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L'essaimage se professionnalise

Les Pratiques | Point fort | publié le : 08.03.2005 | Céline lacourcelle

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L'essaimage se professionnalise

Crédit photo Céline lacourcelle

L'essaimage continue de mobiliser les entreprises. Les principales utilisatrices de ce dispositif l'encadrent de principes déontologiques et privilégient la création d'entreprise «à froid». Reste, aujourd'hui, à démocratiser l'outil.

L'essaimage, une pratique en perte de vitesse ? Certainement pas, si l'on en croit les dernières statistiques fournies par l'association Diese (Développement de l'initiative et de l'entrepreneuriat chez les salariés), structure créée en 2000 par huit grands groupes utilisateurs d'un tel dispositif.

« Les politiques existantes ont, ainsi, soutenu la création de plus de 1 400 entreprises. Nouvelles entreprises qui ont, à ce jour, créé plus de 2 200 emplois », avance Patrice Simounet, président de l'association. Mieux, l'essaimage se professionnalise, selon les spécialistes du sujet. Pour preuve, les praticiens de l'essaimage ont participé, dans le cadre de Diese, à l'élaboration d'une charte destinée à donner un cadre déontologique à leur politique.

Secret absolu

Parmi les principes clés, celui de respecter une totale confidentialité concernant les projets des salariés-créateurs. Jean-Noël Douchement, directeur du développement de l'emploi à la DRH de Sanofi-Aventis, y tient : « Nous pensons que protéger le salarié durant la période de maturation de son projet est essentiel. Ainsi, il ne risque pas d'être écarté de la vie de son service. Et, par ailleurs, il peut poursuivre normalement ses activités si, d'aventure, son projet n'aboutit pas ». D'ailleurs, les différentes rencontres entre Marie-Françoise Torre, responsable essaimage du groupe, et les salariés peuvent avoir lieu hors site et hors temps de travail, très tôt ou très tard. Aujourd'hui, Sanofi-Aventis comptabilise plus de 300 essaimages, ayant permis de créer plus de 1 100 emplois.

La charte exige également la mise à disposition des meilleurs avis qualifiés lors de l'accompagnement du porteur de projet. Chez Schneider Electric, les salariés désireux de devenir entrepreneurs (le premier d'entre eux s'est fait connaître en 1994, 415 autres ont suivi) sont orientés vers Didier Gouesbet, directeur du développement local. « Un travail de fond sur le projet et sur sa viabilité est réalisé au travers d'un processus structuré, prévoyant, entre autres, l'intervention d'analystes financiers », explique-t-il. Pour sa part, Jean-Noël Douchement sollicite en interne, et selon le dossier à étudier, les spécialistes des questions fiscales, juridiques, sociales et de propriété intellectuelle. Aujourd'hui, certaines entreprises réfléchissent à élargir ce soutien expert.

Le parrainage de seniors

Total envisage, ainsi, de faire entrer dans la boucle l'ensemble des institutionnels du développement régional. « Nous pensons aussi enrichir notre accompagnement d'un parrainage. Un salarié du groupe pourrait, ainsi, à la demande, guider le porteur de projet dans ses premiers pas », présente Guy Sallavuard, directeur du développement régional. Cette idée est aussi celle de Didier Gouesbet : « Le parrainage augmente les chances de succès, car le parrain rompt l'isolement du chef d'entreprise. » Tous deux pensent réserver ce rôle à des seniors, retraités ou pas.

Autre signe permettant de penser que l'essaimage entre dans l'âge de raison : la prédominance des essaimages offensifs ou à «froid» sur les défensifs ou «à chaud», réalisés dans des contextes de sureffectifs ou de restructuration. « Dans le milieu des années 1980, les politiques d'essaimage de certaines entreprises ont été appréhendées comme un outil de reconversion complémentaire aux autres dispositifs mis en place dans le cadre de plans sociaux. Le retournement en faveur de l'essaimage à froid date du milieu des années 1990 », détaille Patrice Simounet.

Plusieurs accords collectifs

Et la pratique a plutôt bonne presse auprès des organisations syndicales. Un rapport présenté par Gérard Husson, expert auprès de la Mission interministérielle sur les mutations économiques (Mime), au ministre délégué aux Petites et moyennes entreprises, au Commerce, à l'Artisanat et aux Professions libérales et à la Consommation, en avril dernier, énumérait les différents accords collectifs en la matière, comme celui sous forme d'une charte en vigueur chez Aventis, et datant de Rhône-Poulenc (1985), l'accord de méthode d'EADS ou celui sur la mobilité d'EDF.

Négociation chez Total

Dernier en date à mettre ses engagements en scène, Total, qui placera l'essaimage au coeur des premières négociations de sa plate-forme sociale européenne, créée le 22 novembre 2004 par accord avec les organisations syndicales européennes (EMCEF, Feccia et Fecer). « Jusqu'à présent, l'essaimage était une pratique française. Total a, ainsi, accompagné 331 entreprises. Nous avons le projet de donner un nouveau cadre à l'essaimage, ordonné à l'échelle du groupe. Les grands principes de la politique devraient faire l'objet de discussions avec les interlocuteurs européens afin de permettre, ensuite, aux différents pays de les décliner selon leur législation », explique Guy Sallavuard, directeur du développement régional.

Pour les entreprises, une conclusion s'impose : l'essaimage est devenu, dans les grands groupes, un outil au service des directions des ressources humaines et de leur gestion des ressources humaines. Il deviendrait même un argument de séduction dans leur recrutement. D'ailleurs, Jean-Noël Douchement considère que « la reprise ou la création d'entreprise constitue un développement de carrière légitime ».

Des entreprises plus pérennes

De plus, la recette fonctionne bien. La pérennité des entreprises créées dans le cadre de pratiques d'essaimage est globalement supérieure à celle des entreprises créées de manière classique. Selon l'enquête Diese, 86 % des entreprises ayant vu le jour en 2002 sont toujours en activité quand la moyenne nationale tourne autour de 75 % au bout de deux ans d'activité, de 63 % après trois ans et de 56 % après quatre ans*.

Prochaine grande étape : la démocratisation de cet outil. « Il y a une véritable demande de la part des PME de faire bénéficier leurs salariés de tels accompagnements. Nous réfléchissons aujourd'hui à une coopération entre les grandes entreprises, les organisations professionnelles et les collectivités territoriales afin qu'il puisse y avoir un transfert de certains de leurs moyens et de leurs savoirfaire aux entreprises intéressées », évoque Patrice Simounet.

Reste quelques freins, signalés, entre autres, dans le rapport Gérard Husson. Par exemple, il n'existe aucune procédure de départ pour les salariés créateurs, autre que la démission. Ce qui conduit les entreprises à opérer avec ces derniers des transactions qui ne sont, en fait, qu'une procédure de licenciement détournée. A cela, Patrice Simounet ajoute le manque de clarté des aides financières qu'une entreprise peut apporter à un salarié créateur.

* Enquête Insee-Sine.

L'essentiel

1 L'essaimage est une pratique qui continue de mobiliser les entreprises, soucieuses d'affiner leur dispositif et de le faire partager aux plus petites.

2 Preuves de la professionnalisation de cet accompagnement : l'existence d'une charte déontologique et la prédominance des essaimages offensifs sur les défensifs.

3 Le système mérite, selon les praticiens, d'être amélioré, avec la mise en place, entre autres, d'une procédure de licenciement ad hoc.

Auteur

  • Céline lacourcelle