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Développer l'actif des salariés comme celui de l'entreprise

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 01.03.2005 | Pauline Rabilloux

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Développer l'actif des salariés comme celui de l'entreprise

Crédit photo Pauline Rabilloux

La logique financière qui prévaut actuellement dans les entreprises est, à terme, destructrice de valeur. La seule croissance viable au long court est la croissance interne. Elle passe par la mutualisation des intérêts individuels des salariés.

E & C : «Quand les RH construisent la croissance», le titre de votre livre, sonne comme un plaidoyer, presque une provocation. Quel en est l'enjeu ?

Serge Blanchard : Les entreprises, aujourd'hui, ont les yeux fixés sur la rentabilité. La croissance interne est sacrifiée à la croissance externe sous le prétexte que la première n'est pas rentable. Or, cette logique financière qui, à court terme, satisfait l'actionnaire, se révèle une stratégie intenable sur la durée. Pour que l'économie soit saine, il faut qu'il y ait, effectivement, création de valeur, donc croissance interne.

D'un point de vue humain, l'enjeu est clair, il faut miser sur les hommes, car il existe une sorte d'homothétie entre le salarié et l'entreprise. Chaque salarié peut être, en effet, considéré comme une entreprise individuelle, dont l'intérêt, au fond, est le même que celui de son entreprise : développer son actif, notamment en termes de connaissances.

Le salarié, comme son entreprise, est, aujourd'hui, en concurrence avec quiconque, à l'échelle européenne comme à l'autre bout du monde, est susceptible d'effectuer le même travail. Et, puisqu'il est tout simplement insensé de prétendre produire moins cher à périmètre d'activité égal que les entreprises des pays émergents, les défis sont de même nature pour l'entreprise et pour ses salariés. C'est en travaillant ensemble à les relever, notamment en déployant une vraie politique de formation, que l'entreprise et ses RH réussiront leur mutation dans une donne économique dont l'enjeu n'est plus franco-français, mais bel et bien mondial, qu'on le déplore ou qu'on s'en réjouisse.

E & C : Justement, quelles sont les implications en termes de gestion des ressources humaines ?

S. B. : Il existe, actuellement, une ambiguïté dont il faut sortir. D'un côté, tout le monde s'entend pour parler de «capital humain», et la tendance est à l'augmentation de la place des ressources humaines. De l'autre, la gestion des ressources humaines coûte cher et l'on y regarde à deux fois avant de s'engager. Aujourd'hui, avec la logique de croissance externe développée par les entreprises, on tend même à se demander tout simplement pourquoi on investirait des métiers et des compétences qui ne feront peut-être plus, demain, partie de l'activité. Mais il faut sortir de cette logique strictement comptable pour raisonner en termes de croissance.

La solution consiste à concilier le développement de l'actif de l'individu et l'augmentation de celui de l'entreprise. Au-delà des indicateurs financiers traditionnels, il faut se fixer un impératif de croissance qui passe par l'individu, par l'envie d'apprendre de l'individu. Ce qui correspond à la valorisation de son portefeuille d'actifs personnel, si l'on peut dire. Toute la politique de l'entreprise doit être revue en ce sens. Ne pas, par exemple, systématiquement externaliser les secteurs d'activité les moins rentables, qui peuvent, à terme, constituer de véritable espaces de développement.

Concernant la gestion des compétences, cela veut dire, aussi, arrêter de toujours chercher sur le marché le profil pointu qui correspondra exactement aux besoins actuels de l'entreprise, pour privilégier la promotion interne. Dans les deux cas, cela revient à abandonner la seule logique d'exploitation des filons commerciaux comme des filons de compétences, pour entrer dans une phase constructive de l'environnement économique et humain.

E & C : Au regard de vos critères de développement de l'entreprise à partir des ressources humaines, que pensez-vous du dispositif actuel sur la formation ?

S. B. : Vingt heures de formation par an, c'est dérisoire et inadapté aux défis à relever. Ce qu'il faut consacrer à la formation, c'est 5 % à 10 % du temps. Dans le système économique de plus en plus tendu et concurrentiel qui est le nôtre, au niveau mondial, on n'a pas le choix. La Chine de demain ne sera pas l'atelier du monde mais son propre atelier, et nous serons inondés de produits made in China. A nous de faire la différence.

e-Management, Olivier Lagrée, Laurent Magne, Dunod, 2001.

The Human Equation, Jeffrey Pfeffer, Harvard Business School Press, 1998.

The Wealth of Knowledge, Thomas Stewart, Currency, 2001.

Diplômé de l'Ecole centrale de Paris et de la Wharton School of Finance de l'Université de Pennsylvanie, Serge Blanchard a travaillé treize ans pour le Boston Consulting Group sur l'introduction en France de la notion de stratégie.

Il est actuellement directeur associé au groupe Cap Gemini.

Il vient de publier Quand les RH construisent la croissance (éd. d'Organisation), fruit d'une réflexion d'une vingtaine d'années sur le partenariat entre l'entreprise et ses salariés.

Auteur

  • Pauline Rabilloux