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Les Pratiques

Concilier maladie grave et maintien dans l'emploi

Les Pratiques | Point fort | publié le : 19.04.2005 | Dominique Pontvianne

Mucoviscidose, cancer, sida, hépatite, diabète... Autant de pathologies chroniques évolutives qui ont pour effet de bouleverser la vie professionnelle du salarié et de contraindre, parfois, l'employeur à aménager son poste et ses horaires de travail.

«Lorsque j'ai su que j'étais atteint d'un cancer du poumon, en 1994, j'ai vu mon patron en tête à tête pour le lui annoncer. Sa réaction a été très positive. Il estimait même que deux mois et demi d'arrêt de travail ne suffiraient pas », explique Jean-Pierre Moulin, technicien chez Market Power, une entreprise d'électronique de 150 salariés. A son retour, l'entreprise a adapté son poste de travail et mis en place un mi-temps thérapeutique. « J'ai même touché mon 13e mois en intégralité, alors que, normalement, les arrêts de travail sont décomptés dans le calcul de la prime. »

Si Jean-Pierre Moulin a été bien «traité», tous les salariés n'ont pas cette chance. La gestion de maladies chroniques évolutives posent des problèmes d'organisation aux DRH : comment garantir aux malades le maintien dans leur emploi sans perturber la bonne marche de l'entreprise ? Lorsque le licenciement est inéluctable, comment pourvoir aux besoins des malades pour leur permettre de vivre décemment ?

Il n'existe pas de remède miracle, mais un éventail de solutions pratiques qui ne lèsent personne. « Ce ne sont pas les absences prolongées qui sont les plus difficiles à gérer, mais les absences répétées dans la mesure où celles-ci sont imprévisibles. De ce point de vue, les dépressions nerveuses, qui ont tendance à se multiplier, sont sans doute les maladies les plus problématiques pour une entreprise », souligne un médecin du travail.

Effort d'information

Le sida entraîne, depuis quelques années, beaucoup moins d'absences prolongées et d'adaptation d'horaires, compte tenu des progrès thérapeutiques. Pour tous les spécialistes, la question essentielle n'est plus tellement d'ordre pratique mais d'ordre psychologique. Il faut avant tout faire un effort d'information afin d'éliminer les peurs injustifiées qui perdurent au sujet de cette maladie (transmission par la salive, le toucher...) et éviter toute forme de rejet des malades de la part des salariés qui les entourent. « D'où l'importance de communiquer en interne. De provoquer des réunions pour expliquer ce qu'est le sida et comment il se transmet, explique Sandie Sempé, coordinatrice du projet «maladies chroniques évolutives et milieu de travail» au sein de l'association Aides. La façon de percevoir la maladie n'a pas évolué malgré les années. »

Pour preuve, l'expérience d'Eliance Autoroutes, une filiale du groupe Elior dont l'activité est la restauration sur autoroutes. Les partenaires sociaux de l'entreprise avaient négocié un avenant à l'accord d'entreprise, début 2005, en faveur de l'emploi des travailleurs handicapés, officialisant la création d'un «correspondant santé» dans l'entreprise. Lequel devait être Jean-Paul Marquès, délégué syndical CFDT. « L'objectif était de trouver des solutions pour maintenir dans son emploi les salariés atteints d'une maladie évolutive. Il s'agissait aussi, explique-t-il, de faciliter la réorientation des salariés malades et de mettre en relation toutes les structures concernées : salariés, CHSCT, médecin du travail, assistante sociale, DRH... »

Lutter contre les préjugés

L'accord était prêt à être signé, mais au dernier moment, la maison mère a interdit à sa filiale de parapher le texte sous prétexte que l'avenant était également signé par Aides, dont le rôle consistait à former succinctement le «correspondant santé» sur toutes les maladies chroniques évolutives. « Elior a craint pour son image de marque, croyant que les clients penseraient que le personnel était atteint du VIH », regrette Jean-Paul Marquès. Une décision pour le moins surprenante, dans la mesure où les enseignes sur les autoroutes ne portent pas le nom d'Eliance et que, par ailleurs, le nom d'Elior figurait sur les cartons d'invitation lors d'un dîner de gala organisé dans un de ses restaurants pour les 20 ans de Aides ! C'est pour lutter contre ces préjugés que cette association vient de mettre en place un site Internet* qui permet de recueillir des informations sérieuses sur le virus du sida.

Maintien du salaire

A la SMBTP (170 salariés), Dominique Tchivitdji, le DRH, est confronté à deux cas de cancers par an, en moyenne. Dans cette mutuelle, le personnel est majoritairement féminin, d'où un risque d'apparition de cas de cancer du sein. « Ce type d'affection, explique-t-il, entraîne généralement un arrêt de longue durée. Nous maintenons le salaire dans son intégralité jusqu'au 91e jour d'arrêt de travail, en récupérant parallèlement les indemnités journalières versées par la Sécurité sociale. Ensuite, notre organisme de prévoyance prend le relais et assure la compensation du salaire pendant trois ans. »

Au retour du salarié, l'entreprise est parfois dans l'obligation de changer son affectation. Ce fut le cas pour une employée dont le traitement pour soigner son cancer avait fait grossir le bras. Comme elle ne pouvait plus écrire, elle a été affectée à l'accueil. Pour les personnes qui subissent des chimiothérapies, et qui ont besoin de repos après chaque traitement, la mutuelle propose des horaires à la carte. Malheureusement, ce type de solution n'est pas toujours possible et, cette année, l'entreprise doit licencier une salariée de 39 ans, atteinte d'une sclérose en plaques. Le médecin du travail l'a déclarée inapte à tout poste de travail. « Mais, grâce à notre contrat de prévoyance, elle pourra toucher presque l'intégralité de son salaire et la société va lui donner un plus pour qu'elle puisse financer un fauteuil électrique, précise Dominique Tchivitdji. Ces longues maladies prennent «aux tripes». Nous essayons toujours d'enlever au malade tout souci financier, sans pour autant que cela nuise à l'activité de la société. »

* < http://aidesrumeurs.free.fr >

Auteur

  • Dominique Pontvianne