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Fracture sociale ?

Demain | Chronique | publié le : 07.06.2005 | De P.-L. Chantereau

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Fracture sociale ?

Crédit photo De P.-L. Chantereau

C'est arrivé près de chez vous, disait, à peu près, un (excellent) film.

C'est vrai de bien des situations, à mon avis, sans qu'on y prête forcément assez attention.

Cette fois, le client concerné est une PME familiale (aujourd'hui, on dit patrimoniale. Mais je ne vois pas ce que ça change...) qui intervient dans un métier du second oeuvre du bâtiment. Je n'en dis pas plus, trouillard comme je suis, avec l'angoisse qu'il se reconnaisse. Dans les journaux, on dit « les prénoms sont des prénoms d'emprunt » (à qui ont-ils été empruntés ? On ne le dit jamais...).

Bref, c'est un métier où on galère plus qu'hier et peut-être moins que demain. Et on s'en plaint déjà. Dans le double registre de la nostalgie des années de démarrage et d'inquiétude des années à venir. Coupe et championnat de l'anxiété en même temps, avec des effets marquants sur les corps et les âmes.

Alors que le taux d'accidents est resté proche de zéro pendant les quinze premières années d'exercice, il grimpe un peu chaque année, et, maintenant, de manière inquiétante : un accident grave il y a huit mois avec des séquelles durables pour un des monteurs. Taux d'absentéisme en hausse également, avec deux arrêts pour «troubles de l'anxiété».

Zola au troisième millénaire ?

Qu'en dit le patron ? « Je ne maîtrise que l'interne, et encore. Mais je subis la conjoncture. Bien sûr, nous avons de réelles difficultés à trouver et produire les contrats. Notre activité de sous-traitance augmente plus que je ne souhaiterais. Mais elle nous maintient debout. Nos confrères ferment et, moi, j'embauche. Les salaires stagnent, c'est vrai. Mais les horaires de fou furieux qu'exigeait mon propre père n'existent plus. Les accidents sont beaucoup moins fréquents qu'autrefois, et plutôt moins graves. Certes, nous avons eu un coup sérieux l'année dernière. Imprévisible. Le CHS n'a retenu aucune faute ni défaillance. Non, je ne crois pas que nous soyons en train de dévisser, version chute libre irrattrapable. J'ai plutôt confiance. »

Tant mieux. Et que dit le chef d'atelier, qui exige la confidentialité ? « Tout n'est pas perdu, mais c'est devenu un métier de pauvre. Vous savez comment je le sais ? Il se trouve que mon père faisait exactement le même métier, et dans cette entreprise. J'ai pris sa suite. C'est plutôt rare, non ? Eh bien, mon père a nourri sa famille dans un niveau d'aisance que je suis incapable de retrouver, alors que ma femme travaille, ce qui n'était pas le cas de ma mère. Voilà une démonstration facile et irréfutable, non ? »

Facile, certes. Irréfutable, c'est moins sûr...

Mais, par contre, une chose m'apparaît clairement : que ce soit fondé ou non, si toute une génération a désormais l'impression que son avenir est plus périlleux que le sort de ses propres parents, on entre dans une histoire nouvelle de «fracture sociale verticale», si je peux dire, avec rupture du câble de l'ascenseur républicain, et stagnation au rez-de-chaussée. Et ça, c'est nouveau pour l'essentiel des gens. La voilà, la vraie source de la nostalgie qui pousse au repli sur soi.

Question politique ou problème de management ?

Pierre-Loïc Chantereau <www.groupe-equation.com>

Auteur

  • De P.-L. Chantereau