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Les Pratiques

L'égalité professionnelle reste encore à négocier

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 01.03.2005 | Frédérique Guénot

Depuis près de dix ans, IBM affirme son engagement en faveur de l'égalité hommes/femmes, au travers de son programme «diversité» et de la mise en place du réseau «Elles». Malgré tout, l'entreprise reste sur la sellette en raison de pratiques discriminatoires.

«Si l'égalité hommes-femmes est historiquement une stratégie d'IBM, c'est à présent une priorité intégrée au sein de la politique de diversité », assure Christine Petit, en charge du programme «diversité et inclusion» auprès de la DRH d'IBM France. Créé en 1996, sous l'impulsion de Lou Gerstner, alors président d'IBM Corp., ce programme vise à intégrer et à valoriser les différences (sensibilisation du personnel, formation, aménagement du temps de travail...).

Trois grands chantiers

Cette politique a été complétée par le réseau Elles, structure indépendante créée en 1999 par 25 salariées, sous l'impulsion de l'European Women Leadership Council, comité interne chargé de soutenir le développement des femmes au sein d'IBM, celles-ci représentant 28 % des salariés. Objectif : garantir aux femmes les mêmes possibilités de promotion que celles des hommes, ainsi que des conditions de travail permettant de trouver un équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Ce réseau a lancé trois grands chantiers : «communication», pour valoriser les talents féminins ; «plan de carrière», pour aider les femmes à mieux gérer leur carrière (retour des congés maternité, temps partiels...) ; et le chantier «emplois familiaux» pour gérer l'équilibre vie privée/vie professionnelle. Le réseau Elles a ainsi organisé, en novembre dernier, à Paris, la conférence Women in Technology, afin de présenter ses actions auprès des écoles et des universités. Il multiplie, par ailleurs, les opérations de coaching et de mentoring et a mis en place, en 2003, l'extranet «équip@ge», qui propose des solutions pour faciliter la garde d'enfants et de personnes à charge. Un accord a, par exemple, été signé avec la Fepem (Fédération des particuliers employeurs) pour apporter un support juridique lors du recrutement d'aides familiaux.

Des contradictions

Malgré tout, « si le réseau Elles sait poser les enjeux, il reste beaucoup à faire », insiste Annick Mathieu, l'une des fondatrices du réseau. A titre de résultat, IBM annonce que la compagnie compte 30 % de femmes en 2003 (cadres à 71 %, dont 20 % de managers et 17 % de cadres dirigeants), contre 20 % en 1999, et qu'elles sont très présentes dans la hiérarchie d'IBM France. Mais, en interne, les appréciations sont plus sévères. La CFDT ne se prive pas de rappeler les cas de discrimination sexiste et les condamnations qui ont suivi, fait rare en France (lire encadré). Jean-Michel Daire, délégué syndical CFDT, souligne également les contradictions d'IBM, « exigeant une politique de disponibilité totale, difficilement compatible avec les obligations familiales. La population féminine avait ainsi fléchi en 2002, année où IBM a licencié de nombreux salariés n'ayant pas la disponibilité requise (2 100 départs, dont 295 licenciements). Enfin, la rémunération des femmes est inférieure de 22 % à celle des hommes. » Aussi, lors du CCE des 23 et 24 juin 2004, le syndicat a réclamé des mesures concrètes pour assurer l'égalité professionnelle. Le 25 novembre, IBM a accepté l'ouverture de négociations en vue d'un accord sur le sujet, nécessaire à l'obtention du label Egalité. Mais la CFDT exige également un plan de rattrapage spécial, s'ajoutant au plan salaire annuel, qui permette aux salariées de retrouver un niveau de carrière et de salaire comparable à celui de leurs collègues masculins.

Des revers judiciaires pour IBM

« A IBM, le problème de la discrimination est récurrent, rappelle Jean-Michel Daire, délégué syndical CFDT. Les premiers exclus sont les femmes et les syndicalistes. » Le cas le plus exemplaire reste celui de Florence Buscail. Embauchée en 1985 comme agent technique à Montpellier, au sein d'une équipe de vingt personnes aux compétences identiques, elle est restée onze ans au même coefficient sans augmentation de salaire, contrairement à ses homologues masculins, qui ont vu leur rémunération grimper de 30 % sur la même période.

Epaulée par la CFDT, elle a porté plainte pour discrimination et obtenu gain de cause en 2003. Durant le procès, IBM a refusé de produire les documents sur les évolutions de carrière, mais la cour d'appel de Montpellier a ordonné le passage de Florence Buscail au statut cadre et le versement de dommages-intérêts. IBM ne l'ayant pas augmentée et refusant de payer les arriérés, la CFDT a de nouveau saisi la justice.

En juin 2003, quatre militants CFDT ont, par ailleurs, gagné en référé, à la cour d'appel de Versailles, leur procès contre IBM, accusée de discrimination syndicale et sexiste pour deux des plaignantes. Les prud'hommes de Nanterre seront appelés, début 2006, à confirmer le jugement sur le fond.

ibm

> Activité : services et matériel informatiques.

> Effectifs : 319 000 salariés, dont 12 700 en France.

> Chiffre d'affaires : 89 milliards de dollars en 2003.

Auteur

  • Frédérique Guénot