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Quels coûts représente le stress en entreprise ?

L'actualité | L'événement | publié le : 15.03.2005 | Emmanuel Franck

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Quels coûts représente le stress en entreprise ?

Crédit photo Emmanuel Franck

Le stress, reconnu au niveau européen comme risque professionnel, vient de faire l'objet d'une étude qui propose une méthode originale de calcul des coûts du stress pour les entreprises, et de leur impact sur les résultats financiers.

CM-CIC Securities, la société de Bourse du Crédit mutuel, et Creci Consultants, cabinet spécialisé dans le conseil en management, ont rendu publique, le 4 mars, une étude intitulée Stress : la tension monte. L'ambition de cette étude, qui s'adresse d'abord à des investisseurs, est de matérialiser les coûts du stress et leur impact sur les résultats des entreprises. Si la méthode est originale, elle n'apporte pas de conclusions définitives sur un sujet difficile à appréhender d'un point de vue financier. La pression des investisseurs sur les résultats étant, en soi, une cause de stress.

Coûts cachés

CM-CIC Securities et Creci distinguent, ainsi, six types de «coûts cachés» du stress. Les premiers, et les seuls réellement chiffrables, sont les «coûts organisationnels directs», c'est-à-dire ceux générés par l'absentéisme. Ils sont évalués entre 0,1 % et 2,3 % de la masse salariale. « Mais l'impact sur le résultat financier doit encore être mis en regard du poids des salaires dans les charges totales », expliquent les auteurs.

Déresponsabilisation

Les autres coûts distingués par l'étude reposent sur des hypothèses. Les «coûts d'assurance et de sécurité sociale» sont variables selon qu'ils sont supportés par les employeurs ou par la collectivité et les individus. « Nous pensons que, pour l'instant, le fardeau repose encore massivement sur la collectivité, déresponsabilisant aussi bien les entreprises que les salariés », regrettent les auteurs.

Ce fardeau coûte aux pays européens entre 0,5 % et 3,5 % de leur PIB. Mais « la fréquence avec laquelle les institutions européennes et nationales réagissent désormais à l'évolution du stress et de ses conséquences économiques devrait conduire à un système plus responsabilisant pour les employeurs, à un horizon de trois à cinq ans ».

Reconnaissance d'un risque professionnel

Le 8 octobre 2004, les partenaires sociaux se sont entendus, au niveau européen, pour reconnaître que le stress est un risque professionnel. Pour les auteurs, cet accord « pourrait, à terme, ouvrir la voie à une plus grande réintégration [des coûts] par les entreprises ». Ils estiment, cependant, que le stress n'est pas encore près d'être reconnu comme maladie professionnelle, ce qui ouvrirait la voie à des indemnisations. « En ce sens, le stress ne devrait pas être le nouvel amiante des vingt prochaines années », relève l'étude.

Des «coût juridiques» du stress pourraient également apparaître, mais, là encore, et pour la même raison, à moyen terme. « Rien ne se passera avant un délai de trois à cinq ans », pronostique Valéry Lucas-Leclin, de CM-CIC Securities, l'un des auteurs de l'étude.

Coût juridique potentiel pour l'entreprise

Mais après ? L'étude évalue à 1,2 % de la masse salariale le coût juridique potentiel du stress pour une entreprise française, en tenant compte de la proportion de salariés en état de dépression, de celle des salariés dépressifs pour des causes exclusivement professionnelles, de la probabilité qu'ils poursuivent leur entreprise et qu'ils remportent leur procès...

Par ailleurs, une réputation d'«entreprise à stress» induirait des «coûts de réputation», puisqu'elle nuirait à sa capacité de recrutement et de fidélisation. Dans l'état actuel du marché du travail, l'étude estime, cependant, que ce coût est «encore minime et peu évaluable».

Tension sur les performances

Le stress induit, également, des «coûts organisationnels indirects», c'est-à-dire pesant sur l'organisation elle-même. « La variation du niveau de stress est certainement, plus que le stress lui-même, un indicateur de la tension sur les performances et des limites de l'organisation pour atteindre ses objectifs », relève l'étude, qui estime que, « pour l'investisseur, c'est donc un élément d'incertitude à prendre en compte ».

Enfin, les «coûts décisionnels», résultant «des mauvais choix réalisés par un décideur dans un contexte de stress élevé», « sont les plus difficiles à estimer de tous ». Les auteurs distinguent cependant des fonctions et des métiers à risque. C'est le cas de «toutes les fonctions de direction et d'encadrement supérieur», et des «métiers liés à la gestion d'actifs à forte valeur» : par exemple, pilote de ligne, contrôleur aérien, métiers de la finance de marché...

Valéo : les limites du management par le stress

L'équipementier automobile Valéo est réputé pour son management par la fermeté. En partant de l'hypothèse que cette politique délibérée est fortement génératrice de stress, les auteurs de Stress : la tension monte ont tenté de faire le lien avec les performances de l'entreprise entre 1987 et mars 2001, période durant laquelle Noël Goutard en fut le Pdg à poigne.

Sur cette période, Valéo a obtenu de très bons résultats boursiers. En revanche, ses résultats baissent à partir de 2001. L'hypothèse des auteurs est donc que « le management par le stress est moins performant en période de ralentissement économique », car les salariés sont moins prêts à accepter un niveau de stress élevé du fait de l'absence de compensations financières.

D'autre part, « en période de ralentissement économique, les marges de manoeuvre sont probablement plus faibles que dans une entreprise normale ». « Une entreprise qui manage par le stress et n'accorde pas de deuxième chance ne peut que rencontrer des difficultés à innover », relève, pour sa part, Valéry Lucas-Leclin, l'un des auteurs de l'étude.

Les cadres toujours sous tension

Le dernier «Baromètre stress»* des cadres, publié par la CFE-CGC et Opinionway, le 9 mars, fait état d'une stabilité du stress chez les cadres. Ils attribuent à leur travail une note de stress de 6,2 sur 10, contre 6,3 en septembre.

Les symptômes du stress sont en baisse : 30 % des cadres songent à quitter leur travail pour cause de stress, contre 37 % il y a six mois ; 46 % (contre 49 %) souffrent de mal de dos ; 41 % (stable) souffrent de maux de tête ; 60 % (contre 63 %) s'inquiètent de leur situation professionnelle ; et 46 % (contre 56 %) se sentent découragés à cause de leur travail.

En revanche, ils sont de plus en plus nombreux à avoir du mal à concilier vie professionnelle et vie privée : 58 % contre 52 % précédemment.

* Enquête réalisée entre le 11 et le 17 février auprès de 1 168 cadres français.

Auteur

  • Emmanuel Franck