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En 2015, le risque de chômage s'aggrave pour les peu qualifiés

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 22.03.2005 | parViolette Queuniet

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En 2015, le risque de chômage s'aggrave pour les peu qualifiés

Crédit photo parViolette Queuniet

Selon le dernier exercice de prospective sur l'emploi et les qualifications du ministère de l'Education nationale, le marché de l'emploi en 2015 connaîtra peu de tensions. Les plus diplômés n'auront pas de problème majeur pour se faire recruter. En revanche, les risques de chômage s'aggraveront pour les peu qualifiés.

E & C : En 2001, la direction de l'évaluation et de la prospective du ministère de l'Education nationale alertait l'opinion sur le risque d'une pénurie de diplômés à l'horizon 2015. Aujourd'hui, vous révisez totalement cette analyse. Pourquoi ?

Claude Sauvageot : Lorsqu'en 2003, on s'est retrouvé dans une situation économique extrêmement mauvaise avec un taux de croissance du PIB très éloigné du taux de 3 % utilisé dans l'exercice 2001, nous avons commandé au Bipe (Bureau d'informations et de prévisions économiques) un nouvel exercice de prospective. Le Bipe a ainsi construit deux scénarios : l'un avec une croissance ralentie (1,5 % par an d'ici à 2015) ; l'autre avec un taux de 2 %, qui correspond à la croissance tendancielle. L'autre élément majeur qui nous a conduits à réexaminer nos hypothèses a été introduit par la réforme des retraites. Le taux de participation des 55-64 ans (c'est-à-dire leur part dans la population active) va forcément remonter, c'est même déjà fait. Il y a trois ans, nous pensions que la population active allait baisser autour de 2006-2007 ; aujourd'hui, on estime que ce sera plutôt en 2009-2010. Et, en 2015, les effectifs de la population active seront supérieurs à ceux que l'on a actuellement. Cela a une conséquence sur le taux de chômage : dans l'hypothèse où l'âge de départ effectif à la retraite passerait à 60 ans (contre 58 actuellement), le taux de chômage s'élèverait, en 2010, à 9,4 %.

E & C : Que se passera-t-il pour les sortants du système éducatif ?

C. S. : Si l'on se concentre sur le scénario à 2 %, les besoins totaux en recrutement de jeunes s'échelonnent de 560 000 à 650 000 par an, soit un niveau moyen proche de la valeur moyenne observée sur la période 1990-2002. Il n'y aura donc pas de tensions sur les volumes de sortants avec un haut niveau de formation. C'est bien différent des résultats de l'exercice précédent, qui, avec un taux de croissance à 3 %, arrivait à la conclusion que les diplômés du supérieur seraient en nombre insuffisant. Cela dit, ils ne rencontreront pas de difficultés majeures pour être embauchés. Les diplômés bac + 2 pourraient même être en légère insuffisance par rapport à la demande des entreprises. Ce sont les diplômés de niveau inférieur, beaucoup plus nombreux, qui subiront de grandes difficultés. Ils seront confrontés à la concurrence des plus diplômés. Le scénario à 1,5 % est encore plus terrible, car le volume d'emplois va se rétrécir et le phénomène de concurrence sera d'autant plus important. Autre facteur de risque pour ces non-qualifiés : on est très loin d'avoir une bonne articulation entre le niveau de diplôme et le niveau d'insertion, et une part des jeunes diplômés seront - ils le sont déjà - recrutés à des postes non conformes à leurs qualifications.

E & C : Dans le scénario optimiste de 2001, vous concluiez à la nécessité d'élever le niveau de diplôme des sortants du système éducatif. Quelle est votre préconisation aujourd'hui ?

C. S. : Avec des résultats différents, cet exercice de prospective n'en arrive pas pour autant à la conclusion opposée, mais à exactement la même. Il serait dangereux de délivrer un message qui irait dans le sens d'une baisse, ou du moins, d'une stagnation du niveau. Je fais beaucoup de comparaisons internationales, et je constate que la France n'est plus très bien placée en termes de niveau de sortie du système éducatif. L'Espagne, par exemple, est plus performante. De plus, n'oublions pas que le niveau d'éducation est, à moyen terme, un facteur important de croissance. Je pense, d'ailleurs, que ces travaux ont montré tout l'intérêt de réaffirmer, dans la loi d'orientation, un certain nombre d'objectifs plutôt ambitieux pour le système éducatif.

E & C : L'Education nationale n'est pas seule responsable de l'insertion des jeunes sur le marché du travail. Quel rôle peuvent jouer les entreprises ?

C. S. : En effet, les sortants du système éducatif ne représentent que 12 % à 13 % des embauches (30 % pour ceux qui sont sortis depuis moins de cinq ans). Cela remet les choses en perspective. Cela signifie que les politiques de GRH sont, elles aussi, concernées, en particulier dans la gestion prévisionnelle des promotions internes et des formations.

Il faut donc que les branches professionnelles réalisent, de leur côté, des travaux prospectifs. La création des observatoires prospectifs de branche est en cela une bonne chose et nous sommes tout à fait intéressés par des partenariats avec eux. Nous sommes prêts à affiner nos travaux avec les branches car, si l'on veut progresser, chacun doit s'approprier cette réflexion sur les emplois et les qualifications.

Tao Te Ching, Lao Tseu, PUF, 2003.

Fondation, Isaac Asimov, Pocket, 1998.

La fausse conscience, Joseph Gabel, Éditions de Minuit, 1962.

parcours

Secrétaire général du Haut comité éducation-économie-emploi et chef de la mission du même nom à la Direction de l'évaluation et de la prospective (DEP) du ministère de l'Education nationale, Claude Sauvageot a effectué une grande partie de sa carrière à l'Education nationale.

Il coordonne les études prospectives menées avec le Bipe (Bureau d'informations et de prévisions économiques). La dernière, intitulée L'emploi en France à l'horizon 2015, est parue dans le n° 155 des Dossiers éducation et formation de la DEP.

Il travaille également avec l'Unesco et l'OCDE sur les questions d'éducation. Il est, par ailleurs, professeur associé en sciences de l'éducation à Paris-5.

Auteur

  • parViolette Queuniet