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Papillon de nuit et valet de pied

Demain | Chronique | publié le : 21.06.2005 | De P.-L. chantereau

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Papillon de nuit et valet de pied

Crédit photo De P.-L. chantereau

On vit une époque formidable. Enfin, ça dépend quand même un peu de qui on est, et du rôle qu'on est réputé jouer dans l'entreprise qui nous emploie. Et, dans certains cas, les frustrations peuvent atteindre des sommets. Des sommets insupportables, pour tout dire.

C'est une charmante consoeur qui me raconte ses campagnes d'audit dans un service où on lui demande, budget oblige, de rechercher « une meilleure productivité des équipes pouvant économiser des postes de travail ».

La routine.

Personne n'aime faire ce métier de «nettoyeur de tranchées», mais, quelquefois, la cause peut être juste, et c'est le cas ici : il s'agit de sauver d'une casse quasi programmée une grande association qui rend un service indispensable aux personnes démunies du département. Dans ce cas, on ne peut pas refuser la vérité des chiffres et reculer devant la cruauté des décisions.

« J'ai deux cas douloureux : le premier est une espèce de papillon de nuit qui s'agite dès que le rouge d'une caméra se met en place dans un studio télé. On a compté : sur l'année dernière, pas moins de 12 participations, en comptant les plus furtives, sur les écrans. Pour l'association, c'est un facteur de notoriété inespéré. Mais à part ça, rien. Le néant. Aucune contribution. Pas le moindre travail, en contrepartie d'une rémunération qui plombe les comptes. Je proposerais bien son éviction, mais j'ai peur des conséquences sur les ressources de l'association. Tu en penses quoi ? » Rien. Comme d'habitude, j'ai besoin d'en savoir plus. Parlons d'abord du deuxième cas.

« Mon deuxième souci, c'est une espèce de chef de mission complètement transparent. A mon avis, dramatiquement inutile. Sauf pour le président, à qui il sert un peu de valet et un peu d'espion. Toujours disponible, toujours servile, toujours rassurant. Dans l'ombre du pouvoir, il monte et démonte les réputations. Pas tellement payé, mais quand même. Je fais quoi ? » Je ne sais toujours pas. Parlons des autres, de tous les autres.

« Tous les autres bossent comme des fous. Compétents, impliqués. Avec des hauts et des bas, quand même, parce que c'est dur, la gestion de la misère des autres. Alors, je fais quoi ? »

Puisqu'elle insiste, je me lance : « Tu proposes de sortir les inutiles. Tu refuses d'être le complice passif de la pire forme de détournement d'énergie collective, du mépris du travail de terrain, et de la soumission aux derviches tourneurs qui font la danse des sept voiles aux médias. Tu donnes la primauté à la plus-value du travail sur le terrain, au plus près de la mission de l'association. Logique, non ? » Elle approuve. Elle propose.

Deux jours après, le verdict tombe. On garde les deux apparatchiks. On supprime trois des vingt-sept responsables de l'accueil. Triste époque, vraiment.

Pierre-Loïc Chantereau <www.equation-management.com>

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  • De P.-L. chantereau