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Les Pratiques

60 % des malades ont retrouvé un emploi

Les Pratiques | Expériences & Outils | publié le : 22.02.2005 | Monique Castro

Entreprise atypique créée en 1992, Sotres n'emploie que du personnel handicapé par une maladie psychique. A l'issue d'un parcours d'insertion de vingt-quatre mois, une majorité de salariés retrouvent du travail.

En 1992, les parents de jeunes adultes handicapés et des membres de l'Unafam (Union nationale des amis et familles de malades psychiques) ont créé Sotres, à Nanterre (92), une entreprise spécialisée dans la sous-traitance et les services en bureautique. Ils voulaient ainsi offrir une première réponse à ces jeunes handicapés qui ne savaient vers où s'orienter. « Ils avaient souvent fait de longues études, certains étaient même centraliens, ils avaient des capacités intellectuelles immenses mais étaient fragiles psychologiquement. Leur place n'était pas dans un CAT (centre d'aide par le travail) et pas tout à fait dans une entreprise normale. Il leur fallait une structure intermédiaire pour les rassurer, peut-être pour les réorienter vers des métiers d'exécution et non plus d'encadrement », explique Marie de Colbert, directrice de Sotres. Aujourd'hui, douze ans après sa création, le bilan est positif : après avoir quitté la structure, 50 % à 60 % des personnes ont retrouvé du travail.

Redonner confiance

Outre ces jeunes, Sotres accueille également des personnes plus âgées. « Quand je suis venue frapper à la porte de Sotres, je ne me doutais pas qu'il s'agissait d'une entreprise destinée à nous redonner confiance, à nous remettre le pied à l'étrier », témoigne Hélène, 41 ans, atteinte d'une maladie psychique. Titulaire d'une licence d'histoire et d'une capacité en droit international, elle a été journaliste, attachée de presse et secrétaire... puis, un jour, elle a craqué. Son état est aujourd'hui stabilisé, mais elle a du mal à retrouver du travail : « Cela fait presque deux ans que j'en cherche, Sotres est la première entreprise à m'accueillir. » Comme elle, des médecins, des cadres, des ingénieurs, des étudiants ont été orientés vers cette entreprise atypique par la Cotorep (commission évaluant le degré de handicap), par des psychologues de centres hospitaliers, voire par le bouche à oreille.

Analyse des capacités d'insertion

Les vingt-huit salariés présents dans l'entreprise sont âgés de 26 à 52 ans et sont tous reconnus travailleurs handicapés. « Nous sommes une passerelle entre les soins et l'entreprise », ajoute Marie de Colbert. Les candidats sont retenus sur l'examen d'une lettre de motivation et de leur CV : l'entreprise n'accueille que des personnes ayant au moins le niveau bac. L'admission se déroule en plusieurs temps : tout d'abord une rencontre avec le psychologue clinicien de l'entreprise, qui analyse leurs capacités d'insertion ; puis un psychiatre-conseil vérifie si leur état est suffisamment stabilisé. Le contenu des deux entretiens reste confidentiel. Les deux praticiens émettent juste un avis, qu'ils transmettent à la directrice. Pour finir, les candidats passent un entretien classique d'embauche avec cette dernière.

Une fois dans l'entreprise, les salariés travaillent à mi-temps, le matin ou l'après-midi. L'activité à la Sotres consiste à réaliser des travaux de sous-traitance en bureautique (questionnaires, envoi de courrier, etc.) pour des entreprises comme IBM, EDF-GDF, Total... L'équipe de Sotres accompagne les salariés dans l'élaboration de leur projet professionnel. Par ailleurs, un cadre retraité d'EDF intervient bénévolement pour les aider à améliorer leur technique de recherche d'emploi.

Travail en binôme

Le parcours est prévu pour durer vingt-quatre mois, dont douze en chantier d'insertion (en contrat emploi solidarité), puis le reste en entreprise d'insertion (en contrat d'insertion). La première étape du parcours sert à la prise de repères. « Là, nous n'attendons d'eux aucune productivité, chacun évolue à son rythme et réapprend à vivre en entreprise, à respecter les horaires, voire à s'habiller correctement », précise Marie de Colbert. Les nouveaux venus travaillent en binôme avec des plus anciens qui peuvent, par exemple, leur apprendre à se servir d'un logiciel. Les binômes changent régulièrement pour que tout le monde se connaisse. Avec le temps, les salariés de Sotres obéissent aux mêmes exigences que dans une entreprise ordinaire. « C'est aussi un lieu convivial. J'ai eu de la chance d'être admise rapidement », se réjouit Hélène. Ceux qui ne trouvent pas d'emploi à l'issue de leur parcours peuvent revenir aussi longtemps qu'ils le souhaitent.

Liste d'attente

Faute de moyens, Sotres ne peut engager plus de vingt-huit salariés. Aujourd'hui, cinquante personnes attendent qu'une place se libère. Sotres est financée par la DDTEFP, la Ddass, l'Agefiph, le conseil général des Hauts-de-Seine et la mairie de Nanterre. Seule ombre au tableau : elle manque parfois de travaux de sous-traitance car elle est concurrencée par des CAT et des prisons. Mais la démarche commence à faire des émules : une association de Nancy a ouvert, en avril dernier, Sotres Lorraine.

Auteur

  • Monique Castro