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Les Pratiques

Un atterrissage difficile pour les ex-Air Littoral

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 12.04.2005 | Marc Bertola

Environ un salarié d'Air Littoral sur deux a trouvé une solution de reclassement. Le dossier a mobilisé des aides publiques importantes. Cependant, de nombreuses personnes restent en situation précaire.

Début 2004, le crash de la compagnie montpelliéraine Air Littoral avait entraîné 850 licenciements*. Un an plus tard, la cellule de reclassement, confiée au cabinet Arcade, a achevé sa mission. Bilan : sur les 772 salariés inscrits à la cellule, 53,2 % ont trouvé une «solution de reclassement» - CDI (29 %), CDD de plus de six mois, formation longue ou création d'entreprise. L'Etat, qui a entièrement financé l'action de la cellule, a également versé 58 ATD (aides temporaires dégressives).

Crise des métiers de l'aérien

« Malgré les difficultés, le taux de reclassement est satisfaisant », juge André Cano, directeur départemental du travail de l'Hérault. Il est vrai que le cabinet Arcade n'a pas eu la tâche facile. D'abord, en raison de la crise de l'aérien : la faillite d'Air Littoral arrivait, en effet, après celles d'Air Lib, d'Aeris, d'Euralair... Des centaines de pilotes, stewards, hôtesses et personnels au sol étaient déjà sur le marché du travail. A Montpellier, berceau de la compagnie (458 salariés inscrits à la cellule locale), le contexte était encore plus difficile : le Languedoc-Roussillon souffre d'un fort taux de chômage (plus de 13 %) et n'offre guère de débouchés dans les métiers de l'aérien. Or, « en dehors des pilotes, la mobilité a été assez faible chez les salariés, très ancrés dans leur région », constatet-on chez Arcade.

Autre difficulté : le conseil régional du Languedoc-Roussillon, qui s'était engagé à faire un effort pour financer les formations, a changé de majorité au printemps 2004. La nouvelle équipe a tenu les engagements, mais l'alternance politique a causé des retards dans les financements.

Aucun traitement de faveur chez Air France

De plus, certains salariés ont adopté une position d'attente, plaçant leurs espoirs dans des «projets de relance» de la compagnie, qui n'ont toujours pas abouti. « Les gens ont eu beaucoup de mal à tourner la page », explique une ancienne salariée. Autre espoir déçu : lors de la liquidation, le gouvernement disait avoir « engagé des discussions avec Air France » pour que la compagnie nationale facilite le recrutement d'anciens d'Air Littoral. En réalité, les personnes qui ont pu décrocher un contrat chez Air France ou dans ses filiales, Britair et Regional Airlines (52 au total, dont 17 pilotes, selon le bilan d'Arcade à mi-mars), n'ont bénéficié d'aucun traitement de faveur et ont passé les tests de sélection habituels.

Les personnels au sol, en particulier les administratifs, ont eu moins de difficultés à se reclasser en se tournant vers les gisements d'emplois locaux (administration des PME, tourisme, fonctions commerciales...).

Les reconversions ont été soutenues par la région Languedoc-Roussillon, qui a mis en place un dispositif d'aide individuelle à la formation (avec une enveloppe pouvant aller jusqu'à 4 000 euros par salarié). Au total, 264 stages ont été financés pour un coût de plus de 600 000 euros (environ 500 000 euros pour la région et 110 000 euros pour l'Europe, via le FSE). Certains salariés se sont reconvertis dans l'expertise immobilière, la boulangerie, l'ébénisterie ou même le toilettage pour chiens.

Fortes baisses de salaire pour des pilotes

Le cas des pilotes (230 inscrits à la cellule) a été particulièrement délicat : faute de perspectives en France, beaucoup ont dû s'exiler pour trouver du travail en Irlande, en Allemagne, aux Emirats, et même au Népal. Au total, une centaine de pilotes auraient trouvé des solutions de reclassement, souvent grâce à leurs propres réseaux. Mais la majorité a dû accepter des contrats temporaires avec de fortes baisses de salaire. « Les pilotes se sont retrouvés dans une précarité épouvantable », souligne-t-on à l'Association de défense du personnel d'Air Littoral (Adpal). Certains ont pu se former au pilotage de nouveaux avions, mais les tarifs sont élevés : entre 20 000 et 60 000 euros. Des cofinancements région-Europe ont permis de payer 17 formations de ce type à hauteur de 75 %. Mais ils étaient soumis à une condition : avoir une promesse d'embauche.

Départ de savoir-faire vers l'étranger

« Les gens de la cellule se sont vraiment bougés. Des moyens ont été mis en oeuvre. On n'a pas été laissés pour compte », estime Franck Souvignier, ancien pilote d'Air Littoral. Mais, ajoute-t-il, « les grandes promesses politiques à propos d'Air France n'ont pas été tenues. On a le sentiment que le secteur aérien français, en dehors d'Air France, a été sacrifié. Résultat, le savoir-faire des gens d'Air Littoral part à l'étranger ».

* Sur l'ensemble du groupe Air Littoral, y compris sa filiale Air Littoral Industrie. Deux vagues de licenciements ont eu lieu : en décembre 2003 (250 personnes), puis en février 2004 (600 personnes).

Auteur

  • Marc Bertola