthode, le 10 février 2004, alors que le groupe était dans une situation économique très difficile. « C'est donc une bonne chose que de se mettre d'accord le plus tôt possible sur les conditions de cette mobilité. Définir le contenu du PSE dans un accord de méthode permet aussi de garantir une équité de traitement à tous les salariés du groupe, quelle que soit leur société d'appartenance. »

Besoin de conseil

Autre problème soulevé par Syndex : le champ élargi des accords de méthode « fait surgir un besoin de conseil au niveau des organisations syndicales qui les négocient. Mais la loi ne prévoit rien sur ce plan. » Chez Ferro France, à Saint-Dizier (Haute-Marne), les organisations syndicales ont cherché à éviter ces écueils. « Début février, la direction a annoncé la suppression de 75 emplois sur 200, et proposé de conclure un accord de méthode anticipant le contenu du plan social, sans que nous connaissions les tenants et les aboutissants de la restructuration, explique Jacqueline Coince, déléguée syndicale CFDT. Aussi, nous avons négocié et obtenu un premier texte, qui nous permettait de disposer de l'information au titre des livres IV et III, sans pour autant ouvrir la procédure légale ni recourir à des experts sur les plans économique, social et juridique. » C'est dans un second temps que l'accord de méthode proprement dit a été négocié.

Les accords de méthode version loi Borloo peuvent également avoir pour objet d'organiser la mise en oeuvre d'actions de mobilité professionnelle ou géographique, en prévision d'une restructuration. Alstom Power Boilers s'est saisi de cette possibilité dans son accord signé le 22 avril dernier. Il accompagne la suppression de 145 postes, en permettant à chaque salarié de « se préparer à la recherche d'un nouvel emploi ou de débuter de nouvelles fonctions sans attendre l'issue de la procédure de consultation du CE ». « Cela permet aux salariés de s'engager dans une démarche de reclassement dans de bonnes conditions, alors qu'ils sont encore dans l'entreprise, estime la DRH, Anne-Marie Mellon. Trois semaines après la signature de l'accord, 28 personnes avaient retrouvé un emploi hors de la société. »

Calendrier de dialogue

Chez IBM France, qui supprimera 769 postes d'ici à la fin de l'année, un accord de méthode, signé le 7 avril 2005, a également permis de fixer un calendrier de dialogue et de mise en oeuvre des procédures dérogatoire au Code du travail. « Le 9 juin, alors que la procédure d'information-consultation était en cours, nous avons ouvert aux salariés un espace mobilité qui leur permet de s'informer et de se déclarer candidats à un reclassement par anticipation, les mesures d'accompagnement étant définies dans l'accord de méthode », explique Eloïse Verdé-Delisle, directrice des relations sociales. Les délégués CFDT d'IBM France, qui ont refusé de signer l'accord, considèrent que cela revient, pour la direction, « à se débarrasser au plus vite de la procédure ». « Elle empêche les syndicats de bénéficier d'un éclairage suffisant pour négocier un véritable PSE », estime l'un d'eux, Jean-Claude Arfélix.

Chez Rhodia, « l'accord de méthode a permis à nos interlocuteurs internes et externes de gagner en visibilité, en termes de procédures, contenu des informations, engagements pris..., estime Max Matta. Nous avons mis en place une instance de dialogue stratégique. La direction s'est engagée à lui fournir des informations très confidentielles sur la stratégie du groupe, lesquelles permettent aux partenaires sociaux de prendre la mesure des difficultés de l'entreprise et de comprendre la nécessité des mesures prises ultérieurement ».

En voulant emprunter une voie similaire, Schneider Electric s'est retrouvé dans une impasse. Son accord de méthode de juin 2003 crée un groupe paritaire d'information, de concertation et de négociation (GPICN). Il a pour mission d'élaborer des outils de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences afin de préparer l'évolution de l'entreprise sur les trois années à venir.

Tout n'est pas discutable

Mais, à l'annonce d'un PSE, en janvier 2004, FO et la CFDT quittent le GPICN, qui, depuis, est en sommeil. « Je continue à penser que c'était un bon accord qui permettait d'anticiper et de discuter des mouvements de fond, analyse aujourd'hui le DRH France, Marc Bochirol. Mais nous n'avions peut-être pas assez défini ce que nous en attendions. Avec l'accord de méthode et le GPICN, les syndicats ont pensé que tout était discutable, ce qui n'était pas le cas. »

Désormais, on ne parle plus d'accord de méthode ni de GPICN chez Schneider. Mais le groupe, qui dit croire à la démarche, vient de proposer aux organisations syndicales de discuter des bases d'un accord de GPEC en vue d'une nouvelle restructuration annoncée début juin.

Bilan de l'expérimentation Fillon

- A la fin décembre 2004, 173 accords de méthode loi Fillon ont été signés. Une analyse menée par la DGEFP (Délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle) montre la prévalence de cinq thèmes ou préoccupations : le souci d'adaptation à la situation réelle de l'entreprise, avec une grande variété d'aménagements de la procédure d'information-consultation des représentants du personnel ; le souci de sécurisation des procédures, la mise en place d'instances de concertation ou de négociation ; le renforcement des moyens des représentants du personnel et de l'information des salariés ; la fixation de modalités de négociation du contenu du PSE.

Extraits de l'article L. 320-3 du Code du travail

- Des accords d'entreprise, de groupe ou de branche peuvent fixer, par dérogation aux dispositions du livre III et du livre IV, les modalités d'information et de consultation du comité d'entreprise applicables lorsque l'employeur projette de prononcer le licenciement économique d'au moins dix salariés sur une même période de trente jours.

- [...] Ils peuvent organiser la mise en oeuvre d'actions de mobilité professionnelle et géographique au sein de l'entreprise et du groupe. Ces accords peuvent aussi déterminer les conditions dans lesquelles l'établissement du plan de sauvegarde de l'emploi [...] fait l'objet d'un accord, et anticiper le contenu de celui-ci.

Auteur

  • Marie-Pierre Vega