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Les saisonniers, bientot des salaries a part entiere ?

Enquête | publié le : 12.04.2005 | Céline Lacourcelle

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Les saisonniers, bientot des salaries a part entiere ?

Crédit photo Céline Lacourcelle

Longtemps ignorés, les salariés saisonniers sortent peu à peu de l'ombre. Incontournable pour certaines économies locales liées à l'agriculture et au tourisme, cette main-d'oeuvre commence à être prise en compte. Emploi, droits sociaux, logement... Une dynamique est enclenchée.

Précaires, faiblement qualifiés, rémunérés au Smic, exposés à des cadences élevées... Le sort des salariés saisonniers commence peu à peu à attirer l'attention. « En effet, une prise de conscience relativement récente est en route », observe Daniel Meyer, directeur de l'agence ANPE d'Albertville, collectant, chaque année, 12 000 offres d'emploi, dont 70 % concernent une activité saisonnière. S'il n'y a pas de statistiques officielles, on évalue toutefois leur nombre, dans le tourisme, à environ 600 000, soit quelque 200 000 équivalents temps plein. A ceux-ci s'ajoutent les effectifs prêtant main forte à l'agriculture. Là encore, aucun chiffrage précis, si ce n'est celui de l'Office des migrations internationales, qui a enregistré la venue de 14 220 saisonniers étrangers en 2003. Et c'est sans compter les quelques milliers d'autres non déclarés. Selon une enquête, réalisée à l'été 2000, par la Jeunesse ouvrière chrétienne auprès de 500 saisonniers, un quart de l'échantillon n'avait signé aucun contrat de travail.

Pas de prime de précarité

Au-delà du problème social, l'existence des travailleurs saisonniers embauchés en contrat à durée déterminé - mais qui ne touchent pas la prime de précarité -, interpelle. L'activité des zones touristiques repose, en effet, en grande partie, sur cette main-d'oeuvre temporaire. Pas étonnant, donc, que les premiers efforts aient porté sur la mise en relation de l'offre et de la demande d'emploi. Elle est, aujourd'hui, bien rodée, d'après les taux de fréquentation des forums et autres bourses à l'emploi saisonnier, organisés dans les stations (lire p. 17) par les services publics de l'emploi et par les élus.

Ainsi, la 10e Bourse aux emplois saisonniers d'Argelès (Pyrénées-Orientales) a permis, en 2004, à une centaine d'employeurs de proposer 700 offres ; 70 % étant satisfaites le jour même. Le forum annuel régional de l'hôtellerie-restauration d'Aix-les-Bains (Savoie) attire, quant à lui, en moyenne, par saison d'hiver, 150 employeurs pour 3 000 postes.

Echanges entre sites

Ces initiatives se sont, depuis peu, sophistiquées, en permettant un échange de saisonniers entre sites. Un moyen pour ces salariés d'assurer une continuité entre deux saisons (lire p. 14). L'ANPE, également, propose sur son site Internet des offres dédiées à cette population. Au total, 250 000 offres d'emploi de ce type transitent chaque année par ses services. « Nous intervenons, en effet, sur les ressources humaines. Mais, avec les saisonniers, les ressources humaines seules n'ont pas de sens », précise Daniel Meyer.

Maison des saisonniers

En 2000, Michelle Demessine, alors secrétaire d'Etat au Tourisme, avait lancé l'idée de la Maison des saisonniers (lire p. 16), qui devait s'installer dans tous les pôles touristiques. Sa vocation : informer les personnels de leurs droits et accueillir des permanences de différents services, comme la médecine du travail ou l'inspection du travail. Cinq ans après, on en compte une quinzaine seulement.

Certaines organisations syndicales, comme la CFDT et la CGT, ont, à leur manière, comblé le manque en éditant des guides des saisonniers, recensant droits et coordonnées utiles afin de sensibiliser les intéressés. « Depuis cet hiver, nous allons davantage à la rencontre de ces salariés en nous déplaçant, par exemple, sur les forums. Nous nous sommes, par ailleurs, lancé dans l'évaluation sociale des stations touristiques - une dizaine, cette année. Pour chacune, nous dressons une fiche qui fait le point des infrastructures et des mesures réservées aux saisonniers (parking, logement, Maison des saisonniers...) afin de créer un guide des pratiques en France », explique Jérôme Morin, en charge de la question à la CFDT.

Site Internet

La CGT, quant à elle, a investi ce champ depuis quatre ans environ. « Nous proposons des points de rencontres, nous nous déplaçons sur les plages et dans les ANPE, énumère Jacques Tord, conseiller confédéral sur les questions emploi à la CGT. Cette population très mobile n'est pas facile à suivre. C'est pourquoi nous réfléchissons, aujourd'hui, à un site Internet dédié aux saisonniers sur lequel ils pourraient réagir et échanger. »

Le secteur agricole n'est pas en reste. Le 18 juillet 2002, fédérations patronales et syndicales ont, en effet, conclu un accord national concernant les saisonniers et leur information. Au sommaire : élaboration d'un livret d'accueil remis aux salariés saisonniers faisant le point sur la durée de travail, sur la prévention et la sécurité, sur leur convention collective ; assouplissement de certaines conditions d'accès à la formation, jours de repos compensateurs... Il est même question de GPEC.

Plus récemment, c'est une loi relative au développement des territoires ruraux, du 23 février 2005, qui améliore leurs droits en matière, entre autres, de calcul de l'ancienneté, de conditions d'accès au congé individuel de formation et, plus globalement, de formation en dehors des périodes de récoltes.

Problèmes de logement

Le texte aborde également le problème du logement via certains coups de pouce fiscaux. Un sujet central dans le cas de l'emploi saisonnier : « 84 % des entreprises interrogées en Savoie se plaignent de difficultés de recrutement du fait d'absence de réponse à la question logement ; ils sont 60 % dans les Hautes-Alpes. A Lourdes et à Nice, ce sont, dans les deux villes, 400 emplois qui n'ont pas pu être pourvus », illustre Alain Simon, chargé de mission au sein de la mission interministérielle sur le logement des saisonniers. Mais, là aussi, les choses commencent à bouger. Ainsi, les partenaires sociaux savoyards se sont engagés, en décembre 2002, dans un accord interprofessionnel, à mobiliser le 1 % logement afin de construire ou de réhabiliter, en cinq ans, 2 500 logements dédiés aux travailleurs saisonniers. A ce jour, 878 places ont été financées. Un accord similaire a été signé le 17 septembre 2004 dans les Hautes-Alpes. « Il a permis d'initier trois opérations immobilières et des projets sont en cours de montage », précise le chargé de mission.

Opérations immobilières

Enfin, au niveau national, une convention entre l'Etat et l'Union d'économie sociale pour le logement a été signée, en juillet dernier, avec un objectif de construction ou de réhabilitation de 1 000 logements par an, sur trois ans, pour un budget de 30 millions d'euros. « Cette année, ce sont 1 100 places qui seront financées à travers la France. Cet accord a permis de lever des blocages et de mobiliser des fonds publics avec, en plus, une participation des entreprises à l'investissement. »

Fonds publics

Ainsi, 150 places seront livrées à La Plagne après le regroupement de 17 entreprises locales. A cela s'ajoutent diverses initiatives régionales comme celle en oeuvre depuis 2001 dans le Vercors : 50 logements y ont été rénovés par leurs propriétaires. En retour, ces derniers ont perçu des subventions pour les travaux.

Reste encore quelques sujets à aborder, comme, soulève Christian Juyaux, délégué général à la Bourse européenne emploi formation tourisme (lire l'interview p. 19), « la mise en place d'un dialogue social territorial ou la professionnalisation des saisonniers. Une dynamique est enclenchée, il faut maintenant qu'elle prenne de l'envergure ».

L'essentiel

1 Les salariés saisonniers, qui se comptent par centaines de milliers, vivent d'emplois précaires et mal rémunérés. Pourtant, ils permettent à de nombreuses économies locales d'assurer pleinement leurs saisons touristiques.

2 Le dispositif des Maisons des saisonniers, promis en 2000, dans toutes les stations touristiques, peine à s'étendre. Ce sont les syndicats qui s'imposent comme relais d'informations pour sensibiliser les intéressés sur leurs droits.

3 La question du logement, centrale pour les saisonniers, commence à mobiliser. Des accords interprofessionnels et des conventions permettent le lancement d'opérations immobilières.

L'offre d'emploi saisonnier

LES SECTEURS 41 % dans le secteur agricole et la pêche ; 25 % dans la restauration, l'hôtellerie et les cafés, bars, brasseries ; 12 % dans le commerce et l'industrie alimentaire et divers.

LES PÉRIODES 48 % des offres entre février et mai pour l'hôtellerie-restauration ; 58 % des offres entre juillet et septembre pour l'agriculture.

LES RÉGIONS Rhône-Alpes : 24 %. Pays de la Loire et Aquitaine : 20 %. Ile-de-France : 12 %. Paca : 8 %

(Source ANPE)

Auteur

  • Céline Lacourcelle