On convient volontiers, aujourd'hui, que le travail se détériore. Mais, au-delà des seules conditions d'exercice, ce sont, sans doute, les conditions mêmes du travail qui empirent. C'està-dire, essentiellement, les relations qui unissent les hommes entre eux dans cet univers, les situations d'autonomie ou de dépendance, les confrontations humaines et les façons de les réguler.

Plus que les remises en cause légales des protections sociales, ce sont, en effet, les protections liées aux modes d'organisation tayloristes du travail qui sont en jeu. L'univers clair, segmenté et séquentiel du taylorisme constituait un rempart solide à la pression de l'environnement. En parcellisant le travail, le taylorisme avait, ainsi, résolu le problème de la dépendance et de l'exposition directe aux autres, à leurs demandes, à leurs exigences. Désormais, le client est roi et les collègues avec lesquels il faut faire équipe représentent une source inépuisable de stress.

Les cadres, notamment, se trouvent surexposés à des tensions diverses et contradictoires qu'ils doivent à la fois subir et approuver, puisqu'ils sont ceux qui sont censés comprendre les impératifs du marché. D'où, non seulement une baisse tendancielle du taux de motivation, mais, plus radicalement parfois, une véritable remise en cause des organisations et des valeurs qui les fondent. Un mouvement qui pourrait, à terme, se révéler fort dangereux pour l'entreprise.

François Dupuy est sociologue. Il est l'auteur de plusieurs ouvrages, dont L'alchimie du changement (Dunod, 2001) et Sociologie du changement (Dunod, 2004).