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Les NTIC devraient produire plus de flexibilité partagée

Demain | Aller plus loin avec | publié le : 15.02.2005 | Violette Queuniet

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Les NTIC devraient produire plus de flexibilité partagée

Crédit photo Violette Queuniet

Les nouvelles technologies introduisent plus de flexibilité dans la gestion du personnel. Mais elles ne sont qu'un outil au service d'un projet managérial plus ou moins soucieux de rendre cette flexibilité «soutenable» pour les salariés. Une flexibilité partagée, entre le salarié et l'entreprise, est encore à venir.

E & C : Les nouvelles technologies engendrent-elles nécessairement une flexibilité du travail ?

Patricia Vendramin : Les technologies sont mises au service de stratégies commerciales et d'organisation. Il faut donc éviter de se tromper de cible en les diabolisant. Dans les centres d'appels, par exemple, on peut voir les meilleures comme les pires conditions de travail. La même technologie permet de mettre en place ce que l'on veut.

Les marges de manoeuvre en termes de gestion des ressources humaines existent. Cela dit, il y a quand même un effet structurant des NTIC. Elles sont au service de rationalisations des processus du travail. Elles introduisent plus de flexibilité dans la gestion du personnel : un dossier peut être suivi par plusieurs personnes, à partir du moment où chaque intervention sur ce dossier est enregistrée. Elles permettent aussi d'interagir à distance, de travailler en réseau, de travailler sur un même projet sans faire partie de la même entreprise, en mettant ensemble toute une kyrielle d'intervenants, de sous-traitants, de personnels spécialisés. Et en même temps, les technologies permettent une flexibilité intéressante pour le salarié qui a un travail plus mobile, qui peut plus facilement travailler à distance, emporter son dossier, etc.

Les NTIC sont ce qu'on en fait, mais c'est vrai qu'elles ouvrent de nouveaux potentiels en matière d'organisation du travail, en termes de disponibilité et de rythme de travail.

E & C : Précisément, le télétravail, qui est une possibilité offerte par les technologies, ne semble pas se développer...

P. V. : Le télétravail comme projet formel au sein d'une entreprise, négocié avec des conditions claires, avec un temps de travail qu'on peut appeler «de substitution» - travailler un jour chez soi au lieu de venir au bureau - ne se rencontre en effet que rarement. Lorsque c'est le cas, c'est à la suite d'un déplacement de site qui engendre des problèmes de mobilité pour le personnel.

Par contre, le télétravail comme outil de flexibilité pour des gens qui travaillent dans les activités informationnelles est une pratique de plus en plus présente sans en porter le nom. Il permet de gérer des rythmes accélérés, à la fois dans un contexte d'autonomie et de charge de travail de plus en plus importante, en emportant des dossiers chez soi ou en restant disponible pour un client. C'est cette forme-là du télétravail qui est la plus fréquente : au cas par cas et dans un contexte informel.

Cette flexibilité pourrait être positive, car elle permet aux salariés de gérer un investissement professionnel bien réel et, en même temps, un investissement dans leur vie privée : la famille est une valeur en croissance en ce moment, les jeunes générations sont beaucoup plus demandeuses de ce genre de compromis.

E & C : Quelles sont les pistes pour rendre la flexibilité liée aux NTIC plus positive ?

P. V. : On évoluera de toute façon de plus en plus vers des méthodes de travail flexibles. L'enjeu est d'arriver à une flexibilité plus partagée, qui profite autant aux salariés qu'aux entreprises. Pour le moment, force est de constater que les salariés n'ont pas énormément de marges de manoeuvre pour faire entendre des demandes. Pourtant, les entreprises ont intérêt à promouvoir la flexibilité partagée. Je crois qu'il vaut mieux quelques accords de flexibilité dans une entreprise qu'un absentéisme trop élevé.

Les technologies permettent pas mal de choses, plus que ne le permettaient les modes de travail traditionnels. Une enquête récente de l'Institut Chronopost montre bien la perception ambivalente des nouvelles technologies par les salariés français : deux tiers d'entre eux estiment qu'elles ont amélioré leurs conditions de travail, mais pour le même nombre de personnes, elles ont accéléré leur rythme de travail.

Les TIC n'ont pas encore produit tout ce qu'elles recèlent de positif pour une gestion du travail de plus en plus exigeante en termes de disponibilité et de réactivité. Ces contraintes concurrencent fortement les engagements personnels privés. Je pense qu'on a besoin de faire preuve de créativité et de dialogue dans ce domaine-là et dans l'intérêt de chacune des parties.

La société du risque, sur la voie d'une autre modernité ?, Ulrich Beck, Aubier, Coll. Alto, 2001.

Au-delà de l'emploi. Transformations du travail et devenir du droit du travail en Europe, sous la direction d'Alain Supiot, Flammarion, 1999.

La société en réseaux, Manuel Castells, Fayard, 1998.

parcours

Docteur en sociologie, diplômée en sciences de la communication, Patricia Vendramin codirige le centre de recherche Travail & technologies de la fondation Travail-université à Namur, en Belgique <www. ftu-namur.org>. Elle est responsable de projets de recherche régionaux, nationaux et européens sur les aspects socio-économiques des TIC et leurs impacts sur le travail et la qualité de vie.

Elle est, notamment, l'auteure, avec Gérard Valenduc, de Technologies et flexibilité (éd. Liaisons, 2002) et, avec Laurent Taskin, de Le télétravail, une vague silencieuse (PUL, 2004) et de Le travail au singulier, le lien social à l'épreuve de l'individualisation (Académia-Bruylant et l'Harmattan, 2004).

Auteur

  • Violette Queuniet