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Les Pratiques

Un accord après dix-huit mois de crise

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 24.05.2005 | Marc Bertola

Le plan de suppressions d'emplois présenté fin 2003 par Nestlé Waters France, maison mère de Perrier, Vittel et Contrex, a été signé au printemps 2005 après un long bras de fer entre direction et syndicats. La CGT de Perrier, en première ligne dans le conflit, a fini par céder sous la pression des salariés.

Le bras de fer aura duré un an et demi. Le plan de restructuration, présenté en novembre 2003 par la direction de Nestlé Waters France, branche eaux minérales du groupe suisse, a finalement été signé début mai par la CGT de la source Perrier, le dernier syndicat qui s'opposait encore au texte. C'est l'épilogue d'un conflit riche en rebondissements, au cours duquel le ministre de l'Economie lui-même a dû jouer les négociateurs.

Accords de départs en préretraite

Fin 2003, lorsque Nestlé présente son plan, le groupe ne s'attend pas à un tel scénario. Le projet consiste alors à supprimer 742 emplois sur les 4 200 que comptent ses principales filiales françaises d'eau minérale : Perrier (Gard), Contrex et Vittel (Vosges). Aucun licenciement n'est prévu, les suppressions se feront par le biais d'accords CATS (cessation d'activité des travailleurs salariés), qui permettront aux salariés âgés de plus de 57 ans de partir en préretraite en touchant un revenu cofinancé par l'employeur et l'Etat.

Parallèlement, Nestlé veut réorganiser la production et externaliser les services périphériques (nettoyage, imprimerie, surveillance...). Objectif : améliorer la productivité, « largement en deçà de celle des autres sites du groupe », explique André Sembellie, DRH et codirecteur du site gardois.

Un climat de plus en plus tendu

Un plan de gestion prévisionnelle des emplois et des compétences (GPEC) est présenté aux syndicats. Mais, très vite, les négociations s'enrayent. La CGT, syndicat majoritaire, mène le front du refus, dénonçant un « plan social qui ne dit pas son nom ». Début 2004, les mesures CATS sont élargies aux plus de 55 ans, et concernent désormais un millier de salariés. Le climat est de plus en plus tendu : en juillet, la CGT bloque le projet en faisant jouer son droit d'opposition, dans le cadre de la nouvelle loi Fillon. La direction de Nestlé menace de vendre Perrier, principal bastion du syndicat.

Les services de l'Etat mobilisés

Devant l'ampleur du blocage, Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Economie, organise une médiation en septembre. Les services de l'Etat, en particulier le préfet du Gard, sont mobilisés pour faciliter les tractations. La CGT lève son droit d'opposition, mais refuse de signer l'accord de GPEC. Nestlé Waters France décide alors de filialiser ses sites, ce qui aura pour effet d'«isoler» Perrier du reste du groupe.

La filialisation des sites déclenche les signatures

La filialisation est engagée en janvier 2005, avec la création de Nestlé Waters Vosges (Vittel, Contrex) et de Nestlé Waters Supply Sud (Perrier). Cette stratégie se révèle payante : dans les Vosges, les syndicats et la direction signent un accord en mars, prévoyant 360 départs en préretraite CATS dès 2005 (avec 80 % du salaire), et 480 en tout d'ici à fin 2007.

Chez Perrier, la pression s'accentue sur la CGT, avec la création, fin avril, d'un collectif de salariés réclamant un déblocage de la situation. Le 2 mai, Jean-Paul Franc, représentant du syndicat, se résout à signer, « la main lourde », après une consultation du personnel qui se solde par une large majorité en faveur de l'accord. « Les salariés ont pris la mesure des menaces contre l'emploi », constate-t-il.

Le plan prévoit 356 départs en préretraite d'ici à 2007 chez Perrier (la source gardoise emploie environ 1 400 salariés). Les premiers accords CATS devraient être signés en juin. La direction ne veut plus perdre de temps : « 80 % à 90 % des départs auront lieu en 2005 », souligne André Sembellie.

Parallèlement, le travail sur les lignes de production va être réorganisé. « Nous avons fait des tests sur trois lignes d'embouteillage depuis septembre, nous obtenons une augmentation de 30 % de la productivité », explique André Sembellie. Une centaine de personnes qui étaient employées dans les services périphériques vont être formées pour travailler à la production. L'accord prévoit également le maintien des statuts collectifs (en particulier des niveaux de salaires) jusqu'en 2008.

Relancement de la production chez Perrier

Désormais, chez Perrier, le plus dur reste à faire : retrouver un climat social serein et relancer la production, au moment où démarre la saison estivale. L'accord fixe un objectif ambitieux : atteindre le milliard de bouteilles par an à l'horizon 2010 (ces dernières années, la production avoisinait les 800 millions). « Tout cela a failli coûter très cher à l'entreprise, souligne André Sembellie. A présent, nous sommes dans les starting-blocks. »

Nestlé Waters(branche eaux minérales de Nestlé)

> Effectifs : 27 600 personnes sur 109 sites.

> Effectifs Nestlé Waters France : 4 200 personnes.

> Chiffre d'affaires : 5,2 milliards d'euros.

Auteur

  • Marc Bertola