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Les Pratiques

Migros se fait sa religion sur le port du voile

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 22.02.2005 | Christian Robischon

Première entreprise suisse confrontée à la question du port du voile islamique, la chaîne de distribution helvète Migros a été tentée par une autorisation générale, avant de s'en remettre à la décision de chacune de ses fédérations régionales.

La scène devait bien finir par se produire en Suisse aussi, et c'est la chaîne de distribution Migros qui a été le théâtre de cette première : en fin d'année dernière, une salariée a demandé, et a été autorisée, à porter le voile islamique, à la caisse de son magasin de Zurich. Non pas que le foulard fût totalement absent chez Migros jusque-là, mais il était resté cantonné aux arrière-boutiques et aux zones de stockage. C'est, cette fois, à la vue de la clientèle qu'il s'est exposé. Le précédent allait-il valoir règle générale ? Dans une réaction à chaud, Migros avait laissé entendre que oui, en se référant à la liberté de conscience et à la liberté religieuse qui sont inscrites dans la Constitution helvétique.

Au cas par cas

Mais la position officielle, définie quelques jours plus tard, s'avère moins catégorique. « Notre convention collective interdit les discriminations. Sur la question du voile, il ne saurait y avoir de réglementation de portée générale. La décision est à prendre au cas par cas, dans nos dix fédérations régionales, à l'issue d'un entretien entre l'intéressée et son responsable hiérarchique », indique une porte-parole du groupe de 80 000 salariés. Une règle conforme à l'organisation décentralisée de Migros.

Le directeur du magasin et son responsable du personnel deviennent souverains en la matière. Le deuxième cas de port du foulard, qui s'est produit à Genève, a abouti, lui, à un refus.

Quels critères permettront d'exercer cette souveraineté ? « Si les circonstances le permettent, le voile peut être porté », estime le groupe. A Genève, le directeur de magasin a justifié son refus par l'obligation commune de porter un uniforme qui venait d'être adoptée. Pour certaines fonctions comme le transport de produits frais, les impératifs d'hygiène et de sécurité peuvent légitimer le refus.

Changer de poste les salariées

La chaîne avance aussi la notion d'« intérêt du client », laissant supposer qu'il vaut mieux contraindre à enlever le voile s'il peut faire fuir le chaland vers la concurrence. En cas de refus, la chaîne conseille à ses responsables locaux de déplacer la salariée vers un lieu et une fonction non exposés au public. « Aucune solution plus radicale : un licenciement pour seul motif de port du foulard aurait toutes les chances d'être qualifié d'abusif par les tribunaux », souligne Romolo Molo, avocat de l'Union syndicale suisse (USS).

La Suisse, dont l'islam est la deuxième religion, compte 250 000 musulmans. Les autres entreprises helvètes observent le cas Migros avec prudence... en attendant, probablement, d'y être confrontées elles-mêmes. Par exemple, dans les Chemins de fer, où le cas ne s'est pas encore présenté, le règlement intérieur ne l'a pas prévu.

Auteur

  • Christian Robischon