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Groupes et PME : partager une culture de l'innovation

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 14.06.2005 | Guillaume Le Nagard

Les grandes entreprises peuvent jouer un rôle important dans la pérennité et le développement des PME. De tels rapprochements leur seront bénéfiques aussi pour développer l'initiative et l'esprit d'entreprise dans des structures lourdes. L'inscription de ces démarches dans une stratégie de RSE peut contribuer à convaincre les grands groupes.

E & C : Vous avez fait partie du groupe de travail sur le projet de loi Jacob. Par ailleurs, la structure que vous avez créée, Coach'Invest, a pour objet de rapprocher les TPE/PME des grandes entreprises. Cela peut-il favoriser la pérennité des petites entreprises ?

Thomas Legrain : Ces rapprochements peuvent soutenir l'activité de certaines d'entre elles, dans la mesure où ils comblent un besoin d'accompagnement des structures jeunes, qu'aucun acteur ne prend en charge correctement à l'heure actuelle. Les entreprises hautement technologiques ou biotechnologiques, qui recherchent des parts de marché pour imposer rapidement leur produit ou service comme un standard, correspondent au modèle du capital-risque. Au-delà, il reste une masse énorme de TPE/PME, parfois innovantes, mais sur des activités plus traditionnelles, dont l'objectif est de trouver un équilibre leur permettant d'assurer la pérennité de leur activité. Elles n'attirent pas les fonds de capital-risque et le conseil ne leur est pas adapté, car il s'adresse davantage à des entreprises de grande taille, capables de s'en payer de manière récurrente. Il reste une fonction d'accompagnateur à définir : l'investissement seul n'est pas rentable dans ces entreprises, il faut apporter des fonds propres, mais aussi de l'expérience pour aider à optimiser les dépenses, ainsi que des réseaux relationnels pour soutenir le développement du chiffre d'affaires. Cette question est cruciale dans la mesure où c'est le seul argent intelligent pour ces jeunes entreprises.

E & C : En quoi les grandes entreprises seraient-elles plus aptes que d'autres à endosser ce rôle ?

T. L. : Parmi les différents acteurs capables d'accompagner les jeunes TPE/PME, les grandes entreprises sont les plus à même de le faire. L'Etat n'en a pas les moyens, les investisseurs s'intéressent aux entreprises hautement technologiques ou aux entreprises matures, les banques ne prennent pas ce type de risque et ont des contraintes de rentabilité à court terme.

Quant à l'idée du gouvernement consistant à créer des fonds d'investissement de proximité (FIP), financés par des épargnants en contrepartie d'une optimisation fiscale, c'est vouloir faire jouer au contribuable un rôle que les banquiers et les investisseurs ne veulent pas endosser, à juste titre. Pour être rentables, les investissements des FIP vont inévitablement s'orienter vers des entreprises matures, ce qui ne résoudra pas le problème des jeunes sociétés.

E & C : Il ne semble rester que les grandes entreprises, par défaut. Quel est leur intérêt ?

T. L. : Tout l'enjeu est bien de montrer que c'est une opération rentable et une source de compétitivité pour elles. Le rapprochement avec les PME peut relever de deux logiques : d'une part, la recherche de nouvelles technologies ou de nouveaux marchés en finançant ou en rachetant des start-up, avec l'essaimage, les fonds corporate. Force est de constater que l'impact s'est révélé faible sur l'activité des grandes entreprises.

D'autre part, la recherche permanente de compétitivité pousse les dirigeants des groupes à trouver de nouveaux leviers pour le management des ressources humaines. Depuis quatre à cinq ans, la compétitivité des entreprises est largement passée par une stratégie de réduction des coûts. Celle-ci atteint ses limites. Les grands groupes veulent, désormais, travailler sur le développement, l'innovation, l'esprit d'entreprendre pour dynamiser leurs troupes. Comment faire naître un état d'esprit favorisant l'initiative et la réactivité dans des structures lourdes et peu pro-actives ? Notamment par le rapprochement avec des entreprises qui ont cette culture.

E & C : Quel type de rapprochement imaginez-vous ?

T. L. : Beaucoup de dirigeants savent que leur entreprise fait régulièrement travailler les mêmes très grands prestataires. Il est possible d'identifier des entreprises plus réactives et compétitives. Mais, sur le terrain, les collaborateurs n'ont, pour l'instant, aucun intérêt à mettre cette idée en oeuvre, car ils prendraient un risque. Or, dans le domaine de la responsabilité sociale d'entreprise (RSE), de nombreux patrons cherchent à mettre en avant des pratiques économiques et sociétales concrètes, comme ils ont su le faire pour l'environnement. Il s'agirait, par exemple, de consacrer 5 % à 10 % de leurs achats non stratégiques à des jeunes entreprises de moins de cinq ans, en communiquant autour d'une stratégie RSE. En outre, par l'effet du partage des cultures, la démarche aurait un impact sur l'esprit d'entreprise du grand groupe.

Favoriser des petits prestataires, c'est s'ouvrir à l'innovation, mais aussi au changement et à la prise de risque. Ce type de démarche doit, bien sûr, s'accompagner d'une forme de droit à l'erreur pour les opérationnels qui sollicitent de jeunes entreprises. Cette démarche est synonyme de changement culturel fort, dans la mesure où l'on demande aux acheteurs de rationaliser leur liste de fournisseurs, en général au détriment des petites structures, et que les autres services et les opérationnels n'ont quasiment aucun contact avec les TPE/PME.

ses lectures

Bienheureux les fêlés... : tout le monde peut créer son entreprise, Philippe Bloch, éd. Robert Laffont.

Tu seras patron, mon fils ! Olivier Basso, Philippe-Pierre Dornier, Jean-Paul Mounier, éd. Village Mondial.

parcours

Titulaire d'un DEA de finance de marché et gestion bancaire et diplômé de l'Essec, Thomas Legrain a rédigé plusieurs rapports sur l'entrepreneuriat, notamment pour la présidence du Sénat et pour l'Institut de l'entreprise. Il est également membre du groupe de travail de la loi Jacob (2005).

Il est le fondateur et Pdg de Coach'Invest, holding d'investissement spécialisée dans l'accompagnement de TPE/PME, soutenue par cinquante actionnaires, dirigeants de grands groupes. Elle accompagne les entreprises dans leur stratégie de développement commercial.

Auteur

  • Guillaume Le Nagard