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Enquête

Une nouvelle responsabilite sociale de l'entreprise

Enquête | publié le : 31.05.2005 | Guillaume Le Nagard

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Une nouvelle responsabilite sociale de l'entreprise

Crédit photo Guillaume Le Nagard

Insertion, dynamisation et aide aux entreprises, accompagnement des sous-traitants locaux, préparation aux mutations économiques : si les grands groupes n'ont généralement pas attendu de bâtir une politique de responsabilité sociale pour prendre soin des communautés au sein desquelles ils sont implantés, ils commencent à développer une vision plus stratégique de leur «ancrage territorial».

«La cohésion sociale et l'équilibre des quartiers où est implanté le groupe constituent deux conditions majeures au développement économique de ses magasins » : cette conception de la responsabilité sociétale - et, en particulier, de l'ancrage territorial des entreprises -, l'un des piliers de la responsabilité sociale d'entreprise (RSE), appartient à Casino. Le groupe sait de quoi il parle, à plusieurs titres : il est sans doute, aujourd'hui, l'un des plus engagés dans la politique de développement des quartiers dits sensibles et d'accès à l'emploi de leurs habitants ; il compte aussi parmi les enseignes qui ont été largement atteintes par les émeutes urbaines, ou par des dysfonctionnements des services de la sécurité dans les centres commerciaux de Vaulx-en-Velin, Sartrouville ou Torcy.

Electrochoc

C'était fin 1990 pour les premiers d'entre eux, un électrochoc dans la société française. Des images diffusées en direct sur les chaînes de télévision. Neuf mois plus tard, était votée la loi d'orientation sur la ville. Du côté de Casino, une réflexion avait déjà commencé sur la lutte contre l'exclusion, mais ces événements ont accéléré la politique d'intégration urbaine, d'insertion et d'emploi. Le groupe a, par la suite, conclu plusieurs partenariats avec le ministère de la Ville, sur la revitalisation des quartiers, le développement de l'emploi, la médiation sociale. Et il se voit comme un acteur social et économique dans sa ville.

La démonstration vaut sans doute plus spectaculairement pour les commerces, mais beaucoup d'entreprises de tous les secteurs ont bien compris qu'elles ne peuvent vivre dans une forme d'extra-territorialité et se désintéresser de l'impact de leur activité sur les communautés auprès desquelles elles se sont implantées. Ce qui était une intuition du temps de l'entreprise citoyenne est devenu l'un des axes de la politique de RSE, certes parmi les plus difficiles à documenter. Il n'empêche, la communauté, dans les pays émergents comme en France, où elle peut se définir à l'échelle d'un quartier, d'une ville, d'un bassin d'emploi, est désormais l'un des stakeholders - ou parties prenantes - de l'entreprise.

Réseau de fournisseurs

Michelin, avec sa filiale Side, accompagne, depuis 1990, le développement de PME qui créent des emplois sur des bassins français et européens. Le groupe affiche, parmi les objectifs de cette action, le maintien d'un réseau de fournisseurs de qualité et d'un niveau d'activité économique local favorable à l'emploi des familles de ses salariés (lire p. 19). Sanofi-Aventis dispose d'une structure comparable, créée, elle aussi, il y a près de quinze ans (lire p. 18).

Qualification et insertion professionnelle

Si le développement économique local est un souci ancien, l'engagement visà-vis des communautés peut prendre bien d'autres aspects. Schneider Electric le décline largement autour des qualifications et de l'insertion professionnelle (lire p. 20). Le groupe mène, notamment, une politique d'apprentissage et de stages. « Nous accueillons 1 500 stagiaires et 600 apprentis par an, indique Gilles Vermot-Desroges, responsable RSE de Schneider. Il ne s'agit pas d'une pratique de prérecrutement, mais d'une contribution à l'acquisition de qualifications et de compétence sur un territoire, au bénéfice d'autres acteurs. » Schneider Electric consacre 3 % de sa masse salariale aux contrats d'apprentissage et s'est fixé un objectif de 95 % d'obtention des diplômes.

Quartiers «sensibles»

Autre contribution des entreprises au développement de leur territoire d'implantation : les partenariats, dans le cadre des politiques locales, autour des quartiers dits «sensibles». Outre Casino, beaucoup s'y attellent, seuls ou, plus généralement, en partenariat avec des acteurs locaux (collectivités, missions locales...).

L'Institut du mécénat social (IMS), association de grands patrons créée en 1986 par Claude Bébéar, fédère même, depuis 2003, sous le nom de Entreprises & Quartiers, une vaste action d'insertion professionnelle et de création d'activité dans les quartiers sensibles, avec une trentaine de grandes entreprises partenaires. « Cette action se déroule sur trois territoires pilotes : à Aulnay (93), à Plaine commune (93) et au Havre (76), précise Florence Beaune, responsable du programme pour l'IMS. Le dispositif vient en complément du travail des acteurs locaux, en direction des jeunes diplômés issus de ces quartiers et qui souffrent de discrimination, comme des jeunes issus des parcours d'insertion. » Parmi les actions réalisées : de la formation, des séminaires métiers, des rencontres emploi, des ateliers d'aide à la création d'entreprise, avec des professionnels des sociétés partenaires et des experts extérieurs...

Réflexion sur le «reporting sociétal»

Qui dit stratégie sociétale dit reporting des actions menées. Et là, les choses se corsent. Avec l'IMS et l'Observatoire de la responsabilité sociale des entreprises (Orse), une trentaine de groupes français ont entamé une vaste réflexion sur leur «reporting sociétal». « La construction d'une stratégie et d'un ensemble d'indicateurs pour ces entreprises est délicate et encore balbutiante », indique Natacha Seguin, de l'Orse (lire p. 21). Mais les grandes entreprises les reconnaissent indispensables : dans les pays émergents, il est difficile de se présenter comme un prédateur sur un territoire, alors que les ONG peuvent communiquer rapidement sur des mauvaises pratiques à grande échelle. Dans les zones sensibles, marquées par le chômage, les attentes des communautés sont devenues plus fortes, et le risque d'image pour l'entreprise en est largement accru.

Diversité d'actions

Les actions possibles dans le domaine sociétal, c'està- dire liées aux communautés d'implantation, sont sans doute plus diverses encore que celles liées à l'environnement ou aux salariés. Le terrain d'exercice de cette responsabilité mêle des zones ou des populations défavorisées de régions ou de pays très développés et des territoires de pays émergents.

Certaines entreprises technologiques proposent logiquement aux populations des dispositifs de transferts de savoir-faire et de compétences ; des grandes banques oeuvrent plutôt dans le micro-crédit et le soutien aux financeurs locaux de l'activité ; les distributeurs établissent des politiques responsables vis-à-vis de leurs fournisseurs... Le reporting de ces politiques est encore malaisé. Mais, alors que la RSE continue de gagner ses galons auprès des entreprises comme des investisseurs, ce volet-ci du développement durable pourrait rapidement devenir, lui aussi, un champ de mesures et d'actions indispensables pour des entreprises conscientes des risques de leur développement.

L'essentiel

1 Les communautés font partie, depuis les origines de la réflexion sur la responsabilité sociale, des «parties prenantes» de l'entreprise.

2 Les actions que mènent certains grands groupes en direction de leurs territoires d'implantation vont de la dynamisation de l'activité à l'insertion, en passant par la préparation aux mutations économiques.

3 Considérée comme un volet de la stratégie RSE, cette prise en compte du territoire demande à être mesurée. Le reporting, sur des domaines aussi variés et faisant intervenir de nombreux acteurs, est complexe.

Les indicateurs dans les rapports de développement durable

Part des achats locaux. Flux monétaires redistribués aux parties prenantes. Montant des aides financières accordées aux actions de développement économique local (DEL). Nombre de zones concernées par les actions de DEL. Nombre de programmes d'aide au DEL. Nombre de jours/hommes dédiés aux actions de DEL. Nombre de bénéficiaires des actions de DEL. Taux d'interventions en matière de DEL sur le total des interventions locales. Nombre d'entreprises locales créées/accompagnées. Taux de survie des entreprises créées/accompagnées et des emplois créés. Nombre de formations dispensées aux entreprises locales. Nombre de dossiers étudiés dans le cadre de dispositifs d'aide à la création d'entreprises. Nombre de salariés accompagnés dans le cadre d'actions d'essaimage. Nombre de projets aidés dans le cadre d'actions d'essaimage. Nombre d'emplois créés en externe. Nombre de personnes formées dans le cadre de transferts de savoir-faire.

Ces indicateurs de moyens et de résultats sont majoritairement des données brutes, livrées sans référence extérieure ni ordre de grandeur permettant de situer les données élémentaires dans un contexte.

Quelques rares entreprises proposent un suivi de l'évolution dans le temps, ou un rapport à des conditions sociales locales. Les indicateurs concernant le développement économique local ne sont produits que par un tiers des entreprises étudiées : Areva, Aventis, BAA, BAT, BP, BT, Carrefour, Co-Operative Financial Services, Crédit agricole, Dexia, Essilor, France Télécom, Gaz de France, Lafarge, Michelin, Novo Nordisk, Rabobank, Saint-Gobain, Shell, Sodexho, STMicroelectronics, Total, Veolia. Les indicateurs sont souvent assez disséminés dans différentes parties des rapports, et n'apparaissent pas clairement dans le texte, par exemple de façon visuelle (représentations graphiques).

(Source : Orse/IMS)

Auteur

  • Guillaume Le Nagard